La pensée du crash
Comme j’ai pu avoir "la pensée du crabe », il m’arrive avant des voyages en avion d’avoir
la pensée du crash. Je n’ai pourtant pas particulièrement peur en avion, je
suis en général assez détendu, je n’ai pas besoin comme certains de prendre des
médicaments ou de boire (il paraît que l’anxiété de passagers est la cause de
certaines ébriétés dans les avions).
En réalité ce n’est qu’une
façon de se confronter à ce à quoi on ne pense jamais, la possibilité d’une
disparition brutale et qui peut arriver au coin de chaque rue ou bien dans le
spasme brutal d’une attaque cardiaque ou cérébrale.
On ne peut s’empêcher de
laisser planer un tout petit, minuscule, mais présent espace de doute. Il y a
ceci ou cela que j’ai à faire, que je vais faire à la rentrée sûrement, sauf
si… On se dit qu’il faudrait mettre de l’ordre dans certaines choses. Je pense
à mes textes par exemple que j’ai toujours la volonté d’organiser, de
transmettre, ce que je ne fais jamais, je me dis toujours : j’ai bien le
temps…
La pensée du crash rappelle
que l’on n’est pas sûr d’avoir le temps, on n’est jamais sûr d’avoir le temps.
Evidemment c’est assez dérisoire ! Que mes affaires soient en ordre, que
mes textes soient préservés dans l’esprit dans lequel je voudrais qu’ils le
soient, tout ça, une fois passé les vagues du temps, si l’on prend quelque
distance, ce n’est rien , rien de rien. De la même façon que nous sommes rien.
Et en même temps nous sommes tout. Etrange et total paradoxe.
C’est cette pensée aussi qui
étrangement m’a fait avoir un petit mouvement de recul lorsque Taupin qui n’a
finalement rien de prévu pour le mois de juillet a décidé de partir avec nous.
Nous, les parents, avons déjà vécu une grande part et nous savons que nous
n’aurons rien de bien important à créer, à laisser pour autrui.
Mais le fiston lui est à l’aube de possibles qui peuvent être si riches. Et je
pense à son frère aussi, je me dis quel séisme tout à coup ce serait pour celui
qui reste seul.
Il n’y a rien de particulièrement
noir ou qui m’angoisse véritablement dans ces pensées. Simplement elles
s’invitent comme chaque fois. Je fais avec elles. Il faut faire avec. Sinon on
ne vivrait plus. Elles rappellent juste la précarité des choses.