Ecrire quoi, écrire où?
Par moment je n’arrive pas à
écrire, c’est ainsi ces jours-ci, j’ai l’impression qu’il m’y faudrait un
effort que je n’arrive pas à fournir, que je n’ai pas envie de fournir.
J’ai des entrées en
souffrance (c’est le mot !), des idées et des sentiments qui m’ont
traversé dont je voudrais parler, des livres que j’ai lus, des films que j’ai vus
dont j’aimerais rendre compte. J’aime bien faire ce genre d’entrées à la fois
pour clarifier mes propres impressions et pour donner en partage, je suis
toujours heureux quand j’ai su donner envie à quelqu'un de lire un livre ou de
voir un film que j’avais apprécié et qu’il me le dit. Il y a des gens qui ont
des PAL (piles à lire, d’ailleurs j’en ai moi aussi), moi j’ai des PAE, des
piles à écrire !
J’écris lentement, laborieusement souvent. Je me dis parfois que mon écriture est trop policée, trop construite. Je me sens obligé d’avoir toujours une expression pesée, réfléchie. Je n’arrive pas à suivre simplement l’irruption spontanée des mots. Chez moi ça ne donne rien si je ne passe par un travail, parfois par un labeur avec tout ce que ce terme implique de pesant.
J'admire ceux qui ont cette capacité à faire passer en quelques lignes parfois pourtant peu explicites mais riches de métaphores ou de poésie, des expériences, des sentiments, des ressentis qui vont loin. Il y a quelques jolis talents de ce type sur la Toile
J’ai le sentiment que c’est
une écriture-vie
Mon écriture à moi est trop mise à distance
Est-ce à cause de la mise en
ligne ?
Intéressant ça, ce parallèle
survenu sans préméditation : mise à distance, mise en ligne…
Mais la mise à distance ne
vient pas que de là. J’ai toujours eu tendance à écrire ainsi avec une volonté
de clarté, de cohérence, d’explicitation, au détriment de la vibration, de la
spontanéité. Au point de me demander parfois qu’elle était la place de mon
écriture, si elle n’était pas un substitut, une écriture écran, une écriture
alibi.
La mise en ligne ne fait que
renforcer cette tendance. Quoique je m’en défende il y a une certaine image, un
certain standing d’écriture à conserver. Il y a à trouver le juste équilibre
entre ce qu’on veut dire et jusqu’où le dire en fonction de qui vient nous lire
et tout en préservant une authenticité à laquelle je tiens plus qu’à tout, sans
elle ce journal n’aurait plus de sens. Ce n’est pas simple, cet
équilibre ! Et il devient encore plus complexe maintenant que se
multiplient mes relations réelles dans la blogosphère, que mon anonymat
s’effrite, que de plus en plus de gens me connaissent par ailleurs.
En ce sens je comprends les
envies qu’ont eu plusieurs blogueurs et blogueuses de ma connaissance de
basculer vers des sites discrets voire protégés par un accès réservé. Pour
retrouver une liberté qu’ils avaient perdus. Pour se coltiner de nouveau à de
l’intime plus intime sans risque de blesser ou en écartant une part des mondes
relationnels ou des histoires qui avaient pu se nouer antérieurement.
Mais je n’ai pas envie de
renoncer à une mise en ligne large, pas envie d’aller me cacher pour ne
m’offrir qu’à quelques élus car l’ouverture en grand à tous les vents de la
toile, ça c’est de la vie vivante, c’est l’ouverture de portes relationnelles,
c’est une réactivation pour moi de bien des choses qui tournaient à vide.
Je continue donc mon chemin
de blog, tel quel même si parfois il me pèse.
Justement il faut le jouer
léger, ne pas en faire un centre autour duquel tout s’organiserait, comme
parfois j’y aurais tendance. Sinon c’est la schizophrénie assurée car le monde
du quotidien, le monde du boulot et celui de la vie familiale, avec ses
routines et ses pesanteurs, tient la plus grande place par le temps qu’il
occupe.
Elles attendront mes entrées
en souffrance, sur des sentiments qui palpitent, complexes donc difficiles à
expliciter, sur « l’Amant en culottes courtes » que j’ai terminé
depuis pas mal de temps et sur lequel j’aurais voulu compléter ce que j’ai déjà
écrit, sur « Pardonnez moi » que j’ai vu jeudi soir, film passionnant
sur lequel j’aurais beaucoup à dire…
Ils attendront ou peut-être ou plutôt ils passeront à la trappe, il ne faut pas s’obliger.
Ben finalement, tout ça, ça
fait une entrée !