Claustrophobie
Il
se trouve que j’étais aujourd'hui en milieu d’après-midi dans le quartier des
Halles. Je me suis dit, je vais en profiter pour aller au cinéma et faire
quelques achats à la Fnac. Je fréquente peu ce genre d’endroit surtout le
samedi après-midi, je comprends aisément pourquoi !
La
foule est compacte, trop compacte. Les queues devant l’UGC s’entremêlent et
saturent l’espace, je ne me sens nulle envie finalement de poireauter dans cet
étouffoir pour aller au cinéma, tant pis pour « L’Ivresse du
pouvoir », ce sera pour un autre jour. Si j’aime tant les salles du MK2
bibliothèque c’est aussi parce qu’elles donnent sur des espaces ouverts, que la
plongée dans l’espace clos et noir de la salle, ce moment où l’on s’abstrait,
où l’on rentre dans le cocon, n’est qu’une parenthèse qu’environnent les ciels.
Pour
rejoindre la Fnac, il me faut traverser le vaste espace souterrain que bordent les
boutiques du lieu, temples de tous les achats, où se pressent les foules,
toutes sortes de foules, celles d’ici et celles que le RER fait débarquer du
fond des banlieues, celles qui peuvent consommer, celles qui en rêvent
seulement ou qui viennent y réanimer leurs compréhensibles frustrations.
A
la Fnac même étouffoir naturellement, la circulation entre les rayons n’est pas
fluide, il fait une chaleur étouffante, comment me sentirais-je à l’aise pour
farfouiller à la recherche des deux trois titres que j’avais en tête ou pour
trouver l’oiseau livre inconnu qui m’aurait fait de l’œil.
Je
n’y traîne pas longtemps, je me sens trop oppressé, je sors de là les mains
vides mais sans regret. Ouf, dehors un air vif et même un timide rayon de
soleil qui cherche à percer le couvert de nuages. Beaucoup de monde encore dans
la rue mais là ce n’est pas du tout pareil, il y a l’espace au-dessus de moi,
tous ces gens qui passent peuvent devenir un spectacle, la variété de la rue
peut devenir un plaisir, ces gamins sous leurs casquettes et leurs capuches,
cette tribu de gothiques dans leurs grands manteaux noirs, avec leurs visages
émaciés, leurs piercings et leurs breloques cuirs et métal, ces filles sapées
qui traînent leurs sacs aux armes des boutiques où elles ont fait leurs achats, ces touristes en goguette, et puis les autres, tous les autres, tous ces mondes
qui se croisent et que traverse un Valclair vaguement ahuri mais qui respire…
Je marche jusqu’à la Seine, je passe un moment encore à regarder couler le
fleuve, puis je prends le bus qui me ramène dans mon petit coin de Paris
presque provincial, le bus les voies d’en dessus naturellement, pas le métro et
les voies d’en dessous…
Place
Saint Michel je croise encore un autre monde ! Devant la fontaine s’agite
une bande de crapauds et de grenouilles, brandissant des pancartes
« sauvez les tout-petits », réclamant l’abolition de la loi Veil et
chantant des cantiques autour d’un curé en soutane à gueule de para. Manquaient
plus que ceux-là, tiens !