Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les échos de Valclair
Derniers commentaires
2 mars 2007

Ricochet 2004: L'envol

C’est la fin juillet. Nous sommes ici, dans ce même petit appartement où à l’heure qu’il est j’écris ces mots. Taupin et sa Taupine viennent d’arriver. Nous leur avons loué pour une semaine un appartement au dessous du nôtre. Ils s’y installent en petit couple amoureux. Cela nous fait drôle. Ils se sont vus bien sûr au cours de l’année, ils avaient même eu déjà l’occasion de passer de petits bouts de vacances ensemble mais jamais avec nous et dans l’étroite mesure des loisirs limités que laisse une année de prépa dans sa phase finale de préparation et de passage des concours.

Dès leur arrivée Taupin nous annonce que c’est aujourd'hui même l’anniversaire de son amie. Vite ! Je débouche le champagne que j’avais de toute façon mis au frais en prévision de leur arrivée et des résultats aux concours. Le bouchon saute. Taupin offre un joli bijou à sa Taupine. Il a l’air profondément amoureux. Cela a tout d’un engagement et j’ai le sentiment que c’est ainsi qu’il le conçoit.

Les résultats connus pour le moment sont satisfaisants et assez homogène entre elle et lui, laissant présager qu’ils ont de bonnes chances d’intégrer tous deux une des écoles qu’ils souhaitent en région parisienne. Les jours qui viennent sont un temps d’attente, un temps d’attente plutôt confiant et donc plutôt joyeux, le premier appel des écoles doit intervenir dans les tous prochains jours.

Ces jours nous les partageons et ce sont des moments de bonheur familial. Ils sont comme une justification de tout le reste. Nous prenons certains repas ensemble, d’autres chaque couple de son côté. Nous nous retrouvons à la plage, nous faisons des promenades communes et ils en font d’autres en amoureux. Nous parlons peu de projet puisque beaucoup de choses dans l’immédiat sont liés aux résultats des concours encore en attente mais l’avenir pourtant semble porté par l’impatience joyeuse qu’ils ressentent au moment où s’ouvre ce chapitre nouveau de leurs jeunes vies.

C’est un bonheur pour les parents de voir les enfants bien dans leur peau, plein d’attente et d’enthousiasme pour leur vie telle qu’elle se présente. Et profondément valorisant aussi. Des choses ont pu être raté dans la vie. Mais tout ne l’a pas été. Si les enfants se sont développés de façon harmonieuse c’est sûrement qu’au moins on a été capable de leur offrir un environnement tel qu’ils puissent s’épanouir ainsi.

Et c’est curieux. Relisant les pages de journal de ce mois de juillet je trouve plusieurs entrées et un climat dominant extrêmement sombre. Comme quoi, tout est mêlé…

Les résultats des concours sont conformes au meilleur de leurs attentes. Dés le premier appel ils sont pris tous les deux à Centrale Paris. Champagne à nouveau !

Par un beau dimanche de début septembre, nouvelle étape. L’école accueille sa nouvelle promotion. Taupin y est parti dès le matin, il doit procéder à diverses formalités administratives et recevoir la clé de sa chambre. Nous l’y rejoignons l’après-midi avec la voiture chargée de son barda, de tout ce qu’il souhaite emmener avec lui sur le campus.

L’accès aux allées qui desservent les bâtiments d’habitation est quelque peu embouteillé de voitures aux immatriculations provenant de partout en France. Des étudiants d’une année antérieure, armés de talkie-walkie, tentent avec un succès modéré de réguler l’accès mais ça n’entame en rien la bonne humeur dominante. Ça emménage dans tous les sens dans une joyeuse cohue. Les chambres sont tout ce qu’il y a de plus modestes et très exigues d’autant qu’en première année les étudiants se partagent une chambre à deux. Les chambres ne sont pas mixtes mais les bâtiments le sont. Taupine est au même étage, à trois chambres de distance de Taupin, ça baigne ! Il règne une ambiance qui rappelle celle d’un départ en colonie de vacances. Les parents sont là, un peu émoustillés, fiers de leur « grands » et de leurs « grandes », heureux mais partageant tous sans doute une pointe de mélancolie au moment où il va falloir se quitter, la conscience d’une page qui se tourne…

Taupin comme on dit a « intégré » mais aujourd'hui il intègre de façon concrète, c’est à dire qu’il « détègre » le domicile familial.

