Estivales
Ce week-end ça sent vraiment
l’été et ça fait un bien fou...
Samedi matin je suis passé
chez le coiffeur. Exit ma tignasse envahissante. Me voici avec le poil ras
(enfin pas trop quand même !), un vrai ménage de printemps sur ma tête,
c’est une petite renaissance.
C’est une bonne chaleur pour
l’instant, pas écrasante encore. De celle qui fait se sentir bien. Dehors les
femmes sont belles. Robes légères, longues jambes nues, épaules découvertes,
rires des jeunes filles en fleur… Chaque année il me semble que je deviens plus
sensible à cet aspect du printemps, à ce qu’il porte de poussée de vie, d’envie
d’amour. Comme si se mêlait à mon regard, l’approfondissant, lui donnant une
autre acuité, quelquechose de l’ordre de la nostalgie, de la distance
infranchissable (ces jeunes filles naturellement ce n’est plus pour moi, je
suis sur une autre pente) mais rappelant en même temps à chaque instant
l’urgence de vivre ce qui peut l’être.
Nous sommes bien chez nous
par ces temps là, profitant à plein de notre terrasse, un bonheur rare en plein
Paris. Nous y prenons tous nos repas. Le chèvrefeuille a pris le relais des
lilas fanés, il embaume le soir surtout, à cet instant où j’écris par exemple.
Pas envie de cuisine apprêtée, repas froid, salades et charcuterie, juste une
bonne pizza hier soir acheté chez le petit pizzaïolo en face, ce n’est pas une
chaîne mais un artisan qui enfourne à la demande, il y a le rosé frais qui
coule agréablement, ce temps est celui du rosé…
En début d’après-midi hier, nu sur le lit, velux entrouvert mais store tiré pour atténuer la
lumière, bruit de la rue, rires des gens qui passent, lecture rêveuse, toutes
sortes de sensations d’été et de vacances qui remontent, j’aurais eu envie
d’une sieste coquine, mais ça ne s’est pas fait, c’est ainsi, les temps ne sont
plus les mêmes, les années ont passées, pourtant ce devrait pouvoir se faire,
nous sommes vivants encore…
Ensuite promenade en vélo et
cinémas, au mk2 bibliothèque notre lieu cinéma favori, j’aime ce contraste entre
le lieu fermé, la salle obscure, comme un cocon, et l’espace dès qu’on sort,
ouvert, la part du ciel entre les tours, la Seine à nos pieds jusqu’au bord de
laquelle on descend, on va voir l’avancée des travaux de la passerelle qui
mènera dans le parc de Bercy, j’attends avec impatience son inauguration qui
permettra un cheminement hors voiture entre deux lieux de Paris que j’aime.
Hier nous avons vu
« Marie-Antoinette ». Relative déception. C’est beau, bien fait, il y
a des images superbes, Versailles en majesté et la Cour dans toute son
impeccable pesanteur, il y a une attention extraordinaire aux visages, à celui
de Kirsten Dunst particulièrement, elle est superbe mais, mais, tout de même,
je me suis un peu ennuyé… Le début est excellent. La scène où la jeune fille
passe la frontière, bascule entre les deux monde est assez poignante et dit
d’emblée presque tout. Beaucoup de scènes ensuite sont un peu répétitives,
pesantes, c’est voulu sans doute, c’est une façon de montrer aussi cet
enfermement de luxe, ces contraintes qui pèsent sur ces adolescents qui ne sont
absolument pas maîtres d’eux-mêmes, happés dans des dispositifs d’alliance
matrimoniale, contraints par une étiquette délirante et qui tentent de vivre
tant bien que mal. L’émotion, à beaucoup près, n’est pas la même que dans les
deux précédents films de Sofia Coppola, « Virgin suicide » et
surtout, surtout, « Lost in translation » que j’avais trouvé
admirable. Je suis resté plus à distance. Ce n’est pas la fameuse paire de « converse »,
entraperçue le temps d’un plan au milieu des escarpins d’époque qui y change
quelquechose et qui rapproche le film de nous, ça me paraît gratuit (à moins
que ça ne le soit pas du tout : hypothèse de mes fils qui me disent que ce
plan a peut-être quelquechose à voir avec le financement du film !). La
bande son par contre qui a également été assez critiquée me paraît très bonne,
les basculements entre musique d’époque et rocks d’aujourd'hui passent très
bien, font sens au moment où ils interviennent et donnent en effet au film une
dimension temporelle plus large que celle d’un simple film de reconstitution
historique.
Aujourd'hui j’ai vu
« Le caïman ». J’ai beaucoup aimé. Le scénario est brillant, Nanni
Moretti est très fort pour mêler de façon crédible différents plans du
réel : il y a l’histoire d’un homme au mi-temps de sa vie, en pleine crise
personnelle, (sa femme le quitte) et professionnelle (c’est un réalisateur de
nanars sur la touche), un vieux gamin colérique et immature mais profondément
tendre ; il y a la charge contre Berlusconi mais plus profondément
l’interrogation sur le comment on en est arrivé là, sur l’évolution de
l’Italie, sur la perte de substance de la démocratie, sur les renoncements
d’une génération, celle de Moretti, la nôtre ; il y a le cinéma dans le
cinéma, des mises en abyme qui permettent de jouer sur des registres totalement
différents. Il y a de l’esprit d’enfance, de la démesure comique, on passe sans
peine du burlesque le plus débridé à une émotion prenante. Les enfants sont
très présents, craquants, comme l’est la jeune femme belle, solide et droite
qui propose le scénario, tout cela est porteur d’espoir comme l’est aussi
finalement cette tendresse que se manifeste le couple séparé dans ce ballet en
voiture improvisé en sortant de chez le notaire. C’est un film sans
complaisance, pas gai sur le fond quoique drôle mais profondément tonique.