"Following Sean"
Je suis au bureau et j’écris
pour moi non sans avoir été faire auparavant un petit tour de mes diaristes
favoris ! Et ben, c’est bien la première fois depuis la rentrée de
septembre ! C’est un signe sympathique, j’ai enfin rattrapé tout mon
retard dans mon travail, pour une fois je ne suis pas dans l’urgence. J’ai bien
une petite gêne, à faire autre chose au bureau que ce pourquoi je suis payé,
c’est ridicule dans la mesure où je fais ce que j’ai à faire, c’est un vieux
surmoi envahissant avec lequel toutefois je m’arrange assez bien…
Bon, je regarde par la
fenêtre, je vois qu’il fait un temps splendide, beau soleil froid, teintes
automnales sur les feuilles des arbres, je préférerais encore être dehors,
enfin ça quand même je ne peux pas, j’attends un rendez-vous qui ne devrait pas
tarder mais c’est agréable cette petite respiration entre deux…
Je voulais dire quelque mots
de « Following Sean » que j’ai vu hier, qui m’a bien plu et qui
mérite sûrement un relais, il ne passe que dans une petite salle du quartier
latin. (enfin il passe à Toulouse aussi, c’est qu’ils ont de super bons cinés à
Toulouse, ô Toulouse, c’est même en lisant l’excellent commentaire de Samantdi
que s’est accélérée mon envie d’aller voir ce film).
Ce que j’y ai aimé c’est
l’espèce de mosaïque humaine qui se dessine peu à peu, à travers les périodes,
à travers les lieux, des années 60 à aujourd'hui. S’y croisent un grand nombre
de personnes et d’itinéraires entre la famille de Sean et celle de l’auteur du
reportage originel et du film d’aujourd'hui.
Aucun manichéisme. Pas de
théorie abstraite sociologique ou politique. On croise des gens à différentes
étapes de leur vie. Ils deviennent ce qu’ils sont en suivant des chemins qui
peuvent paraître improbables. Il y a les transmissions, celles qu’on assume et
celles qu’on refuse mais il y a aussi l’air du temps, l’effet des rencontres et
des hasards. De tout cela chacun est fait, chacun s’est fait à travers les
contradictions, à travers les nostalgies, celles des époques militantes comme
celles du temps des illusions hippies. L’auteur les regarde vivre et vit avec
eux, son regard est humble, respectueux de chacun dans ses différences, dans
son devenir, bienveillant à l’égard de toutes les personnes.
J’aime aussi que s’y rencontre
une Amérique autre, une Amérique ouverte qu’il fait du bien d’apercevoir en ces
temps de busheries dominantes.
C’est avant tout une œuvre
autobiographique : on suit le jeune Sean du petit garçon fils de babas
typique du San Francisco des années 60 jusqu’à l’homme d’aujourd’hui, ouvrier
électricien et père lui-même d’un petit garçon. Mais on suit surtout le
réalisateur du film, parce que du court métrage au film d’aujourd'hui, c’est à
travers son regard, à travers ses mots, à travers ses propres mutations que
l’on suit les autres personnages et les temps qui changent.
Il flotte sur tout cela une vague nostalgie,
celle du temps qui passe tout simplement, des visages d’adultes qui deviennent
des visages de vieillards, des visages d’enfants mutins ou de jolies
demoiselles à l’éclatant sourire qui deviennent des visages trop sérieux
d’adultes. Je l’ai bien ressenti en sortant, j’étais dans ce quartier que j’ai
tant arpenté adolescent mais où je vais rarement maintenant, il n’y a plus que
des restos grecs et des attrape touristes par ici, la librairie Maspéro était
juste là, nous allions y traîner pour feuilleter Granma, Partisans et les
bouquins de la Tricontinentale avant le ciné. La salle elle-même d’ailleurs où
se donne le film, avec son entrée et ses couloirs étroits et vieillots est
encore à l’image des salles d’arts et essais de l’époque, loin de ces complexes
rutilants aux salles vastes, modernes et confortables comme les MK2 où je vais
surtout désormais. Bref j’ai fait dans ma tête moi aussi mon petit parcours à
la « Following Sean »…
Et si vous voulez suivre
Sean vous aussi, aller voir le film bien sûr si vous en avez l’occasion, sinon
vous pouvez vous rendre ici.