Tourisme parisien, suite
Pour être complet il
faudrait que je dise que la journée d’hier avait vraiment mal commencée.
Sensation d’angoisse au réveil tout à la fois diffuse et poignante. Impression
d’être à côté de moi-même dans la plus grande part de ce que je fais, de ce que
je vis. Détresse, je crois bien qu’il faut que j’emploie ce mot, même si j’y
répugne et surtout en ligne où on a toujours tendance à lisser ce qui est
négatif. Ces coups de blues sont assez fréquents en ce moment. Il a fallu
vraiment secouer, secouer la bête pour arriver à démarrer. Les garçons y ont
contribué en nous proposant d’aller voir l’exposition Tintin, nous faisant
commencer ainsi une nouvelle journée de tourisme parisien.
Elle a été riche de bons
moments, où l’action, l’intérêt de ce à quoi j’étais confronté me faisait
oublier mon initiale mélancolie mais celle-ci pourtant n’était jamais très
loin. Le compte rendu purement objectif des satisfactions de la journée serait
un peu mensonger s’il oubliait cet arrière fond.
J’ai d’abord été plutôt mal
dans cette exposition Tintin. Cette foule, ce piétinement, cet entassement dans
un lieu fermé alors qu’il faisait beau dehors et que je traie toujours ce
regret de n’avoir pas su profiter de ces vacances pour prendre un bol d’air et
de nature. Mais j’y suis entré peu à peu. Il y a naturellement quantité de
belles remontées d’enfance pour un homme de ma génération qui forcément n’a pu
qu’être tintinophile face à ces figures, face à ces images. Tiens par
exemple : j’ai vu dans la vitrine consacrée au journal de Tintin auquel
j’ai naturellement été abonné plusieurs années, la carte du Club Tintin. Mais
oui, le Club Tintin ! J’avais été membre du Club Tintin, fait totalement
évacué de ma mémoire et qui ressurgit avec force à la vue de ce petit carré
cartonné. Il y a entre autres les couvertures d’album, les couvertures du petit
vingtième lors des publications d’origine, il y a l’intégrale de la première
version noir et blanc du Lotus Bleu, un des meilleurs albums, un de ceux qui m’a
le plus fait rêver, il y a le making of d’« Objectif Lune » et de « On
a marché sur la lune » de la recherche de documentation initiale à la
diffusion. La visite est très intergénérationnelle et c’est vrai que ça avait
un côté sympa de voir ces quadras et quinquas s’enthousiasmer et raconter leur
Tintin à leur progéniture plus ou moins avancée, communier avec elle autour du
petit journaliste aventureux et éternel, préservé à jamais des atteintes du
temps.
Les garçons nous ont quitté
ensuite pour vaquer à leurs propres occupations de l’après-midi. Constance et moi
avons poursuivi vers le Musée Picasso où je voulais voir l’exposition Bergruenn
qui s’achève ce week-end et où figure des pièces que je n’avais jamais vues, ni
en vrai, ni même en reproduction. L’ampleur de la production de Picasso est
stupéfiante. Je n’aime pas tout Picasso, c’est vrai qu’il peut y avoir des
facilités mais j’aime presque tout Picasso. Je suis toujours subjugué en tout
cas par sa puissance créative et vitale, par sa force d’expression. Il lui
suffit parfois de quelques traits, de quelques accords de couleur, il lui
suffit d’associer quelques objets de la vie courante, sa main magique en fait
surgir une présence, une force, une vie que l’on a du mal à s’expliquer.
Une bonne journée de ce
point de vue de promeneur. Sûrement oui. Pourquoi ne se peut-il qu’elle le soit
pleinement dans l’évidence et dans la simplicité…
Ce matin je me sens mieux. Je me suis réveillé tôt, j’ai eu envie d’écrire, je m’y suis mis, c’est venu facilement, j’ai d’autres projets pour la journée, à quoi tout cela tient-il