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Les échos de Valclair
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2 octobre 2006

"Sarajevo, mon amour"

J’ai vu ce très beau film hier. Allez-y. Courrez y plutôt car je crains, vu le peu de monde qu’il y avait dans la salle un dimanche soir qu’il ne tienne pas longtemps à l’affiche et c’est dommage.

Il raconte la vie et les relations difficiles d’une mère Esma avec sa fille Sara tout juste adolescente dans le Sarajevo d’aujourd'hui. On y voit la vie dans la capitale bosniaque, avec les difficultés matérielles à affronter dans une ville en reconstruction précaire, avec les mafias et les soldats perdus qui ne sont pas loin. L’ambiance y est plombée par les traces encore présentes de la guerre, traces physiques mais aussi traces mentales et morales autrement pernicieuses, inscrites au plus profond de chacun.

Le père de la jeune fille est censé être mort en martyr pendant la guerre. On devine très vite sans que rien ne nous en soit dit ce qu’il en est réellement, les réactions d’Esma, sa souffrance, sa douleur omniprésente mais tue, suffisent à nous le faire deviner.

A l’occasion d’un voyage scolaire dont la gratuité est acquise aux enfants des « martyrs de la patrie » le secret douloureux de la naissance de Sara est conduit à la surface. La difficulté de dire cette parole comme la difficulté de la recevoir forment le cœur du film. Mais c’est la connaissance de la vérité, aussi difficile soit-elle à admettre dans un premier temps, qui est comme toujours, plutôt que le maintien des pieux mensonges, gage d’une possible reconstruction ultérieure.

C’est un film dur, sans concession, sans joliesse, qui montre avec pudeur les traumatismes persistants liés à un passé proche atroce. Mais c’est aussi un film tonique, plein d’énergie, ouvert sur un avenir qui sera meilleur. Cette mère est une mère courage, rien n’effacera jamais les traumatismes en elle, mais en sa battant pour sa fille c’est elle-même qu’elle sauve. Le sourire que la mère et la fille échangent au moment où le car s’ébranle est reconnaissance d’amour mutuel, porte ouverte à l’avenir, certitude que la jeune fille, passé la crise violente que la révélation du « secret » a déclenché en elle, saura se construire à partir de la vérité douloureuse. On ne sort pas abattu de ce film mais requinqué plutôt.

Oui, allez-y pour la qualité et l’émotion du film mais aussi parce qu’il est bon qu’il soit largement vu. Il est bon que ces choses là se disent, écrire, filmer autour de ça, le diffuser et le faire reconnaître, c’est participer aussi à un combat pour une reconstruction. Il n’est pas indifférent que le film s’ouvre sur ce long plan qui balaie des visages des femmes muettes mais qui disent tant de choses avec leur regard. C’est au milieu de ces femmes que la mère enfin aura la force de verbaliser son histoire. Ce film c’est aussi une contribution à une sorte de thérapie collective pour les femmes bosniaques et au-delà pour toutes les femmes contraintes dans toutes les guerres, dans toutes les situations de sujétion extrême, de subir ce genre d’atrocités.


Sarajevo

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Commentaires
F
J'ai écouté la réalisatrice chez Paula Jacques (sur France Inter le dimanche après-midi) ; très intéressante, vive, intelligente.<br /> Le sujet ne peut que me toucher mais bon, sans doute un peu trop rude pour moi.
V
Merci de ces éléments d'information Ciel Bleu ( et ravi par la meme occasion d'avoir de tes nouvelles).<br /> Le film n'est pas du tout dans la dénonciation d'un camp contre un autre, il est plutôt dans la dénonciation des horreurs de la guerre et spécialement de ce qu'on a pu faire subir aux femmes.<br /> Oui ce serait bien que tu le vois et que tu nous en fasses ton commentaire (tiens, ce serait l'occasion de revenir au blog, si, si...)
C
Cher Vlaclair, je suis venue te lire car on m'a attiré l'attention sur ton entrée, sinon je suis très loin de la blogopshère en ce moment.<br /> <br /> Par le plus curieux des hasards, je suis en train de traduire un livre sur les criminels de guerre serbes en ... Bosnie...<br /> <br /> Et j'ai entendu parler de ce film, qui a suscité de nombreuses et diverses réactions ici, compte tenu du fait que l'actrice principal,e Mirjana Karanovic, est bel est bien une actrice esrbe de Serbie. Alors évidemment ici beaucoup lui reprochent d'avoir joué le rôle d'une Musulmane violée par un Serbe (si j'ai bien retenu), c'est vu ici comme une trahison envers les "siens"...<br /> <br /> Tout à fait contrairement à de telles opinions, je suis fière que Mirjana ait joué ce rôle justement.<br /> <br /> Pendant la guerre civile en ex-Yougoslavie, des atrocités ont été commises de toutes parts. Ce qu'il est nécessaire à présent, c'est accepter sa responsabilité pour parvenir à la réconciliation. Je pense que le rôle de Mirjana dans ce film est un pas gigantesque dans ce sens.<br /> <br /> Il faudrait que je le voie, d'ailleurs...
Les échos de Valclair
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