Voyages
Non je ne suis pas encore au
bord de la Tamise mais bien toujours au bord de la Seine, j’ai voyagé ces jours
ci par cinéma interposé…
D’abord je me suis rendu en
Egypte, j’ai rejoint le Caire et l’immeuble Yacoubian.. J’avais envie de voir
ce film parce que j’ai lu le livre à la fin de l’été et que je souhaitais voir
comment il avait pu être mis en image. Mais j’y avais aussi une certaine
réticence à cause de critiques lues, présentant ce film comme
cinématographiquement inconsistant (esthétique de mauvaise série télé ai-je lu
quelquepart). Mais Fauvette a effacé mes préventions.
J’ai bien fait de suivre son
avis. J’ai passé un très bon moment. J’aime bien d’ailleurs en général suivre
les avis des blogamis ou faire des découvertes dans leur sillage. Le fait de
connaître les personnes en vrai ou même seulement en ligne confère à l’avis que
l’on lit une portée que n’a pas la critique experte du professionnel. C’est
agréable de se retrouver dans une admiration commune, cela aussi c’est un
partage, ou même d’ailleurs de se trouver un désaccord qui posera question.
C’est pour ça que moi aussi j’aime faire ces notes de lecture de livres ou de
visionnage de films et d’apprendre à l’occasion qu’elles ont permis à l’un ou
l’autre de faire une belle découverte.
Le film m’est apparu comme
une intéressante mise en image du livre, fidèle à son esprit, le prolongeant,
l’enrichissant. Il est exact qu’il y a quelques lourdeurs dans la façon de
filmer, certains passages un peu sirupeux, une musique appuyée et par trop
démonstrative. Mais ce sont des défauts qui n’empêche pas de prendre plaisir.
Je n’ai ressenti aucun hiatus
entre l’image que je m’étais faite des personnages et celle qui s’est inscrite
sur l’écran. Une même description sans complaisance de la société égyptienne,
un même humanisme se dégagent du livre comme du film.
Le personnage de Zaki est
particulièrement émouvant. Il représente un monde qui est mort, un passé
révolu. Lui était né du bon côté, tout lui avait été donné, il est marqué
inévitablement par certains des préjugés de sa classe, en aucun cas il n’est un
modèle mais c’est un homme, tolérant, bon jusqu’à la naïveté, éternellement
surpris par l’avidité et le lucre de ceux qui l’entourent. Il n’est pas beau
physiquement, il est âgé, son visage est marqué, son corps disgracieux, il est
assez sérieusement alcoolique et pourtant parce qu’il y a cette tendresse
intérieure qui se dégage de lui, il parvient à être beau, par ses regards
notamment et l’on comprend qu’il puisse attirer la jeune Boussaïna. Dans un
monde qui semble crépusculaire il est, avec cette jeune intègre et combative
l’élément rayonnant du film.
Et c’est même cela qui rend ce film terrible, expression inquiétante de l’état du monde, tel qu’il va ou plutôt tel qu’il ne va pas aujourd'hui. La positivité est représentée par ce vieil homme fini ! Par l’existence possible de la tendresse et de l’amour comme le montre la relation qu’il noue avec la jeune femme. Une sorte de havre dans un monde menaçant. C’est tout. Car il n’y a pas de force montante de révolte et de progrès social. C’est vers l’islamisme radical le plus effrayant que basculent, dégoûtés par les inégalités sociales, la corruption, les prévarications en tous genres, les jeunes qui auraient pu être porteurs de cette positivité. Si, il y a les femmes aussi comme Boussaïna, mais que les forces semblent disproportionnées !
J’ai voyagé aussi avec Tony
Gatlif dans des coins reculés de Transylvanie. Il y a souvent chez ce cinéaste
une propension à placer ses personnages dans l’hystérie qui a tendance à
m’agacer. Là ça commençait très fort et je me suis senti dans l’impossibilité
d’adhérer à l’errance de ces deux filles, de ressentir une quelconque émotion
et j’ai craint que le film ne soit là que pour lier ensemble de beaux moments
musicaux que Gatlif a composé à partir des rencontres faites sur place (il y a
toujours cet aspect chez Gatlif, sa démarche est aussi une rencontre avec les
gens, leurs lieux et leurs musiques, rendant ses films profondément attachants
et intéressants indépendamment même de leur plus ou moins grande réussite).
Mais non, le film fort heureusement se bonifie en avançant. L’émotion naît dans la seconde partie lorsque Zingarina a coupé tout lien avec son ancienne vie, qu’elle s’en invente une nouvelle au travers d’un parcours initiatique dans cette terre où peut-être elle retrouve de très anciennes racines. La façon de filmer devient moins frénétique, il y a des moments de latence et d’attente, de très belles images dans des paysages désolés, de beaux visages croisés. Tout commence à faire sens, l’émotion se renforce peu à peu. Il y a de très belles scènes comme l’exorcisme et surtout ce moment magique où Tchangalo accroche un lustre de faux cristal entre les branches des arbres, faisant soudain du campement de fortune un improbable palais. Puis il y ces scènes d’errance puis de l’accouchement dans la neige. Zingarina, malgré sa fragilité et la précarité de l’avenir, affirme sa propre renaissance en donnant vie.
Enfin je suis allé à Londres
et à Balmoral jusque dans les arrières cuisines de la monarchie britannique
grâce à « The Queen ». Là on ne fait que prendre une légère avance
sur notre voyage à venir ! C’est un film très bien fait, exprimant de
façon claire des réalités de la société, de la politique et des médias
britanniques. C’est formidablement joué ce qui donne une grande vraisemblable à
ce que l’on voit, ce qui n’était tout de même pas évident. On ne peut certes
attester de la réalité factuelle dans les détails (il y a même quelques scènes
un peu lourde, pesamment démonstratives : la reine et le vieux cerf ça ne
passe pas vraiment. Et Tony Blair faisant la vaisselle, hum, j’ai quelques
doutes !) mais l’essentiel est convainquant.
Je suis assez admiratif
devant cette capacité à faire passer dans un film des éléments réels de
l’histoire récente et à le montrer du point de vue des protagonistes même de
l’événement, encore vivant et actifs, en les mettant en scène dans leur
intimité.
Et je suis aussi tout
simplement impressionné par le seul fait qu’il soit possible en Angleterre de
faire ce genre de film. Imaginerait-on en France un vrai film, étayé, sérieux,
se voulant facteur de compréhension (pas seulement quelques marionnettes
guignolesques), qui montrerait Chirac et Bernadette au petit lever discutant
par exemple, je ne sais pas moi, des combines financières entre la Mairie de
Paris et le RPR ou de la meilleure façon de faire trébucher un piaffant
Sarkozy ?
Tiens je crois bien qu’on se
régalerait !
Enfin ce soir il y a un documentaire sur Chirac à la télé, pas mal du tout paraît-il, je vais aller voir ça…