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Les échos de Valclair
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13 octobre 2006

Making of

J’ai écrit hier un court texte pour Paroles Plurielles. La consigne s’appuyant sur une des photos d’Alain qui était une belle fenêtre pour l’imaginaire m’avait tout de suite accrochée. L’incipit proposé n’était que second, important tout de même parce qu’il permettait de démarrer et de s’engager dans une direction plutôt que dans une autre mais sans doute à peu près n’importe quel membre de phrase aurait pu faire l’affaire. L’essentiel vraiment était dans la contemplation de l’image.

Je dis bien contemplation. Je suis resté une dizaine de minutes dessus, sans réfléchir, en attention flottante, laissant l’image, la gestalt qu'elle portait, se structurer au-delà des éléments manifestes qui sautent aux yeux d’emblée, la main, l’oiseau. Curieusement ce qui m’a fait voir un visage c’est d’abord le toit de la maison, ce petit cône qui m’a évoqué un chapeau chinois. Après c’était acquis, la figure humaine était là, des mots ont commencé à venir, que j’ai griffonnés sur une page blanche, sans structure, centré sur la description imagée de ce que je voyais. Griffonner et avec le mouvement même de la main, à cette étape c’est important, le mot surgit dans le mouvement même, pas dans la décomposition hachée,signe après signe, de la saisie sur le clavier. D’autant qu’en plus j’avais besoin de l’écran pour avoir l’image devant les yeux et continuer à me faire porter par elle. C’est ensuite seulement que j’ai commencé d’imaginer « l’histoire » et là c’est l’incipit qui m’a donné une direction. J’ai vu  où j’allais aller et j’ai pu jeter très vite sur le papier l’essentiel de son déroulé.

Puis j’ai laissé reposer comme une pâte qui doit lever…

J’ai repris le texte, après ma journée de travail où tout cela avait été totalement mis à l’écart, oublié, interdit de conscience. Je l’ai retrouvé avec une sorte de jubilation, plaisir alors de bousculer les mots, d’en enlever et d’en rajouter, de les triturer, de les lire et de les relire pour sentir les assonances, les rythmes, pour les goûter d’une façon quasi sensuelle. Là est vraiment le plaisir de l’écriture, là est le moment dont je ne me lasse pas. Qu’il faut savoir interrompre d’ailleurs parce qu’on pourrait sinon se noyer dans l’écoute des mots et finir à force de reprises à perdre une part de l’énergie d’origine. Donc j’ai clos et j’étais dans une joie profonde.

La joie elle est avant tout dans la création tout simplement indépendamment de toute éventuelle valeur objective du texte. D’abord il n’y avait rien, absolument rien, une page blanche, un esprit vide, interrogateur, se demandant bien ce qu’il allait pouvoir dire et puis maintenant il y a quelquechose, un cortège de mots et de sons sorti de soi et qui fait sens, qui fait musique. De ce point de vue c’est très différent de l’écriture du journal, qui part toujours d’une idée de note qui est plus ou moins là, qui parfois chemine depuis un bout de temps, qu’il faut organiser, expliciter, rendre claire et compréhensible pour soi-même et pour le lecteur, parfois au prix d’un effort laborieux. Là au contraire, on part du vide, du rien, on prend des images, on prend des mots, on se laisse porter par eux, on en fait la cuisine, et puis voilà, le plat est là, prêt à être servi, c’est un travail oui, il ne faut pas mésestimer cette part de travail mais un travail tellement jouissif qu’on le vit finalement comme un pur plaisir, bien plus que pour une écriture d’analyse ou de commentaires.

J’ai envoyé le texte à Paroles Plurielles hier. Pour l’instant il doit être dans la file d’attente, attendant que nos « dames publicatrices » éclusent les textes de plus en plus nombreux qui arrivent. Alors j’attends moi aussi pour le mettre sur mon propre site de Nouvelles et Fragments, il est fait pour Paroles Plurielles, normal que la primeur en soit pour elles.

