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Les échos de Valclair
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3 décembre 2007

"Drôle de jeu"

J’ai commencé donc cette relecture de Roger Vailland, dont ma participation à la soirée anniversaire à la cinémathèque m’avait donné l’envie. Je me demandais si cet auteur que j’avais lu avec enthousiasme pendant mon adolescence et qui est aujourd'hui un peu oublié pourrait m’accrocher encore ou s’il me paraîtrait très démodé.

J’ai pu retrouver chez mon père mon exemplaire de « Drôle de Jeu », version livre de poche, un volume défraîchi avec cette odeur particulière des vieux livres de poche imprégnés de poussière, ce papier jauni au contact pas très agréable.

Au départ ce n’était pas évident. J’ai été frappé par un certain côté convenu, artificiel des personnages et des dialogues, comme s’ils étaient là pour représenter des types et permettre des oppositions faciles entre eux et, puisqu’ils se rencontrent, de donner lieu à des discussions où chacun présente sa philosophie de la vie, de l’engagement, de l’amour : Marat, le personnage principal, libertin jouisseur trouvant sens à sa vie dans l’engagement résistant sans pour autant renier sa vie passée et qui est l’évident porte-parole de Vailland, la femme du monde décavée et les milieux collaborationnistes qui l’entourent, le jeune communiste puceau au militantisme désincarné investissant tout son affectif dans la cause, la jeune femme renâclant à l’engagement qu’elle ne perçoit que comme un jeu dangereux au bout duquel on ne trouve que la mort.

Mais à mesure que j’ai avancé dans ma lecture cet aspect m’a moins gêné. Comme si finalement je rentrais dans le tableau, comme si l’aspect artificiel s’effaçait devant la vivacité de la peinture et la réalité sur le fond des débats qui traversent les personnages.

Il y a des moments forts, véritablement émouvants, ceux où l’on sent Vailland s’exprimer pour lui-même dans toute ses dimensions contradictoires : on l’entend à travers les rêveries du terroriste en promenade seul avec ses pensées ou bien lors de la parenthèse qu’il s’accorde lorsqu’il rejoint sa maison campagnarde, à travers aussi les considérations qu’il donne sur son propre engagement, cette révélation à lui-même qu’a entraîné la guerre, la rupture avec le passé qui fait que « toute sa vie était dans l’avenir » mais la conscience en même temps que ce « jeu » prend ses racines dans le fond tragique de toute existence humaine.

C’est un livre intéressant aussi en tant que document qui donne des éléments d’information sur la France de 1944, dans l’attente du débarquement, sur les modes opératoires de la résistance, sur les types humains qu’on pouvait y rencontrer et sur les motivations qui pouvaient être à l’œuvre. Vailland précise d’emblée qu’il ne s’agit pas d’un roman historique sur la résistance. Il fait pour le besoin du roman se rencontrer et s’articuler dans le temps bref de quelques journées des personnages dont la conjonction est hautement improbable. Mais n’empêche, il se dégage du texte des images et une ambiance qui, si l’on n’en reste pas à la lettre, me semblent puissamment évocatrices de la période.

Ce qui m’a amusé aussi, et même un peu ému, c’est de retrouver, plié entre les pages, une feuille de papier où j’avais noté quelques phrases qui m’avaient marqué : je ne suis pas si étonné que ça d’y trouver justement certaines de celles qui aujourd'hui me paraissent un peu caricaturales, trop lourdement démonstratives. Ce sont celles-ci qui frappaient le plus l’adolescent cherchant des propos clairs et bien dessinés pour alimenter ses propres certitudes naïves autour de son propre engagement.

J’aime à croiser celui que j’ai été à travers mes lectures passées, c'est ça aussi le plaisir de la relecture.

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Commentaires
F
Cher Val, cela me fait très plaisir de voir que tu as repris Drôle de Jeu et que tu y as trouvé de l'intérêt...<br /> <br /> J'aimerais dire à tous tes lecteurs de lire ou relire Vailland parce qu'il a encore beaucoup à nous dire. Notamment, en ces temps de libéralisme flamboyant, sur le plan politique et social. Par exemple son roman "325 000 francs", que cite Pivoine. Livre court, facile à lire, percutant ; cinquante ans après, le "message" n'a rien perdu de sa pertinence...
V
Merci Val. <br /> Oui je sais pour le nom, on s'est déjà croisé ici et là, la première fois ça m'a fait tout drôle et ça m'a un peu gêné, je crois que c'était un com chez Coumarine ou sur PP mais enfin je m'y suis fait, il y a bien toutes sortes de Mr Martin, alors il peut bien y avoir une Val et un Valclair!
V
J'ai fait un pause chez vous ce soir. Un bon moment.<br /> Je tenais juste à vous le signaler.<br /> <br /> Val (désolée, je sais qu'on vous appelle comme ça aussi...).
S
Si tu le recroises Val, ce jeune homme, embrasse le pour moi, je crois que je l'aimerais beaucoup aussi:)<br /> j'ai relu..ton premier billet... j'étais passée à côté...dans ce qu'il livre pudiquement de toi...<br /> Sourire :)Vailland tout un symbole dans certains milieux intellos..comment tu dis déjà ?...express france obs :) Chez les cocos aussi ;
P
Ce que tu dis de Vailland dans tes divers billets me donne envie de le relire (mais, aurai-je la patience?) - cela me rappelle des émotions très précises, vu que je l'ai lu à la fin de mes études - j'avais 18 ans. <br /> <br /> J'avais commencé par "Beau Masque". Le dernier que j'aie lu (et que j'ai en Poche) est 325.000 F. J'ai relu "la fête" plus tard. <br /> <br /> Son machisme me dérangeait un peu. Comme celui d'Aragon dans "Les beaux quartiers" (mais était-ce machiste? A mon sens oui, quand on comparait avec sa poésie). <br /> <br /> Par contre, là, je lis "Brisées" de Leiris, que je n'avais jamais lu et je peine à retenir le début d'une phrase (ou d'un texte) quand j'arrive à la fin de la période (ou de l'article)... <br /> <br /> J'ai plus 20 ans o;)
Les échos de Valclair
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