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Les échos de Valclair
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21 novembre 2005

...Partie!!!

Depuis un moment je n’avais pas beaucoup excursionné chez les diaristes. L’autre jour j’ai été chez Carpe Diem Eclat du Soleil. C’est un site que j’aimais beaucoup. Un site et pas seulement un blog car autour du blog rayonnait, disait-elle, tout son système solaire, comportant des séquences photos de voyage et de sa ville rose, Toulouse encore, ses recettes de cuisine, son pink blog, une série de nouvelles érotiques, excellentes pour certaines. C’était pour moi une diariste lointaine, je ne l’ai jamais rencontré, j’ai assez peu correspondu avec elle. Mais je me sentais le plus souvent fortement en accord avec ce qu’elle écrivait, avec la façon dont elle parlait de la vie, de livres et de films, d’œuvres d’art contemporain que pour certaines elle m’a fait découvrir. Á un moment nous avions eu ensemble le projet d’une écriture érotique à quatre mains, nous avions commencé puis elle s’était retirée parce que d’autres choses la requéraient dans sa vie réelle, changements professionnels et rencontre affective. Mais elle continuait à bloguer de temps à autre et j’appréciais d’aller la lire de temps à autre moi aussi.

Et puis là, plus rien. Ce n’est pas seulement un « j’arrête » avec des raisons données. C’est juste une page d’accueil avec ce seul mot : « …Partie !!! » . C’est tout. Avec les trois points de suspension et ses trois points d’exclamation, vaguement inquiétants ou menaçants. Il n’y a plus le blog déjà écrit, plus les promenades au hasard des rues de la ville rose et dans les musées, plus les recette de cuisine et plus sa belle langue et ses belles promenades fantasmatiques…

Un tel départ peut avoir mille raisons, des plus anodines aux plus sérieuses. Ce peut-être simplement qu’il lui a fallu éliminer des mots qui, anodins dans l’anonymat, deviennent sources de problèmes lorsque celui-ci n’existe plus. Ce peut être l’envie de passer à autre chose et de marquer ce nouveau départ par l’élimination de tout ce qui restait signe de l’ancienne vie. Ce peut-être aussi la crise, la colère, le malheur ou la dépression… Et c’est la possibilité de cette hypothèse bien sûr, dans le cas de quelqu'un qu’on aime bien, qui inquiète le plus.

Je suis très sensible à ces départs impromptus, inexpliqués, à ces disparitions sans commentaires. Rien que de normal pourtant. Tout bouge, tout passe, les blogueurs même plus que le reste. Mais je n’aime pas être pris par surprise, cela fait comme un arrachement, comme un abandon, comme une trahison. Oh, une trahison minuscule bien sûr, personne ne me doit rien mais c’est comme ça, ça me fait un petit pincement. Cela a été le cas avec d’autres dans la blogosphère, certains anciens se souviennent peut-être de l’improbable Aglaïa ou des beaux et plus réels « Secrets partagés » de Cassandra. Je me souviens de ceux (de celles devrais-je dire car ce sont des femmes plutôt que des hommes) dont j’ai pu me sentir (ou me croire) suffisamment proches par ce qu’elles disaient et qui restaient suffisamment loin aussi pour garder une aura de mystère propice à toutes les imaginations.

Mais ces départs en même temps me fascinent. Là ce ne sont que départ d’un tout petit bout de soi, celui que pendant un moment on s’est amusé à confier à la toile. Mais il en est de beaucoup plus radicaux dans la vie réelle. Des gens qui vont chercher des cigarettes ou une baguette de pain au bout de la rue et qui disparaissent... Il paraît que ça arrive et plus souvent qu’on ne croit. Les commissariats reçoivent quantité de demande de recherche pour des gens qui sont simplement partis, ni enlevés, ni assassinés, ni suicidés, juste partis, ils en ont le droit. Décisions sur un coup de tête ou après un long cheminement intérieur et secret, tout laisser derrière soi, sans un regard en arrière, amis, parents, travail, volonté de changer radicalement de vie. Ça me fascine. Presque, ça me ferait envie. Non tant pour le réaliser, je sais bien que le plus souvent une telle solution extrême n’est que l’expression d’un désespoir profond auquel la fuite, aussi lointaine qu’elle soit, ne portera pas remède. Cela me ferait envie juste peut-être en ce que ça affirme la liberté fondamentale de l’individu, s’il le veut bien, face à tous ces liens, à toutes ces sécurités dont il a encombré sa vie, parce que c’est l’expression d’une absence radicale de peur, d’une capacité à brûler ses vaisseaux, à partir sans se retourner. Cela fait longtemps que je recueille les coupures de presse quand je tombe sur des histoires de ce genre et ça fait longtemps que j’en tourne quelques unes dans des recoins de ma tête comme des romans possibles que très vraisemblablement je n’écrirai jamais.

