Be with me
Ouf,
quelques jours de vacances en perspective, la possibilité de souffler un peu,
voilà qui est bienvenu.
Hier
d’ailleurs j’ai pu déjà sortir plus tôt du travail et j’ai été au cinéma.
J’ai
vu « Be with me », un film que j’ai trouvé superbe. Cela commence en
mêlant trois petites histoires sans lien apparent, celle d’un vieil homme
auprès de sa femme grande malade, autiste, absente à moins qu’elle ne soit tout
simplement morte et présente seulement dans son fantasme, celle de deux jeunes
filles qui engagent une relation sensuelle rythmée par les contacts par mails,
téléphones portables et sms et dont l’une se détourne très vite au désespoir de
l’autre, celle d’un agent de surveillance, gros homme disgracieux et frustre
qui tombe en extase devant une belle femme inaccessible, qu’il observe de loin,
à laquelle il tente en vain d’écrire une lettre. Les milieux sociaux des
personnages, leurs âges et leurs mondes sont totalement différents, mais tout
baigne dans la communication impossible, ils se déplacent dans la jungle
urbaine (non pas la jungle, le désert, Singapour l’un des lieux les plus denses
du monde est physiquement vide autour des personnages), il y a partout des grilles
qui surgissent, celle qui ferme la boutique du vieillard, celles qui protègent
les maisons bourgeoises. Les visages sont particulièrement poignants
spécialement ceux du vieil homme dans son échoppe et du gros vigile toujours
bafoué.
Mais
apparaît un autre personnage : c’est une femme aveugle et sourde, elle
rédige lentement son autobiographie sur une vieille machine à écrire, on entend
sa voix qui est une sorte de cri, mots écorchés, difficilement éructés, elle a
un parler très laborieux à laquelle sa surdité la contraint, on la voit vivre
sa vie quotidienne, faire sa cuisine, faire ses courses, lire en braille,
bricoler, aller donner des cours à l’institut des aveugles et pendant ces
scènes le lus souvent muettes, en voix off, on entend le récit tragique de sa
vie, et elle pendant dans ce temps, dans chacun de ces gestes, dans ses
sourires sans yeux, elle respire l’harmonie, la sérénité, l’amour.
Le
vieil homme cuisine avec amour, pour sa femme absente puis pour cette femme
sourde-muette, avec laquelle il est indirectement en contact par
l’intermédiaire de son fils qui traduit l’autobiographie qu’elle est en train
de rédiger.
Le
film change alors de tonalité. Dans ce monde où les gens se croisent sans se
rencontrer, c’est elle, isolée pourtant par ses murs sensoriels qui communique
vraiment, elle qui porte la rencontre, elle qui peut écrire au final sur sa
vieille machine « be with me, don’t let love fade »
Ce
qui prend d’autant plus de force lorsque l’on sait que contrairement aux trois
fictions qui s’entrecroisent dans le film, le personnage est réel, que cette
femme existe, que son histoire est celle qui est racontée et que c’est
elle-même qui joue son propre rôle.
Comme
après l’expo Kracjberg je suis sorti de là le cœur gonflé de reconnaissance. Il
faisait beau avec un temps déjà plus automnal, un vent vif qui commence à faire
tourbillonner les feuilles, un ciel clair mais moins lumineux, un soleil déjà
bas sur l’horizon et un peu pâle mais éclairant avec douceur la pierre des
immeubles. Je n’ai pas pris le métro tout de suite, de Beaubourg j’ai marché un
peu dans le Marais, je regardais la ville et les passants avec tendresse, j’ai
traversé la Seine, je suis passé devant Notre-Dame, les cloches carillonnaient
longuement, l’appel aux vêpres je crois, j’avais envie de rendre grâce. Á nul
Dieu, à la vie simplement.