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Les échos de Valclair
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23 octobre 2006

Voyages

Non je ne suis pas encore au bord de la Tamise mais bien toujours au bord de la Seine, j’ai voyagé ces jours ci par cinéma interposé…

D’abord je me suis rendu en Egypte, j’ai rejoint le Caire et l’immeuble Yacoubian.. J’avais envie de voir ce film parce que j’ai lu le livre à la fin de l’été et que je souhaitais voir comment il avait pu être mis en image. Mais j’y avais aussi une certaine réticence à cause de critiques lues, présentant ce film comme cinématographiquement inconsistant (esthétique de mauvaise série télé ai-je lu quelquepart). Mais Fauvette a effacé mes préventions.

J’ai bien fait de suivre son avis. J’ai passé un très bon moment. J’aime bien d’ailleurs en général suivre les avis des blogamis ou faire des découvertes dans leur sillage. Le fait de connaître les personnes en vrai ou même seulement en ligne confère à l’avis que l’on lit une portée que n’a pas la critique experte du professionnel. C’est agréable de se retrouver dans une admiration commune, cela aussi c’est un partage, ou même d’ailleurs de se trouver un désaccord qui posera question. C’est pour ça que moi aussi j’aime faire ces notes de lecture de livres ou de visionnage de films et d’apprendre à l’occasion qu’elles ont permis à l’un ou l’autre de faire une belle découverte.

Le film m’est apparu comme une intéressante mise en image du livre, fidèle à son esprit, le prolongeant, l’enrichissant. Il est exact qu’il y a quelques lourdeurs dans la façon de filmer, certains passages un peu sirupeux, une musique appuyée et par trop démonstrative. Mais ce sont des défauts qui n’empêche pas de prendre plaisir.

Je n’ai ressenti aucun hiatus entre l’image que je m’étais faite des personnages et celle qui s’est inscrite sur l’écran. Une même description sans complaisance de la société égyptienne, un même humanisme se dégagent du livre comme du film.

Le personnage de Zaki est particulièrement émouvant. Il représente un monde qui est mort, un passé révolu. Lui était né du bon côté, tout lui avait été donné, il est marqué inévitablement par certains des préjugés de sa classe, en aucun cas il n’est un modèle mais c’est un homme, tolérant, bon jusqu’à la naïveté, éternellement surpris par l’avidité et le lucre de ceux qui l’entourent. Il n’est pas beau physiquement, il est âgé, son visage est marqué, son corps disgracieux, il est assez sérieusement alcoolique et pourtant parce qu’il y a cette tendresse intérieure qui se dégage de lui, il parvient à être beau, par ses regards notamment et l’on comprend qu’il puisse attirer la jeune Boussaïna. Dans un monde qui semble crépusculaire il est, avec cette jeune intègre et combative l’élément rayonnant du film.

Et c’est même cela qui rend ce film terrible, expression inquiétante de l’état du monde, tel qu’il va ou plutôt tel qu’il ne va pas aujourd'hui. La positivité est représentée par ce vieil homme fini ! Par l’existence possible de la tendresse et de l’amour comme le montre la relation qu’il noue avec la jeune femme. Une sorte de havre dans un monde menaçant. C’est tout. Car il n’y a pas de force montante de révolte et de progrès social. C’est vers l’islamisme radical le plus effrayant que basculent, dégoûtés par les inégalités sociales, la corruption, les prévarications en tous genres, les jeunes qui auraient pu être porteurs de cette positivité. Si, il y a les femmes aussi comme Boussaïna, mais que les forces semblent disproportionnées !


Yacoub

J’ai voyagé aussi avec Tony Gatlif dans des coins reculés de Transylvanie. Il y a souvent chez ce cinéaste une propension à placer ses personnages dans l’hystérie qui a tendance à m’agacer. Là ça commençait très fort et je me suis senti dans l’impossibilité d’adhérer à l’errance de ces deux filles, de ressentir une quelconque émotion et j’ai craint que le film ne soit là que pour lier ensemble de beaux moments musicaux que Gatlif a composé à partir des rencontres faites sur place (il y a toujours cet aspect chez Gatlif, sa démarche est aussi une rencontre avec les gens, leurs lieux et leurs musiques, rendant ses films profondément attachants et intéressants indépendamment même de leur plus ou moins grande réussite).

Mais non, le film fort heureusement se bonifie en avançant. L’émotion naît dans la seconde partie lorsque Zingarina a coupé tout lien avec son ancienne vie, qu’elle s’en invente une nouvelle au travers d’un parcours initiatique dans cette terre où peut-être elle retrouve de très anciennes racines. La façon de filmer devient moins frénétique, il y a des moments de latence et d’attente, de très belles images dans des paysages désolés, de beaux visages croisés. Tout commence à faire sens, l’émotion se renforce peu à peu. Il y a de très belles scènes comme l’exorcisme et surtout ce moment magique où Tchangalo accroche un lustre de faux cristal entre les branches des arbres, faisant soudain du campement de fortune un improbable palais. Puis il y ces scènes d’errance puis de l’accouchement dans la neige. Zingarina, malgré sa fragilité et la précarité de l’avenir, affirme sa propre renaissance en donnant vie.


