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Les échos de Valclair
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30 janvier 2007

Consonances

Dimanche après-midi, incité par la note de Fuligineuse sur le sujet, j’ai été voir la belle expo « Les peintres de la réalité en France au 17° siècle » qui se tient au musée de l’Orangerie (site du musée; site de l'expo).

J’ai passé un très bon moment.

Il y a l’intérêt de l’expo en elle-même, le plaisir de voir certaines très belles toiles, quelques Georges de la Tour, son fameux clair-obscur bien sûr mais aussi cette puissance des formes, cet éclat des couleurs et de ce rouge en particulier, cette humanité, cette tendresse des regards, des Le Nain intensément vivants, quelques natures mortes forcément plus froides mais si magnifiquement composées.

Mais ce plaisir se double de celui qu’apporte le concept même de l’exposition qui est une plongée dans le temps à un double titre. L’exposition montrée aujourd'hui veut reproduire en effet au plus près une exposition organisée en 1934. Se joue alors pour nous tout un jeu d’échos entre hier et aujourd'hui: Les cartels des tableaux reprennent par exemple les titrages de l’exposition de 1934 et y ajoutent des titrages contemporains faisant apparaître changement de noms, d’attribution, de localisation et marquant ainsi les progrès de l’histoire de l’art. S’ajoutent aux œuvres du 17° des oeuvres contemporaines de l’exposition, redoublant ainsi cet effet d’écho. Une part non négligeable de la peinture de la première moitié du 20° siècle a été marquée par la redécouverte de ces Maîtres Anciens chez Derain, chez Balthus par exemple mais aussi de façon moins prévisibles chez beaucoup d’autres, chez Picasso par exemple.

C’était aussi la première fois que je retournais à l’Orangerie depuis sa réouverture. Après la visite de l’exposition j’ai refait le tour de ses collections permanentes constituées principalement par le legs Walter-Guillaume. Il n’y a pas énormément d’œuvres et d’artistes représentés mais tout est de très haut niveau, permettant de balayer avec cohérence la peinture de la fin du 19° au milieu du 20°. Et beaucoup de ces oeuvres justement viennent en résonance avec l’exposition vue juste avant. Derain qui n’est pas spécialement un peintre que j’apprécie est très présent : et ici justement, parce qu’il se trouve éclairé par la vision préalable de l’exposition, il me semble soudain prendre plus de sens, trouver sa place.

Pour terminer j’ai fait un tour auprès des Nymphéas. Il était sept heures moins le quart, juste avant la fermeture. Les deux grandes rotondes étaient presque vides. Je me suis assis un moment sur les banquettes puis je me suis posté à l’extrémité de la salle me laissant peu à peu pénétrer par cette peinture qui m’enveloppait. J’ai pu avoir la sensation assez rare de m’immerger dans cette peinture pour le coup tellement différente de ce que je venais de voir, cette toile qui est comme un décor, comme une présence immédiate, englobante de l’eau et des plantes, appréhendée au fil de l’eau sans qu’il y ait besoin de composition structurée, de limites ou de frontières, d’objets ou de récits.

Je suis sorti de ces deux heures de visite où j’ai été soumis à de si forts contrastes visuels et esthétiques dans un état d’assez grande exaltation avec en moi l’impression de la puissance, de la grandeur de l’Art. Habituellement je répugne aux majuscules sur ces sujets, mais là c’est vrai, je me sentais presque lyrique, comme habité d’une intense impression d’Etre au Monde. Peut-être que l’état de tension émotionnelle assez forte dans lequel je suis ces derniers temps a contribué à me mettre dans cet état de réceptivité plus intense qu’à l’accoutumée. Ce serait son bon côté !

Toujours porté par cet état, j’ai traversé le jardin des Tuileries lui aussi quasi désert dans la nuit jusqu’au Louvre et au quai, d’où, attendant le bus, j’ai contemplé la Seine, les bateaux mouche passant éclairés à mes pieds, les lumières aux beaux hôtels des quais de la rive gauche, le pinceau tournant de lumière de la Tour Eiffel, comme un phare. C’était beau. J’étais dans cette beauté.


expo_orangerie

Sur l'affiche une consonance Georges de la Tour/Magritte

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Commentaires
L
éclairage nouveau de ces oeuvres pour la bougie sur l'affiche? ou pertinent? )
V
Jolie la phrase de Larbaud, Pivoine.<br /> <br /> Ségo, ce n'est pas forcément dans les thèmes qu'il y a consonance, ce peut être dans l'ambiance (une certaine impression de mystère ici par exemple ) ou à travers des emprunts, presque des citations: regarde ici la bougie, une certaine qualité de la lumière, etc...<br /> Et bonne expo en tout cas
S
" Peut-être que l’état de tension émotionnelle assez forte dans lequel je suis ces derniers temps a contribué à me mettre dans cet état de réceptivité plus intense qu’à l’accoutumée. Ce serait son bon côté ! "<br /> <br /> Cela devient, de mon point de vue,particulièrement sensible en effet...<br /> et rejaillit sur ton écriture d'une intense manière.<br /> L'exacerbation de tes sens la met " à fleur de peau "...en quelque sorte...<br /> <br /> C'est un plaisir rare de te lire Valclair.<br /> <br /> Car à la forme littéraire s'ajoute le sens...et la richesse de tes propos.<br /> <br /> Ceux que tu tiens sur L'Art et ses fonctions me semblent terriblement justes...au coeur même de sa raison d'exister...<br /> j'irai même jusqu'à dire à créer du lien...<br /> au delà de sa dimension esthétique et hédoniste.<br /> <br /> La preuve :)<br /> <br /> J'irai voir cette expo.<br /> a priori je suis quand même interpellée par un Magritte sur une affiche d'expo avec pour thématique les peintres réalistes !! <br /> incongru tout de même...<br /> Tu m'expliqueras :)
P
J'aime beaucoup ta note, Val, et pour cause.<br /> <br /> L'art nous sort de nous-même. Je ne suis jamais triste, dans un musée, jamais morose, jamais malheureuse. Et si je pleure, c'est d'émotion, et cette émotion est bouleversement, mais aussi, très grand bonheur. <br /> <br /> C'est sans doute pour cela que je préfère peut-être le pinceau et le crayon au clavier, enfin, je ne sais pas si c'est une préférence. <br /> <br /> Il y a tellement de splendides musées - et de magnifiques expos à Paris. La, les dernières fois, j'étais transportée. Et non seulement, il y avait les expos et les musées, mais il y avait Paris aussi. Déjà que j'aime Bruxelles comme on aimerait une personne, mais alors Paris, si j'étais parisienne...<br /> <br /> Et je te laisse cette phrase de Valéry Larbaud (extraite des poésies de A.O. Barnabooth) :<br /> <br /> "J'ai des souvenirs de ville comme on a des souvenirs d'amour."
Les échos de Valclair
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