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Les échos de Valclair
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26 octobre 2007

Cuisine et musique

Temps gris, froid, sentant l’hiver tout à coup. Quand je suis rentré du bureau tout à l’heure en tout début d’après-midi je n’avais guère envie de ressortir, j’ai eu la flemme même d’aller me mettre dans le cocon d’une salle obscure. Ça ne tombait pas mal, j’avais de la cuisine à préparer pour ce soir, un de ces plats qui sont d’autant meilleurs qu’ils cuisent longtemps. Alors j’ai démarré tout de suite dans la maison paisible et vide.

J’ai mis un disque, le Miserere d’Allegri par le cœur « A sei voci ». C’est une musique que je trouve très belle mais ce n’est pas le genre que j’écoute quotidiennement, cela faisait même bien longtemps que je n’avais pas mis ce disque. Je l’ai mis suffisamment fort pour qu’il envahisse tout mon espace mental. J’ai épluché mes oignons, coupé mes carottes, j’ai sorti la viande de la marinade où je l’avais mise ce matin avant de partir, je l’ai égouttée, j’ai fait lentement tout cela, tout en écoutant. J’ai mis la musique suffisamment fort pour qu’elle envahisse tout mon espace mental, pour qu’elle s’impose à moi par dessus le sons générés par mes mouvements et mes activités, par dessus les grésillements des légumes puis de la viande que je colore sur le feu vif.

Quelle puissance cette musique ! Quelle puissance surtout ces voix humaines ! Elles éclosent du silence, elles surgissent du fond des ventres et on les sent au fond des nôtres même si ce n’est pas nous qui chantons puis elles s’élèvent et se modulent, sans qu’on sache où elles vont, si elles vont s’appesantir vers le sol ou s’élever au contraire, s’envoler vers le ciel. Mais elles s’élèvent toujours finalement. Si on croit qu’elles retombent ce n’est que pour reprendre leur élan.

Cette beauté pure me porte et met en moi un sentiment d’harmonie. Il se fait une autre cuisine qui n’était pas donnée à priori entre mon activité triviale et ces notes aériennes. Je peux dire que je me sens bien quoique mes pensées et ma rêverie ne soient pas nécessairement des plus gaies. Il y a ces pensées de ce peu que nous sommes, ballottés sur notre petit coin de terre, dans ce petit espace de temps qui se recroqueville à mesure qu’on avance, tous semblables au fond, avec nos lignes grises ou nos passions douloureuses, c’est selon, mais tous soumis au temps inexorable. Pensées un peu tristes mais terriblement douces, d’une douceur presque mortuaire. Serait-ce la sérénité de l’acceptation ? Par moment je me prends à regretter de ne pas avoir la foi, de ne pas pouvoir, de tout mon cœur, percevoir ce temps de ma petite vie comme part d’un destin plus vaste. Evidemment ce n’est pas un hasard si c’est cette musique qui conduit par là mes pensées.

Ma viande maintenant mijote tranquillement tandis que j’ai mis le disque à nouveau, enthousiaste à le réécouter et tandis que je tente de mettre en mots ce que je ressens. Et le fumet qui se dégage de la cuisson envahit peu à peu toute la maison, ensorcelant lui aussi…


Post scriptum : Et à la dégustation un peu plus tard, il était fameux ce bœuf bourguignon en effet. Est-ce d’avoir mitonné en musique ?

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Commentaires
N
Je ne connaissais pas le Miserere... je suis allé voir sur le Net, et par ce petit miracle de la technique, j'ai pu l'écouter ici :<br /> http://www.novaplanet.com/musique/culture-confiture,20,1,la-plus-haute-note-jamais-chantee-par-lhomme.html
V
Mais Pivoine mon ressenti était vraiment d'harmonie et de bien-être, pas d'interrogations, il ne s'agissait pas de "creuser" mais au contraire de rester sur cette surface, de l'apprécier d'autant plus peut-être qu'étaient présentes en arrière fond ces rêveries et pensées plus graves.<br /> C'est cet entrelacement que je voulais souligner, Christine, qui va au-delà des petits plaisirs de la vie,de la première gorgée de bière. Et cet entrelacement c'est bien la musique qui l'a permis, le fumet du bourguignon seul n'y serait pas parvenu.<br /> Hirek, merci de l'info, je vais brancher mon fils qui poursuit ses études à Cambridge sur ce Misere pour qu'il ne le manque pas quand il sera donné.<br /> Merci à tous de vos passages par ici et bienvenue spéciale à ceux qui s'arrêtent ici pour la première fois.
C
ton message m'a rappelé un livre de Philippe Delerme qui s'appelait je crois "La première gorgée de bière". Il raconte des petites tranches de nos vies à tous d'une manière si romantique, si sensible qu'on en a des frissons comme lors de la première gorgée d'une bière bien fraiche par une chaleur torride ou lors de l'écossage des petits pois fait en famille mais qui n'existe plus de nos jours et c'est dommage ;); Ceci dit, ton pot au feu a l'air excellent ;))
P
Je pense aussi que des interrogations, telles que celle que tu poses ici sont une part de toi-même, SONT toi-même. Tu as la liberté d'abandonner une quête peut-être commencée ou non commencée, en souterrain, ou de la commencer. A mon avis, tu n'as pas encore tout découvert (consciemment) de toi, alors que c'est en toi, et ce que je puis te souhaiter de mieux, c'est de creuser ça. <br /> <br /> Le bonheur, ton bonheur, ne sera QUE là.
P
"Par moment je me prends à regretter de ne pas avoir la foi, de ne pas pouvoir, de tout mon cœur, percevoir ce temps de ma petite vie comme part d’un destin plus vaste."<br /> <br /> Mais c'est quoi, avoir la foi? Croire en la vie après la mort? Quelle vie après la mort, d'ailleurs. Croire en Dieu comme en un esprit? Une lumière? Une bonté, une chaleur toute-puissante ou plutôt, quelque chose au-delà de nous? Cela, on peut toujours y penser, en douter, se demander si ça vient de nous, (comme les athées le disent parfois), ou si ça existe avant nous. <br /> <br /> Il me semble évident que notre vie, nos vies, sont une part d'un destin plus vaste. C'est même la caractéristique de notre particularité d'être humain, humains. <br /> <br /> Ne dit-on pas parfois: apporter sa petite pierre à l'édifice? <br /> <br /> C'est curieux, aujourd'hui, je rejoins mieux ton interrogation essentielle, parce que j'ai 'dévalisé' la bibliothèque d'un ami dont l'érudition et la culture philosophiques m'épatent, à rebours. Et puis, j'écoute ce fameux Miserere, et en effet. <br /> <br /> C'est impressionnant. <br /> <br /> Je voudrais bien, parfois, retrouver tout ça, en quoi je croyais, et qui me semble mort, tout ça parce qu'un quidam que j'ai cru aimer et avec qui j'ai pensé pouvoir aimer tout ça a disparu de ma vie... Mais aussi, quelle drôle d'idée de penser à lui et non à l'autre ami plutôt, celui dont j'ai pillé la bibliothèque... <br /> <br /> Il y a beaucoup du chant grégorien là-dedans aussi.
Les échos de Valclair
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