Transylvania_2

Enfin je suis allé à Londres et à Balmoral jusque dans les arrières cuisines de la monarchie britannique grâce à « The Queen ». Là on ne fait que prendre une légère avance sur notre voyage à venir ! C’est un film très bien fait, exprimant de façon claire des réalités de la société, de la politique et des médias britanniques. C’est formidablement joué ce qui donne une grande vraisemblable à ce que l’on voit, ce qui n’était tout de même pas évident. On ne peut certes attester de la réalité factuelle dans les détails (il y a même quelques scènes un peu lourde, pesamment démonstratives : la reine et le vieux cerf ça ne passe pas vraiment. Et Tony Blair faisant la vaisselle, hum, j’ai quelques doutes !) mais l’essentiel est convainquant.

Je suis assez admiratif devant cette capacité à faire passer dans un film des éléments réels de l’histoire récente et à le montrer du point de vue des protagonistes même de l’événement, encore vivant et actifs, en les mettant en scène dans leur intimité.

Et je suis aussi tout simplement impressionné par le seul fait qu’il soit possible en Angleterre de faire ce genre de film. Imaginerait-on en France un vrai film, étayé, sérieux, se voulant facteur de compréhension (pas seulement quelques marionnettes guignolesques), qui montrerait Chirac et Bernadette au petit lever discutant par exemple, je ne sais pas moi, des combines financières entre la Mairie de Paris et le RPR ou de la meilleure façon de faire trébucher un piaffant Sarkozy ?

Tiens je crois bien qu’on se régalerait !

Enfin ce soir il y a un documentaire sur Chirac à la télé, pas mal du tout paraît-il, je vais aller voir ça…


Queen

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Commentaires
D
Bonjour Valclair. J'étais allée voir l'Immeuble Yacoubian à sa sortie. Film de 3h absolument sensationnel, même des spectateurs ont applaudi à la fin (ce qui est rare). Dans la foulée, j'ai acheté et lu le livre en 3 jours avec le même plaisir. Ces films autres qu'Américains ou Français réservent souvent de bonnes surprises et c'est tant mieux.
N
Pour ce qui est de la "fidélité" de l'adaptation de livres au cinéma, je citerais deux films et deux livres, où l'adaptation m'a paru particulièrement fidèle et réussie :<br /> - "Le pianiste" de Roman Polanski, d'après le livre de Wladyslaw Szpilman.<br /> - "La maladie de Sachs" de Michel Deville, d'après le livre de Martin Winckler.
V
Tiens je n'avais jamais entendu parler de cette "journée de L.J." Je connaissais Marcela Yacub pour ses positions très controversées sur la sexualité et sur la prostitution pas pour de la politique fiction. Et j'ai lu un de ses romans "Aimer tue" qui se veut plus ou moins expression de ses positions (si j'ai bien compris), roman que j'ai trouvé très, très mauvais, bien plus que ses positions qui se discutent. <br /> <br /> Non Fauvette, j'ai vu Yacoubian dans une salle très policée et pas du tout orientale. Et je dois dire que je n'aime pas trop les salles qui se manifestent, j'aime être au milieu des autres mais dans ma bulle quand je suis au ciné. Sauf peut-être si j'allais voir un film non pour lui-même mais justement exprès pour le spectacle ou l'ambiance de la salle et encore, peut-être qu'alors je me sentirais voyeur...
F
Merci Valclair.<br /> Je suis d'accord avec toi le personnage de Zaki est plein de charme malgré tous ses défauts ; et je comprends la tendresse et l'amour qui s'installe. Oui j'ai beaucoup aimé ce film. Est-ce qu'il y avait une ambiance "orientale" dans la salle avec des gens qui commentent très fort ?<br /> Cela m'est arrivé pour le film Un Eté à la Goulette il y a quelques années quelle ambiance !<br /> <br /> J'ai vu Exils de Tony Gatliff, mais là, je n'ai pas eu envie d'aller voir Transylvanie ; un peu répétitif quand même l'univers de Gatlif.<br /> <br /> Ah quel bonheur que The Queen ! Je crois que j'ai même envie d'y retourner ; pour savourer l'anglais, la présence d'Helen Mirren.<br /> <br /> Moi aussi j'ai regardé le doc. sur Chirac, quel vieux renard quand même. Impasse totale sur sa vie privée agitée, mais c'est normal en France beaucoup de rumeurs circulent, mais rien n'est dit en clair !<br /> <br /> A bientôt.
P
Oh, Toni Gatlif. J'ai particulièrement aimé "Latcho Drom". C'est un documentaire uniquement musical: un beau défilé des musiques tziganes du monde... Avec des images étonnantes, en prime: un mariage en Inde, des villages tziganes dans les arbres... J'avais une amie cinéaste qui vivait littéralement très proche des Tziganes, elle allait régulièrement en Europe Centrale: Milena Bochet. On devrait bien trouver quelque chose d'elle sur la toile, je pense...
Les échos de Valclair
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