Plus ça va, plus ce genre d’écritures me donne du plaisir. Je n’ai pas envie d’abandonner mon journal, non, la preuve, mais ces petites infidélités rajoutent à mon goût d’écrire, elles sont nécessaires, Eva, dans les mieux chevillés des vieux couples…


chateauWeb

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Commentaires
P
d'accord aussi avec le principe d'écriture des consignes :)<br /> <br /> j'imprime en général les consignes, je les trimballe avec moi plusieurs jours, les regardant de temps à autre... j'attend le déclic.<br /> et puis, il vient, ce moment où tout commence à prendre forme. je prend papier et crayon, ou bien parfois je brouillonne directement sur le clavier, cela dépend... <br /> personnellement, le texte vient d'un coup, dans sa globalité. <br /> parfois, c'est l'image qui est le déclencheur, parfois l'incipit...<br /> parfois, j'ai le titre avant toute autre chose, parfois non...<br /> peu de ratures, dans mes premiers jets, à croire que j'ai "raturé dans ma tête", durant cette phase d'attente...<br /> une fois écrit, je laisse mûrir (depuis peu, avant de connaitre coumarine, je ne retravaillais que très rarement mes écrits)<br /> puis je relis, change un mot, développe une phrase, ou bien épure ce qui surcharge inutilement ce que je veux dire...<br /> <br /> ensuite, je fais comme tout le monde... j'attend avec impatience le premier commentaire ;)
S
Je suis ravi de ce "making-of", je me reconnais assez dans la contemplation de l'image à travers laquelle on attend l'idée, d'abord un mot, un fil ténu qu'il faut suivre, puis des phrases qui s'enchaînent et que l'on vienbdra corriger plus tard, après avoir laissé reposer, mais pas tout le temps, certaines fois il faut corriger tout de suite, tant que l'image de ce que l'on veut obtenir est encore assez vive...
C
Toute création personnelle quelle qu'elle soit est à l'origine de ce plaisir que tu décris si bien. Réflexion, création, réalisation, retouches sont des gestes porteurs de grandes émotions. Aller chercher au fond de soi l'inspiration est un grand moment de bonheur et de sensation de liberté à chaque fois, chaque sujet étant différent, c'est un renouveau créatif qui se reconstruit de texte en texte comme sur une feuille blanche à laquelle on doit donner vie et couleur. Je n'ai pas un haut niveau d'écriture, je débute (mon dada étant plutôt le dessin) mais je me fais réellement plaisir dans le brassage des mots, la recherche de musicalité dans la phrase, l'acribie ;) dans les expressions. Merci à coumarine de m'avoir un peu aidée avec son site paroles plurielles. J'ai 49 ans mais comme le dit le proverbe "il n'est jamais trop tard pour bien faire" auquel j'ajouterais "ou pour se faire du bien" ;-)).
P
J'ai lu ta note avec beaucoup d'intérêt. Je n'ai pu m'empêcher de faire un parallèle avec la peinture, parce que tu décris extrêmement bien, versus écriture, le processus de création d'une oeuvre... Littéraire et picturale. Avec le point de départ: la photo - ou un modèle, nature morte, visage, autoportrait, composition. Avec cette nécessité, je suis d'accord avec toi, du recul. Obligé (en raison de la technique particulière) dans la peinture (s'arrêter, reculer, attendre, patienter), et nécessaire, dans l'écriture. Chouette. Eh bien, je suis curieuse de lire ton texte sur PP.
C
Ah Val! Je connais bien sûr ton texte, et il est...magique...<br /> Je n'en dirai pas plus manitenant et ici, réservant la primeur de mon commentaire à Paroles Plurielles<br /> J'aime beaucoup la description que tu fais de cet acte éminement créateur d'une écriture partant de rien (d'une consigne)<br /> Et de la joie quasi absolue quand il y a des mots qui font sens, dont on est fier...sur le papier<br /> De la façon dont je choisis les incipit, je parlerai, non ici, mais sur Paroles Plurielles<br /> Sache que moi aussi je vis quelques jours avec l'image, la photo ou la peinture que je vais proposer, et que l'incipit s'impose à un moment comme une évidence...et ce n'est pas pour cela que cette phrase d'intro est facile, au contraire, mais elle ajoute une pointe de défi...<br /> Merci d'avoir joué le jeu...moi aussi j'ai écrit sur cette photo-montage
Les échos de Valclair
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