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Les échos de Valclair
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31 mars 2006

Pourquoi un roman est-il raté?

Je viens de lire « Le récital des anges » de Tracy Chevalier.

J’avais beaucoup aimé « La jeune fille à la perle » donc j’ai démarré cette lecture avec un à priori favorable (ce qui est souvent source de déception) et là en effet j’ai été très déçu.

J’ai essayé de me demander pourquoi. Le livre n’est pas bâclé, il est écrit correctement, l’histoire avance avec suffisamment de rapidité pour qu’on ne s’y ennuie pas, la thématique est intéressante : les effets des premiers craquements de la morale victorienne dans la bonne société britannique au début du 20° siècle, en lien avec le développement du mouvement des suffragettes… Donc tout à priori pour faire quelque chose de bien, or ça ne fonctionne pas.

On lit ça sans déplaisir, on va jusqu’au bout sans peine mais on n’est à aucun moment « ravi », ravi au sens propre, emmené dans le monde et l’intimité des personnages. On lit çà de loin. On ne peut absolument pas « sentir » Edith Coleman comme on pouvait sentir la jeune fille à la perle, on ne parvient pas à rentrer dans les personnages.

Le livre qui suit la vie de deux familles le temps du règne d’Edouard VII (il s’ouvre et se ferme sur une journée d’obsèques royales, celles de Victoria au début, celles d’Edouard VII à la fin) est construit sous forme d’un discours polyphonique d’une dizaine de personnages au moins, membres de la famille mais aussi servante ou jeune fossoyeur du cimetière voisin. Peut-être est-ce cela qui cloche : vouloir adopter dans un texte qui reste assez court trop de points de vue à la fois et du coup ne rentrer vraiment dans aucun des personnages, ne parvenir à en rendre crédible aucun.

Les discours se veulent réalistes : la bonne ou le jeune fossoyeur par exemple parlent « popu » mais à côté de ça des gamines de sept ans parlent comme des adultes, déploient une culture tout à fait incongrue pour leur âge. Les invraisemblances psychologiques aussi sont légion : comment croire une seconde à l’échangisme de la Saint Sylvestre dans un tel milieu (ou alors il faudrait donner des raisons de pouvoir y croire), comment comprendre d’où surgit le brutal emballement d’Edith pour la cause des suffragettes. Tout ça tombe comme cheveux sur la soupe.

En fait je me dis qu’il y avait derrière tout ça des tas de potentialités, de filons à exploiter, qu’il fallait suivre un fil. Est-on dans un récit avant tout symbolique (et dans ce cas le réalisme éventuellement importerait peu mais il faudrait alors un autre style) ou bien dans une approche réaliste (comme le laisse entendre la tonalité générale des récits des différents personnages mais alors les invraisemblances psychologiques ne passent pas du tout) ?

Je me dis qu’écrire c’est aussi choisir et que c’est cela qui a manqué ici.

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Commentaires
S
Déçue, car j'avais vraiment apprécié moi aussi <br /> " la jeune fille à la perle ", ce roman<br /> " envoûtant sur la corruption de 'innocence "...<br /> Merci du tuyau !
P
Ma meilleure amie et moi avons vu le film... La jeune fille à la perle. Nous avons lu le roman; comme cela nous plaisait, nous avons lu "La dame à la licorne". Et ces deux autres romans, celui que tu as lu et un autre (une histoire de Vierge et de couleur bleue), qu'on a moins apprécié. Perso, j'ai décroché du Récital des anges parce que dans ma vie, des cimetières, j'en ai eu mon content... Et puis, parce que je ne mordais pas vraiment. Mais si tu as l'occasion de lire "La dame à la licorne", peut-être que ça te plaira. Bien sûr, elle utilise encore la méthode polyphonique (on se trouve un jour à Paris, chez le commanditaire des tapisseries, un autre jour à Bruxelles, chez les liciers), mais justement, ce roman qui met en scène l'art des liciers du Moyen Age a un côté fascinant. Après l'avoir lu et relu, nous sommes allées à Paris... Pour revisiter le musée de Cluny et revoir ces fameuses tapisseries... <br /> <br /> En fait de lecture victorienne (ou édouardienne)... Je me demande si tu aimerais "Caresser le velours", de Sarah Waters (il est édité en Poche, collection 10/18). Ca, c'est un bouquin qui vaut vraiment la peine...
Les échos de Valclair
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