Les enfants qui prennent leur envol c’est aussi une autre étape qui s’ouvre pour les parents. Là ce n’est que le début. Il garde sa chambre à la maison, avec l’essentiel de ses affaires qui ne peuvent entrer dans sa piaule du campus, il y viendra régulièrement, y passera ses week-end, sauf ceux où il a mieux à faire et puis il y a Bilbo qui est lui là encore pour quelques années mais n’empêche c’est une première étape. Des modes de fonctionnement qui impliquaient nécessairement quatre partenaires n’en impliquent plus que trois, bientôt ils n’en impliqueront plus que deux.

Peut-être d’ailleurs ces modes de fonctionnement me les étaient-je mis en carcan. Je repense au fait que deux-trois ans plus tôt j’ai eu l’opportunité de pouvoir prendre un poste intéressant dans la belle ville de province, lieu d’une partie de mes racines, pas loin de là où je dispose d’une maison et où j’ai plus ou moins le projet de m’installer lorsque je prendrai ma retraite. J’y voyais aussi l’occasion d’un renouvellement professionnel dont je sentais bien que je commençais à avoir très sérieusement besoin. La lassitude, le sentiment de tourner en rond dans mon activité professionnelle n’a fait que s’accroître depuis. J’avais hésité. La complexité de l’organisation de la transition familiale même en l’effectuant sur deux ans et l’hostilité très forte des garçons à quitter leur Paris m’avait dissuadé. Je me dis maintenant que sans doute c’était un prétexte. Qu’est-ce qui m’empêchait de me lancer, d’y aller moi, de louer là-bas un studio, d’y mener une vie plus indépendante qui en réalité aurait mieux correspondu à mes besoins tout en revenant régulièrement à Paris ? Je me souviens l’idée m’en avait traversé. Je m’étais même dit mais sans creuser :« il y aurait aussi à coup sûr d’autres avantages ». C’était juste une pensée passante, cela n’avait pas été plus loin, je n’avais pas cherché à analyser ce que pouvaient être ces « autres avantages ». Je n’avais pas creusé cette idée d’avoir un coin vraiment à moi, de disposer d’une autonomie pour développer et organiser de nouvelles relations. Je n’avais qu’entraperçue et tout de suite mis sous le boisseau cette idée qu’il y avait là peut-être une opportunité à saisir, celle d’une séparation à demi, d’une séparation en douceur, d’une séparation qui ne se dirait pas…

Non ça n’avait pas été plus loin. Le coût financier de l’opération, l’idée que ça ne se fait pas, que si l’on est une famille à priori on habite ensemble, m’avait tout de suite fait écarter cette hypothèse sans que je la creuse plus. Enfin c’est ce que je m’étais dit. Plus vraisemblablement c’est tout simplement la peur du changement qui d’emblée m’avait fait enterrer cette possibilité sans même l’explorer…

(Ecrit en Bretagne le 24 février et publié hier sur le site  Cailloux et Ricochets)

Publicité
Commentaires
F
Comme Cassy, je me disais en lisant que tu n'as pas abandonné cette idée, tu l'as mise de côte, en sommeil ; mais elle est bien là....
V
Redoutable Cassy! Elle n'en manque pas une et me pousse dans mes retranchements! Ce que j'en dis ? Ben pas grand chose justement... Sauf que sûrement là derrière, ça travaille, ça chemine. Vers où? Je ne sais...<br /> Merci en tout cas Cassy de ton regard affûté. Et bienvenue au club des ricocheurs.
C
Et maintenant? En relisant tout ça, et cette occasion, manqué délibéremment ou pas, tu te dis quoi?<br /> Au fait, merci, tu m'as donné envie: je m'inscris aussi à Ricochets :o)
Les échos de Valclair
Publicité
Publicité