Troublant Ron Mueck
Hier en ce beau dimanche
froid et sec j’ai pas mal marché dans Paris et expositionné…
J’ai été voir l’expo Vienne
1900. Peut-être que c’est beau. Sans doute même d’après le peu que j’ai pu en
apercevoir. Car le vrai problème de ce genre d’exposition est la foule bien
trop compacte qui envahit les salles. Je sais qu’assez souvent j’ai du mal en
entrant et puis peu à peu je m’y fais, en jouant des coudes et en tendant le
cou, j’arrive tant bien que mal à rentrer un peu en contact avec les œuvres.
Mais là, trop, c’était trop. J’en suis sorti assez vite, me disant que je
tenterai d’y revenir dans de meilleures conditions (c’est vrai qu’il ne doit
guère y avoir pire que le dimanche à trois heures, j’essaierai un nocturne).
Je suis alors allé voir Ron
Mueck à la fondation Cartier. J’aime bien le lieu, cet espace en plein
Montparnasse, tout en transparence, entouré de ce jardin avec ses grands
arbres, adossé à l’arrière des vastes espaces de l’hôpital Saint Vincent de
Paul, on s’y sent comme dans une bulle. Et j’ai été soufflé par les œuvres
exposés, je n’étais pas le seul d’ailleurs à entendre les commentaires de
stupéfaction, presque d’incrédulité des autres visiteurs. Des œuvres, il n’y en
a pas beaucoup : cinq en tout et pour tout.
Ron Mueck réalise des
sculptures représentant des figures humaines qui sont d’un époustouflant
réalisme. Il travaille avec de la fibre de verre et de la silicone. Cheveux et
poils sont rajoutés, collés un à un, des détails infimes sont représentés,
rides, rougeurs, tavelures de la peau. Les regards aussi sont très expressifs,
même s’ils sont en général plutôt vagues, posés sur le lointain, ils semblent
être porteurs de rêverie, de mélancolie.
Cet hyper réalisme est très
troublant. Évidemment on sait très bien que ces figures ne vont pas bouger, nul
souffle ne va soulever leur poitrine, aucun son ne va sortir de leurs bouches.
Et pourtant on jurerait qu’elles vont le faire. Peut-être est-ce cela qui est
troublant, comme si c’était du vif saisit par l’immobilité, du vif sur lequel
serait tombé un maléfice, un coup de baguette magique comme celui qui a
suspendu la vie dans le palais de la Belle au Bois dormant. (ou comme la nuée
du Vésuve figeant en pleine action les habitants de Pompéï).
D’autant plus troublant d’ailleurs que ce réalisme ne concerne pas l’échelle. Aucune des figures n’est à taille humaine, trois sont plus grandes que nature, deux plus petites. Celles-ci m’ont paru les plus fortes, peut-être parce qu’on les domine, qu’on les couvre du regard, qu’on les appréhende aisément dans leur totalité, qu’on se sent une sorte de dieu au-dessus d’elles, imaginant facilement les histoires qui pourraient être les leurs au vu des visages, des attitudes corporelles, des mouvements suspendus devinés. Les plus extraordinaires sont ces deux vieilles femmes, avec leurs bas tirebouchonnées, leurs cheveux en bataille, leurs rides et leurs poils au menton, penchées l’une vers l’autre, regardant une scène inconnue mais dont on imagine qu’elles s’apprêtent à la seconde à jaser. Saisissant !
Je ne les ai pas trouvé en
photo sur le net. Alors je vous donne ici, juste pour imaginer un peu, un tout
petit peu, deux autres figures de Mueck présentées à d’autres occasions.