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Les échos de Valclair
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29 janvier 2006

En ligne ou hors ligne?

Vendredi soir minuit : je suis dans le train qui nous ramène de Lyon. Il a neigé assez fortement, on a poireauté à la gare en se gelant en attendant les annonces de retard, une demi-haure puis une heure, finalement ce sera une heure et demi… En soi ce n’est pas très grave mais c’est incroyable à quel point quelques flocons de neige désorganisent tout, car ce n’est pas une tempête violente, ce n’est qu’un temps d’hiver somme toute banal, mais tous les réseaux, tous les systèmes fonctionnent en tension maximum, près de la saturation, le moindre élément de désorganisation a alors de lourdes conséquences en chaîne, c’est un signe parmi d’autres de la fragilité de nos sociétés.

Philippe s’est assoupi, je sors mon petit carnet et gribouille mes impressions de cette journée. On est venu parler de l’expression personnelle en ligne, d’abord en début d’après-midi à la bibliothèque universitaire de l’ENS-SH, puis à la bibliothèque municipale, lui a parlé de l’expérience des pionniers tel qu’il a pu l’analyser au moment de son enquête en 1999 pour son bouquin « Cher écran », moi j’ai essayé de parler de ce qui se passe aujourd'hui. Le public était plutôt modeste en nombre mais ça s’est bien passé. J’ai l’impression que ce qu’on a raconté a intéressé les gens. Je me suis senti parfaitement à l’aise, parfaitement dans mon élément alors que c’était la première fois que je faisais ce genre de prestation dans un domaine comme celui-là. Bien sûr il n’y avait pas de raison que ça se passe mal sur un sujet qui me tient à cœur, mais il n’empêche la veille avant de partir j’étais un peu tendu, me demandant si je saurais faire. Et puis à l’avance j’ai toujours ce sentiment d’être « à côté » dans cette activité, j’ai été obligé de bousculer mon emploi du temps professionnel pour me libérer toute la journée du vendredi, ça me crée toujours un vague malaise et me culpabilise un peu (ce qui est idiot parce que je me débrouille toujours pour faire quand même ce que j’ai à faire). Par contre en faisant cette intervention, une fois que j’ai été là, je ne me sentais pas du tout « à côté », je me suis senti au contraire « chez moi », bien plus que quand je fais des topos dans mon domaine professionnel et c’est ça qui compte finalement. Après la séance à la bibliothèque municipale on a pris un pot avec les animatrices sympathiques du zazieweb, ce qui m’a donné envie de découvrir d’un peu plus près ce site que j’avais croisé sans plus jusque là.

Là je flotte un peu, j’ai sommeil, j’ai vaguement lu, vaguement écrit, ces mots là, avec en toile de fond l’interrogation sur ce que je vais faire, les mettre en ligne ou pas. Ils font totalement écho à ce dont j’ai parlé dans l’après midi avec mes interlocuteurs, je suis moi-même personnellement au cœur de certaines des contradictions de la pratique diariste en ligne, je les ressens d’autant plus fort ce soir…

*

Aujourd'hui samedi l’ordinateur a commencé à me faire des misères. Un signe ? Impossible de me connecter. Ça a duré toute la matinée, je n’ai pas pu aller voir mon courrier ni mes diaristes habituels, ça m’a agacé, ça c’est débloqué cet après-midi heureusement. (Comment ? Mystère, ça avait l’air de venir de ma machine et pas du réseau, ça m’agace beaucoup quand je ne comprends pas l’origine d’un dysfonctionnement, mes fils me disent de passer mon chemin et de ne pas m’interroger dès lors que ça remarche, ils ont raison sûrement, il ne faut pas vouloir percer les mystères des bizarrerie informatiques…)

Il fait froid et gris, pas très tonifiant, j’ai fort peu dormi, je suis un peu out, la journée a été plutôt cocooning mais pas du cocooning positif et créatif, j’ai pas mal traîné et perdu de temps. Et je suis gêné aussi par mes interrogations sur la mise en ligne ou pas de l’évocation de mes activités d’hier qui recouvrent en réalité une interrogation plus profonde sur l’évolution de ce journal.

