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Les échos de Valclair
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19 février 2007

"Jeune fille":

J’ai terminé ce week-end avec beaucoup de plaisir et d’intérêt ce beau récit d’Anne Wiazemski. Elle y raconte ce moment essentiel de basculement de l’adolescence qui pour elle s’est effectué dans un contexte peu banal, au cours d’un été, entre son année de première et celle de terminale, où elle est s’est trouvée engagée par Bresson pour être l’héroïne du film « Au hasard Balthazar ».

Il y a de pages intéressantes sur la vie de la famille Mauriac (elle est la petite fille de François), sur les tensions familiales à l’adolescence, sur les ressentis merveilleux de cette période de la vie dans les moments du moins où on a le sentiment de la vie qui s’ouvre : « Cette impression si nouvelle de faire enfin partie de l’univers me bouleversait physiquement ». La relation amoureuse très étrange qui se noue entre Bresson, cinéaste âgé, autoritaire et séducteur et la jeune fille avide d’entrer dans l’âge adulte est décrite avec force, émotion et subtilité.

Etre héroïne de Bresson engageait d’une façon totale. Il ne s’agit pas seulement « de venir faire l’actrice » le temps des prises mais bien d’accepter une relation extrêmement intense avec le vieux maître, une relation de type amoureux même si elle ne s’est pas traduite dans des relations sexuelles. Drôle d’homme que ce Bresson ! Assez insupportable j’imagine, affreusement manipulateur mais on comprend la fascination qu’il pouvait exercer. D’ailleurs comme pour contrebalancer cette relation si intense, tout en appréciant d’être ainsi courtisée par le maître, elle éprouve le besoin d’affirmer ailleurs son autonomie. Elle choisit pour cela de séduire un membre de l’équipe technique qui sera le temps d’un week-end son premier amant.

C’est intéressant aussi du point de vue de l’histoire du cinéma. On y voit ce qu’est un travail d’acteur avec Bresson, la façon dont il subjugue et vampirise littéralement l’actrice sur laquelle il fait reposer son film. La réussite ne peut venir que de cette fusion. Elle doit faire preuve d’une grande abnégation. Elle doit à la limite s’effacer entièrement. Et en même temps, c’est le paradoxe, ce ne peut être qu’elle, Bresson l’a choisie et pas une autre, c’est avec elle qu’il sent que l’alchimie qu’il recherche peut s’effectuer. Il faut, dit-il, « qu’elle supprime toute intention dans son jeu, qu’elle ne soit que voix pure, que texte pur ». C’est une personne mais il faut qu’elle devienne pur objet de médiation de la volonté du metteur en scène démiurge. Tout ça me donne envie de revoir ce film qui ne m’a pas spécialement marqué (peut-être étais-je trop jeune lorsque je l’ai vu) à la lumière de ce qui s’est joué pendant son tournage.

La confrontation entre les âges de la vie est aussi un des ressorts du texte. Peut-être est-ce pour cela que ce n’est que maintenant qu’Anne Wiazemski l’aborde après de nombreux autres récits dont la thématique autobiographique était aussi évidente. « Votre jeunesse m’a rendu jeune… Souvent j’ai eu votre âge… Vous comprendrez plus tard » lui avait dit le vieux maître.

 

Quoi de plus autobiographique que ce bouquin. Pourtant encore une fois il est présenté comme « roman ». Je m’étais déjà étonné de cela à propos des « Mauvaises pensées »de Nina Bouraoui. Choix éditorial m’avait indiqué en commentaires certains lecteurs. Ici cette mention est encore plus absurde car on est dans un texte qui s’affirme comme explicitement autobiographique visant à retrouver un moment du passé dans la plus grande précision même si bien sûr l’auterue n’ignore pas qu’il est forcément vu au travers des déformations du souvenir.

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Commentaires
S
La lecture apparemment frémissante d'un tel récit ne doit sûrement rien " au hasard Valclair " :)
E
J'avais entendu parler de ce livre sans avoir envie de le lire, mais ta critique change tout ! ;-)
Les échos de Valclair
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