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Les échos de Valclair
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8 février 2006

"Plumes d'Ange"

Je termine « Plumes d’Ange », le deuxième volet du travail autobiographique entrepris par Martin Winckler après « Légendes » dont j’avais rendu compte ici.

Ce livre m’a un peu déçu. Je le trouve décidément trop étiré, plus de six cent pages. Il aurait eu plus de force en étant moitié plus court. La reprise en intégral d’interviews sur cassette, de lettres ou mails reçus, de textes plus anciens est souvent fastidieuse. On comprend à quoi cela correspond, il y a la volonté de faire entendre la voix d’Ange lui-même en donnant sa parole dans toute son épaisseur avec ses longueurs, ses hésitations, ses redites, il y a la volonté aussi de traquer au plus près le processus de construction de la mémoire dont le livre est le produit. Certes. Mais du coup il y a des pages que j’ai lues un peu en diagonale et ça je n’aime pas du tout, c’est signe que je n’étais pas toujours accroché.

C’est assez dans la façon d’écrire de Winckler qui aime écrire long, détaillé, minutieux mais le processus de rédaction du livre contribue à accentuer cette tendance. Ce texte a d’abord été conçu sous forme de feuilleton mis en ligne sur le site de l’éditeur. Ce qui a d’ailleurs des aspects passionnants : des interactions avec les lecteurs se font dont certains participent à l’avancée même du livre en remettant en contact des membres éloignés de la famille, en articulant sans cesse le présent du livre qui s’écrit avec le passé à faire revivre. Tout ça donne un matériau d’une grande richesse qu’il aurait fallu retravailler, élaguer, transformer pour aboutir à un livre plus concentré, plus dense.

Cela dit il y a beaucoup de richesse dans ce livre et globalement je l’ai lu avec intérêt malgré mes réserves, avec émotion dans certaines pages. L’ensemble d’abord est un bel et émouvant hommage au père, à sa personnalité, comme à son histoire. On comprend mieux aussi d’où Winckler tient les valeurs (en premier lieu le respect du malade) qu’il a mise en œuvre dans sa propre pratique médicale et on apprend beaucoup sur la médecine du milieu du siècle précédent. Les pages les plus intéressantes sont celles où il met en relation sa propre histoire y compris dans les phases difficiles qu’il a connu avec son rapport au père et l’élucidation qu’il en a fait progressivement. Par là il touche à des questions universelles à laquelle chacun d’entre nous sous une forme ou une autre est confronté.

C’est là aussi ce qui m’a laissé un peu sur ma faim. Tout semble converger vers l’élucidation de certains secrets de famille. De ceux-là finalement il n’est rien dit, certes on peut imaginer certaines choses, en deviner par soi-même mais là justement on en aurait voulu un peu plus. Non pas nécessairement en terme de détails biographiques mais plutôt par une élucidation en profondeur de ce qui à travers cela s’est joué pour la famille et pour Martin lui-même.

C’est là peut-être le sujet manqué du livre, peut-être est-ce cela qui aurait surgi d’une reprise à distance de tous ces matériaux, ils me semblent être la matrice d’un autre livre qui pourrait à la fois être plus court et aller plus au fond.

Martin Winckler dirait sans doute que ce n’était pas son projet, que ce qui l’intéressait c’était de donner à découvrir l’atelier même de sa remémoration et de sa création. Sans doute mais moi j’aurais préféré aussi autre chose.

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Commentaires
N
Je n'ai pas entendu parler de ce livre-là de Martin Winckler, mais j'avais beaucoup aimé "La maladie de Sachs", admirablement porté à l'écran par Michel Deville (je crois).
C
Je trouve que tu fais un excellent critique de livres et de films<br /> Tes analyses sont aussi passionnantes à lire que les livres eux-mêmes...<br /> Je suis en train de lire le dernier Besson (jen parlerai...je le rencontre dans une semaine :-)))
Les échos de Valclair
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