Il y a un paradoxe parce que ce qui a trait l’écriture ou à mes activités apaïstes fait partie du domaine qui peut le plus facilement se dire à l’extérieur (et qui de surcroît a du sens à l’être). Mais évoquer ces activités dans un milieu où je suis aussi connu sous mon véritable nom c’est casser à grande vitesse mon anonymat vis à vis de personnes de plus en plus nombreuses. Mais pourquoi pas en fait ? Cela implique d’éliminer certaines entrées pouvant poser problème soit sur le plan professionnel soit sur le plan relationnel et de les garder pour mon journal hors-ligne. Mais ce mouvement est déjà largement entamé depuis longtemps, depuis le début de Valclair en ligne en fait, d’abord inconsciemment puis de plus en plus consciemment, il s’est accéléré lorsque je suis passé au blog en octobre. Cela ne veut pas dire pour autant passer à une écriture aseptisée ou désaffectivée, cela ne veut pas dire, parlant de livres ou de films, faire de la « critique » mais bien évoquer les échos que ces œuvres produisent en soi, c’est bien parler de soi y compris dans des aspects qui mettent en jeu de l’intime, c’est simplement en laisser de côté certains aspects ou les aborder de façon générale ou allusive, ce qui n’empêche pas pour autant les lecteurs de comprendre l’idée ou le sentiment que l’on veut y mettre.

Cela peut paraître curieux de dire ça surtout ces jours ci où l’éclatement de l’affaire Garfieldd est précisément liée à une insuffisance de précautions pour préserver l’anonymat. A moins de considérer que justement cet anonymat étant à la longue quasi impossible, il ne faut pas tenter de le maintenir à tout prix, qu’il faut du coup en faire son deuil, cesser les tortueuses acrobaties visant à le maintenir, mais accepter en contrepartie d’autolimiter pour partie ce que l’on raconte.

Mais dans cette idée d’assumer pleinement le journal personnel je me demande s’il n’y a pas aussi autre chose. Mes réticences jusque là ne tenaient peut-être pas seulement à une éventuelle mise en danger objective sur un plan professionnel ou relationnel. Elles avaient peut-être à voir aussi avec cette idée dont j’ai du mal à me débarrasser au fond de moi qu’il y a quelquechose d’un peu louche à s’adonner à l’écriture quand ce n’est pas son métier (et particulièrement à l’écriture intime). Dans le monde social global tenir un journal reste une activité perçue comme un peu douteuse (mais c’est aussi ça qui change avec l’explosion de l’expression en ligne, ça banalise cette écriture des gens ordinaires, ça la rend licite). Jusque là mes amis et mes relations, hors de mes amis diaristes ou apaïstes naturellement, savent peu que je m’adonne à ce genre d’activités, personne par exemple dans ma famille, à part mes très proches, ceux qui vivant ici me voient passer des heures à écrire. Dans ce choix éventuel de laisser filer l’anonymat, il y a quelquechose d’un « coming out »…

J’écris cela samedi soir, je crois que je vais publier, mais je tergiverse encore un peu, je me laisse la nuit encore qui, comme chacun sait, porte conseil…

*

Dimanche début d’après-midi. Il fait beau et pas trop froid. Ce matin j’ai été à la piscine et là on va partir se balader et se faire une petite toile. Je me sens énergisé…

Et donc je me décide à publier. Il ne s’agira pas pour autant d’étaler mon nom réel à tout va et j’éviterai naturellement d’associer mes deux identités dans un même document (et je demande cette même discrétion à ceux qui me reconnaîtront). Non je continuerai comme je fais, simplement en cessant de me compliquer la vie avec des efforts tortueux de préservation de l’anonymat, je vais laisser aller les choses…

