Toutes
les nuits en ce moment je me réveille vers quatre heures. Je me sens alors tout
vif l’esprit délié. Je bouquine dans mon lit ou descends dans la chambre d’ami
avec le portable pour écrire un peu. Vers six heures, six heures et demi le
sommeil me reprend, je monte me recoucher, me rendors sans peine jusque vers
neuf heures. Tout ça va bien tant que je suis en vacances mais ce rythme fera
moins mon affaire à partir de demain où il faudra que je me lève précisément au
moment où revient le sommeil.
Cette
seconde phase de sommeil est précieuse, je me réveille reposé après elle alors
que si j’enchaîne après mon insomnie j’ai tout au long de la journée le
sentiment d’un manque. Cette période de la nuit est celle aussi souvent où je
rêve, celle plutôt où j’ai le sentiment de passer assez facilement et avec une
certaine délectation d’un côté ou de l’autre du miroir.
Je
suis au lycée. Je suis grand, je suis adulte, c’est moi aujourd'hui mais je
suis avec mes petits camarades de classe, qui ont eux tout à fait l’âge idoine,
l’âge de Bilbo, mais cette différence ne pose aucun problème, ne se remarque
même pas. Mon problème c’est qu’on est février et que je m’aperçois que j’ai
oublié d’aller à tous les cours d’histoire et de géo depuis le début de l’année
scolaire, que je ne connais même pas la prof. Je suis avec mes camarades de
classe, une jolie brunette notamment qui a l’air de m’avoir à la bonne, on
discute de comment je vais faire pour réintégrer le cours, jamais je ne serais
accepté, le lycée on n’y va pas à la carte, moi de toute façon je n’ai pas
séché, j’adore l’histoire-géo, j’ai juste « oublié ». On se demande
comment cette absence a pu passer inaperçue. La jolie brunette s’inquiète
particulièrement pour moi, elle me dit que jamais elle n’oserait, elle, se
présenter devant la prof dans une telle situation, moi je me sens plutôt à
l’aise, très assuré (moi qui pourtant manque si souvent d’assurance dans ma vie
réelle), je lui dis que ça se passera très bien, que j’ai le niveau de toute
façon, que j’ai accumulé pas mal de culture au cours des années, qu’il ne faut
pas s’inquiéter pour moi, elle me regarde avec des yeux enamourés…
Je
m’éveille. Je suis encore dans le rêve. Je me sens très bien, cette demoiselle
est bien jolie, je suis ravi d’aller découvrir ce cours, ma réintégration va
bien se passer j’en suis sûr. J’ai fait des études de fac en histoire-géo de
toute façon, donc… Donc il se pourrait bien que je ne sois plus élève au lycée…
Ben oui, ça fait une paye que je ne suis plus au lycée, et je m’éveille tout à
fait alors et réintègre mon moi d’aujourd'hui et dans tout cela il y a un
parfum délicieux de nostalgie.
Ce
n’est pas la première fois que je fais ce genre de rêve où je me crois redevenu
lycéen ou étudiant. Comme si je recherchais les bonheurs que, l’un dans l’autre,
mes années d’école m’ont apporté. J’ai aimé mes écoles. J’y ai toujours été à
l’aise ou du moins c’est le souvenir dominant que j’en ai. J’étais bon élève, bien
calibré, bien scolaire. J’ai aimé le rapport avec mes enseignants, ce qu’ils
m’ont apporté, dans les disciplines littéraires surtout, en sciences c’était
autre chose, j’étais moins performant et moins motivé. Avec mes pairs, à partir
de l’adolescence du moins, à partir du moment où a commencé à se poser la
question « des filles » c’était plus compliqué, mon assurance avec
mes profs étant l’image inversée de ma maladresse et de mes blocages avec les
demoiselles. Je rêvais de boums où il se passerait quelquechose, mais il ne s’y
passait jamais rien, j’y traînais ma gêne et des désirs inaboutis, alors tant
qu’à faire je préférais encore les cours rassurants et la lecture des livres.
Ah
jolies jeunes filles d’antan, je reviendrais si volontiers vers vous! Remontent
vers moi des chansons de Maxime Le Forestier tellement entendues ces années là :
« Ce
soir à la brume
Nous
irons ma brune
Cueillir
des serments
Cette
fleur sauvage
Qui
fait des ravages
Dans
les coeurs d’enfants… »
Comme je l'ai écrit chez Traou, mon Urbain de mari a eu le même style de coiffure dans les mêmes années !
Et la question qu'on s'est déjà posée tous les deux me revient : "serions-nous tombés amoureux l'un de l'autre si nous nous étions rencontrés pendant notre adolescence et non à 28 et 31 ans" !