La parole, un peu...
Ce week-end il y a eu sur
l’oreiller quelque chose comme le début d’une parole pour briser ce silence
véritablement solidifié, enkysté entre nous au cours des années. Tout n’est pas
dit. Tout ne peut pas l’être. Tout ne doit pas l’être. Les jardins secrets
doivent être préservés. Mais qu’au moins on sache consciemment qu’ils existent
et que leur existence de part et d’autre soit reconnue. Bref que le droit au
« non dit » soit dit et accepté comme tel.
Gratter autour de ce kyste
ça fait mal. A elle surtout, plus qu’à moi. Et c’est cette douleur même,
profonde, ancrée, que je vois dans ses yeux et qui n’a rien à voir avec les
circonstances qui me fait mal à moi. Car moi ça m’a plutôt soulagé, c’est une
attente que j’avais depuis longtemps, de plus en plus pressante. Je me suis
senti allégé après ce très partiel coming out. Inquiet aussi naturellement.
Comment gérer ça, comment continuer, comment ne pas refermer subrepticement la
lucarne entrebâillée ? A priori on pourrait se dire qu’il est impossible
que la parole s’éteigne à nouveau vu les mots qui ont été dits et qui en
appellent d’autres. Mais je sais combien les peurs sont puissantes et combien
il est facile de laisser passer les jours, de remonter les œillères
rassurantes, de faire comme si rien n’avait été dit.
Je suis dans
l’indétermination. Je ne sais pas vraiment où je suis moi-même. Je ne veux pas
trop m’interroger sur le moment, c’est trop facile (et trompeur !) de
s’analyser jusqu'à plus soif seul dans son coin. Je ne vais pas plus écrire ici
qu’aller noircir des pages sur mon journal hors-ligne. Non je ne veux pas trop
réfléchir, je veux juste laisser aller, me laisser vivre ce qu’il y a à vivre,
même si c’est dans la contradiction. Seulement je ne veux pas refermer la porte
à la parole amorcée, je ne veux pas laisser la discussion en jachère.
Pas envie d’en dire plus ici
et dans ce moment. Je sème juste ce caillou, ce repère. L’essentiel aujourd'hui
est ailleurs : que dirons-nous, entre nous, ce soir ou demain?