Oulà, me voilà bien loin de cette chère Eclat du Soleil aux raisons sans doute infiniment plus prosaïques et j’espère heureuses.

Il y a peu de temps, quand j’avais interrompu Valclair l’ancien et que j’avais démarré ici elle avait fait une entrée chaleureuse à mon sujet sur son blog. Elle y avait mis cette photo, prise sur mon ancien site, disant qu’elle trouvait que l’image s’harmonisait bien avec ce que je disais de moi à travers le choix mon pseudo. Bien sûr qu’elle s’harmonise bien cette image…

La voici à nouveau. Comme un lien ténu. Si tu me lis d'aventure, Amie partie...


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Commentaires
E
Cela dépend des personnes. Comme Coumarine, à mes eux, le texte m'aide à me mettre en face de moi-même. Le texte n'est jamais que l'expression de la somme de pensées qui l'a précédé. Evidemment, au lieu d'écrire ici, je pourrais courir dehors, promener un chien (que je n'ai pas), faire des courses, j'aurais l'air d'être davantage dans la vie réelle; pourtant, je suis convaincue qu'on peut aborder la relation virtuelle -écrite- de la même façon qu'on aborde la relation en chair et en os. Ceci dit pour en revenir au texte, je me suis fait également la réflexion que le texte est parfois réducteur. Même dans un journal, on ne rend qu'une facette de la vie. On parle du film que l'on a vu, mais pas forcément des menus gestes quotidiens qui entourent ce loisir: la télécommande qui disparaît dans les coussins, les programmes télé qui vadrouillent, les voisins qui font du bruit, le vent dehors, les chats qui traversent l'appartement en galopant, les biscuits qu'on grignote... Etc. Etc.
E
Ou des amitiés... J'en ai connu quelques-unes. Rares. Et elles ont comme caractéristique d'être très souvent éphémères, ou limitées dans le temps. Leur anéantissement m'attristait parce que le plus souvent il s'agissait de personnes partageant mes passions. Un prof de latin et de grec (mais nous n'avions pas du tout les mêmes opinions politiques par contre), un prof de français... Une archéologue, à la Martinique, une Dijonnaise... Malgré tout, je crois qu'il en reste toujours quelque chose: un apport, un enrichissement, le fait de renouer avec des passions oubliées, ou laissées de côté, des découvertes... Mais le passage d'une amitié virtuelle à une amitié réelle est vraiment très délicat, ça passe ou ça casse, et parfois, c'est vraiment dommage que ça casse. Il aurait mieux valu, alors, garder le mystère entier.
I
Je partage largement ton point de vue Valclair. Je suis quelqu'un qui "s'attache" aux gens, y compris dans ce monde des écrits. Je n'y vois pas le coté narcisse dont parle Coumarine, mais davantage un partage, une forme de complicité dans l'expression de soi. Des partenaires.<br /> <br /> Je ne pourrais pas disparaître sans laisser d'adresse. Je ne pourrais pas "abandonner" ceux qui m'on fait le plaisir de me lire, de m'être fidèle, de me suivre, ou avec qui j'ai échangé. Pour moi c'est une question de respect de l'autre, même si je ne juge pas les choix que d'autres peuvent faire. Il y a certainement de ma part une crainte de... l'abandon. Un rappel de la solitude dans laquelle nous sommes toujours.<br /> <br /> Tout quitter, est-ce un acte de courage ? Tout dépend du point de vue. Ce peut aussi bien être une lâcheté. Ne pas affronter le regard des autres, estimer ne rien leur devoir. Être fondamentalement libre, peut-être...<br /> <br /> Je ne sais pas. Tout cela me laisse interrogatif, un peu inquiet. Pas très à l'aise...
C
C'eest bizarre, j'ai fait moi l'expérience inverse...l'écriture m'a obligée à affronter enfin le pire et le meilleur, en moi, dans la vie
V
Merci de vos commentaires qui dans leurs différences sont éclairants.<br /> Je me sens proche de ce que tu dis, Prali, mais l'évocation de Narcisse par Coum ça me fait réfléchir, il y a peut-être de ça un peu mais pas que ça, on cherche le semblable et on cherche le différent. <br /> Le texte peut-être la fuite de la vie, je le sais aussi Janu et je l'ai même expérimenté mais là encore ce n'est pas toujours ça heureusement. Mais je trouve très belle ta formule pour évoquer ce qui peut advenir de l'écriture lorsque la vie nous requiert: "on n'a plus le temps d'effacer le silence"
Les échos de Valclair
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