Rebond
Les envies qui se
manifestent en moi, ce besoin de renouveau relationnel, affectif, sexuel que je
ressens si fort, tout cela est sans doute d’une affreuse banalité. C’est un peu
ce fameux « démon de midi », (quoiqu’il soit plutôt en l’occurrence celui
de quatorze heures, je m’y prends tard !), ce moment où l’on veut retenir
une jeunesse qui s’enfuit, où l’on se dit qu’on voudrait pouvoir vivre encore
des choses intenses, que ces émotions là ne sont pas finies.
Les figures peuvent en être
diverses. La plus classique peut mettre en jeu, le mari volage et la femme
trompée et c’est ainsi qu’en parlait une blogamie dont je ne donnerais pas le
lien car je crois qu’elle souhaite désormais bloguer discret mais beaucoup de
ceux qui viennent ici la reconnaîtront. J’ai eu envie de rebondir sur son
entrée.
Par moments je me dis :
est-ce à cela que je tends ? Préserver mon couple tranquillement ouaté
dans son silence, m’attribuer un petit supplément d’âme, le beurre et l’argent
du beurre comme le disait la blogueuse en question et quelques crémières en
prime pour le fun.
Si c’est ça évidemment ce
n’est pas très glorieux et ça nous ramène aux figures les plus éculées de
l’adultère bourgeois.
N’y a-t-il pas une autre
figure possible. Celle où dans le couple, l’un comme l’autre assume avec clarté
cette situation, ou elle est pensée comme possible pour l’un comme l’autre.
Puisque la rencontre sensuelle ne se fait plus ou se fait mal dans le couple
pourquoi ne pas reconnaître qu’elle puisse se produire ailleurs et l’accepter.
Que Monsieur puisse avoir ses crémières et Madame ses crémiers. Que les
relations se jouent dans la fluidité avec leur géométries variées, dans la
tolérance et le respect. Un peu, je crois, ce que recouvre ce concept de
polyamour que j’avais croisé il y a certain temps déjà dans des notes de
Pierre l’Idéaliste. Á le dire, à poser les choses simplement en termes rationnels,
cela m’apparaît comme une évidence absolue. Á le vivre, à l’assumer, c’est bien
sûr une autre paire de manches.
Constance et moi avons
chacun déjà fort heureusement nos activités séparées multiples à l’extérieur,
des relations propres liées à ces activités, des gens que l’on rencontre, avec
qui l’on dîne, avec qui on échange. Constance a ses week-end de yoga, et quand
on sait tout ce que cette pratique induit de réflexions sur la conscience
profonde, sur l’être au monde, sur les relations avec les autres, il est
vraisemblable qu’elle développe avec les personnes qu’elle fréquente dans ce
cadre des relations fortement affectivées. De même elle passe de longues heures
avec une vieille copine-confidente avec qui j’imagine elle parle de tout, y
compris de ces sujets qu’entre nous nous sommes incapables d’aborder. Moi de
mon côté je m’investis dans mon écriture, dans mon activité associative, dans
ma blogo-addiction et dans les relations à multiples niveaux que je crée dans
ces mondes. L’écran m’est une maîtresse exigeante, bien plus pour l’instant que
telle ou telle femme de chair. Nous avons donc déjà chacun nos jardins secrets,
et c’est bien et c’est normal. Pourquoi ne pas se reconnaître d’emblée à l’un
et à l’autre que le corps puisse s’en mêler. Quelle sacralisation extrême du
corps on opère ainsi. Pourquoi y aurait-il soudain une telle différence, une
telle frontière lorsque avec l’ami(e) confident(e) le corps deviendrait partie
prenante ? Pourquoi alors glisserait-on obligatoirement vers la
dissimulation active et les mensonges avérés ?
La parole que je souhaite
n’est pas une parole qui viserait à une transparence absolue à laquelle je ne
crois pas, qui ne me paraît même pas souhaitable, il ne s’agit sûrement pas de
tout se dire, les jardins secrets sont nécessaires, il s’agirait seulement de
reconnaître à chacun le droit mutuel à des jardins secrets dont les émotions
affectives, les désirs, les corps seraient partie prenantes.
Je n’ai pas la naïveté de
croire que c’est sans risque. Dans mon esprit il ne s’agit nullement d’être
dans du pur libertinage, la simple partie de jambes en l’air, le corps détaché
des affects. Et je sais très bien que l’affectif est imprévisible, que le cœur
a des raisons que la raison n’entend pas, qu’il peut nous mener ailleurs que là
où on pensait le cantonner. Bien sûr on peut s’y brûler douloureusement. Bien
sûr il y a du risque. Mais le risque c’est la vie. Est-ce qu’on ne crève pas à
petit feu de notre peur du risque ?