Krajcberg à Bagatelle
Hier
dimanche j’ai été voir dans le parc de Bagatelle l’exposition des sculptures de
Frans Kracjberg « Ville-forêt ».
Kracjberg,
seul rescapé d’une famille juive polonaise est devenu sculpteur. Il vit entre
la France et le Brésil où il s’est particulièrement attachée à la forêt
amazonienne. Celle-ci a été pour lui le lieu de sa reconstruction par la
puissance de vie qu’elle recèle. « Je ne voyais plus qu’en gris au sortir
de la guerre, dit-il, la forêt m’a réappris les couleurs ». Il ressent
donc avec une particulière acuité les menaces qui pèsent sur cette forêt. La
destruction de celle-ci par le feu dans une logique de profit à court terme lui
semble comme un écho des brasiers qui ont marqué de façon si tragique sa
jeunesse. L’œuvre qu’il construit se veut cri de révolte, arme de lutte. Il récupère
des bois brûlés sur le site des incendies, les retravaille, les restructure,
les colore avec des pigments, il veut sublimer cette matière morte, assassinée,
lui insuffler une nouvelle forme de vie. Il fait surgir au bout des sarments
torturés des graines et des efflorescences prometteuses de renaissances.
La
présentation dans l’espace de Bagatelle est magnifique. Contraste entre les
formes tortueuses des œuvres et les lignes rigoureuses de l’architecture du
château, entre les bois rougis ou noircis et la blancheur éclatante des murs et
des terrasses dans ce soleil franc de cette belle après-midi d’automne.
Contraste aussi avec le bleu du ciel, avec les verts intenses des pelouses,
avec la couleur dorée des feuilles qui se parent d’automne : c’est le brûlé
et le consumé côtoyant la nature vivante, prenant sa force de cette proximité,
de cette mise en confrontation.
Ressortant de la salle audiovisuelle où j’ai pris le temps de regarder en entier le film excellent qui présentait l’œuvre de Kracjberg, j’ai ressenti avec encore plus de force les œuvres. On est resté encore un moment à déambuler parmi elles et à s’en imprégner puis nous nous sommes promenés dans le reste du parc de Bagatelle qui est superbe. En fait c’était juste continuer la même promenade mais sur le versant de la vie, on a perçu mieux la lumière vivante du soir, la puissance manifestée du cycle de la vie à travers la variété des tons et des couleurs, signe du basculement des saisons. L’œuvre de Kracjberg est une œuvre sombre mais qui donne la pêche, qui aide à mieux ressentir et apprécier la vie.
Promenez vous après moi chez Krajcberg et à Bagatelle et puis aussi vous pouvez aller ici et là