*

Et j’ai traîné encore. Là il est passé vingt et une heure. J’envoie…

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Commentaires
C
Val...c'est un sujet difficile, dont on a déjà beaucoup parlé<br /> Au tout début de mon blog, je le voulais intime et anonyme, libre de parler de tout et de rien, libre de m'épancher aussi sur des sujets très personnels<br /> Petit à petit, comme toi je me suis sentie coincée dans cet anonymat strict qui devenait d'autant plus douloureux que des contacts privilégiés se sont établis avec quelques uns qui savent très bien qui je suis en réalité<br /> Mon travail qui me passionne et qui est en lien avec l'écriture m'a amené à en parler, à parler de mes ateliers d'écriture...certains blogueurs comme toi sont passés de l'autre côté du miroir, d'autres le feront bientôt.<br /> De toutes façons avec les indications que je donne il est devenu facile d'interroger Google et de retrouver mon nom et toutes mes activités, un blogueur l'a fait, y est parvenu assez facilement, heureusement il est bienveillant vàv de moi<br /> Je donne de plus en plus l'adresse de mon blog à des gens que je connais en vrai, mes proches connaissent son existence, mais chose étrange ne se pressent pas au portillon pour le lire.(Par peur de découvrir leur femme et mère différente de ce qu'elle est pour eux???<br /> Cela suppose un certain nombre d'options :<br /> 1) j'ai supprimé pas mal de notes du début TROP personnelles et de ce fait "dangereuses" pour moi...dommage mais c'est comme ça, rien dans mon blog ne peut me faire du tort à cause de confidences qui désormais n'ont plus leur place dans ce blog devenu facade sur l'extérieur de qui je suis<br /> 2) j'exerce bien sûr une censure assez sévère sur mes entrées, ce qui me frustre (frustrait)<br /> 3) Car j'ai trouvé une parade...j'écris donc ailleurs mon vrai journal intime, réservé exclusivement à la lecture de quelques très rares personnes<br /> 4) j'écris aussi pour moi même quand c'est nécessaire, sur des papiers volants que je ne tarde pas à détruire, de peur que qqun ne les découvre et ne les lise<br /> Tu fais ici un grand pas, que tu hésites à faire depuis un certain temps (déjà en parlant du WE d'écriture que nous avons passé ensemble dernièrement, et auquel je n'ai fait quant à moi aucune allusion dans mon blog Coumarine)<br /> Je pense que tu as raison pour ne pas rester dans tes contorsions compliquées que tu n'aimais pas du tout<br /> Je t'embrasse
S
Entrer dans une logique de " filtrage " pour préserver l'anonymat entraîne une plus grande distanciation, c'est à dire une certaine attitude et aptitude à prendre de la distance publiquement avec soi-même, ce qui n'est pas sans conséquences, en effet, sur la teneur d'un journal et de sa saveur. <br /> Mais tu sais déjà tout ça, car tu es dans la maîtrise de cet équilibre, et le contrat que tu proposes n'est pas celui d'un dupe, alors, pour ma part,je signe avec respect, avec présente à l'esprit, l'idée d'une face cachée d'une autre identité pour d'autres privilégiés.
I
Y aurait-il un désir inconscient de coming-out ? Je me pose parfois la question, sachant bien que par recoupements successifs je pourrais être identifiable par des connaissances qui aterriraient sur mon site par hasard (faible probabilité, mais non nulle). D'un autre côté... plus le temps passe et moins mon anonymat m'importe. Bon, sans aller jusqu'au cas Garfieldd, dont la divulgation des écrits aura probablement amené une foule considérable sur son site !<br /> J'avoue que si parfois je dis à ma famille élargie, ou des amis, que "j'écris sur internet", je ne donne pas d'indices permettant de savoir sur quel sujet j'écris, si en quel genre de lieu. Je reste évasif. Seuls mes très proches le savent, y compris mes enfants, qui n'auraient aucun mal à trouver mes sites...
Les échos de Valclair
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