Paris est toujours plus ou moins une fête
J’étais assez solitaire ce
week-end et sans obligation particulière, Constance étant partie à un week-end
de yoga et Bilbo jouant au courant d’air comme souvent le week-end désormais.
Vendredi soir et samedi j’en ai profité pour aller au cinéma, j’ai vu
« Golden door » et « J’attends quelqu'un » deux films
intéressants, attachants, surtout le second, j’en dirais peut-être deux mots
demain si j’ai le temps, là j’ai plutôt envie de parler de mon dimanche musard,
de ma belle journée de dimanche…
J’ai été dans le Marais
d’abord et me suis arrêté à la Maison Européenne de la Photographie. J’aime bien
ce lieu où sont présentées souvent en même temps plusieurs petites expositions
donnant, sans conduire à l’épuisement de vastes rétrospectives, un aperçu, un
bref kaléidoscope d’éléments très différents de la création photographique. J’y
suis rentré en me forçant un peu, il faisait si beau dehors. Je me
disais : « J’aimerai encore plus être dans l’air et le soleil, à la
campagne de préférence, en contact avec la nature, dans ce qui est plus vrai
que les images, que les constructions de l’art et notamment des arts
contemporains souvent terriblement conceptuels ».
J’ai eu cette crainte
notamment avec Trash, photographies construites à partir de la récupération du
contenu des poubelles de diverses célébrités. Le concept est intéressant
certes, il dit beaucoup de choses sur notre société mais ne crée guère
d’émotion. Plus émouvantes sont les photos pleines d’humour et d’humanité de
Richard Kalvar accrochant les drôles de terriens, hommes ou animaux dans des
poses insolites ou à l’occasion de rapprochements incongrus. Dans un autre
registre, plus métaphysique, parlant du temps, de l’effacement, du rapport
entre l’humain et les images ou figures de lui-même qu’il crée il y avait deux
oeuvres très prenantes, pour ne pas dire un peu angoissantes, les
« Memento Mori » d’Edouard de Pazzi et surtout le montage
« Digital diaries » de Catherine Ikam et Louis Fléri. Devant celui-ci
(ou plutôt dans celui-ci) je suis resté un long moment, baigné, porté par le
flux continuel d’images en relief venant vers moi, se transformant puis
s’effaçant notamment en fonction des effets que le spectateur peut induire
grâce à une télécommande. Bref je n’ai pas regretté ma visite.
Sorti de là, heureux de retrouver l’air, le ciel et la lumière, je suis descendu sur les quais réservés aux piétons,vélos et rollers le dimanche et suis revenu à petite allure, appareil photo dégainé. Arrivé au bassin de l’Arsenal je suis tombé sur un carnaval vénitien. J’y étais un peu tard, c’est dommage, il s’achevait, la gondole sur laquelle les personnages costumés avaient été promenés était en train d’être ramenée au port. Mais c’est ça qui un peu magique aussi, c’est ça qui a inspiré mon titre: un beau week-end de printemps ou d’automne en se promenant dans Paris on a de bonnes chances de tomber sur un spectacle, une parade, un concert auquel on ne s’attendait pas, sur le plaisir d’une surprise. Les costumes tous magnifiques ont continué un moment encore à parader sur le quai prenant la pose pour nous et nos appareils photos, nous regardant de leurs yeux absents, visages impénétrables derrière les masques immobiles, figures mystérieuses porteuses de rêveries. Je suis resté un long moment sous le charme.
J’ai continué ma marche en
franchissant le Pont d’Austerlitz et en m’engageant dans le Jardin des Plantes.
C’est un vieux complice pour moi ce jardin de Paris, j’y allais déjà au début
de mon adolescence pendant les quelques années où j’ai habité à proximité avec
mes parents. Il est riche de la variété de ses espaces (et de ses espèces), riche
à certaines saisons de floraisons superbes. En ce moment deux arbres notamment
qui se font pendant, l’un rose, l’autre blanc sont au pic de leur floraison. Un
coup de vent, une averse violente, ce ne sera déjà plus pareil. Mais là !
Les branches, lourdes de fleurs, retombent jusqu’au sol, créant des voûtes sous
lesquelles on peut se tenir, je me suis glissé, émerveillé, sous ce dais de
fleurs, sous ces plafonds enivrants de blancheurs et d’odeurs. Mais ce parfum
délicieux ni les mots ni les photos ne le rendront, non rien ne rendra cette
réelle présence, il fallait juste y être…
Et puis il y avait aussi sur les parterres le délicat et lumineux tremblement des pavots, ces soleils…
Cette beauté là est d’une
autre nature que celle des photos ou même que celle des masques vénitiens. Elle
est plus immédiate, plus enveloppante, plus réelle. Elle est plus directement
sensible, elle n’a pas besoin de la pensée. J’ai eu le sentiment à mesure que
passait cette journée de monter des marches sur un chemin de beauté, chaque
marche était un plus et mon état d’esprit était à l’avenant, porté lui aussi
par cette progressive montée en beauté.