Derniers films vus
Je n’ai pas tenu du tout la
chronique des films que j’ai vu dans la dernière période par manque de temps
mais de motivation aussi. J’aime pourtant bien ensuite feuilleter ces petites
notes qui fixent mes impressions. En les écrivant d’ailleurs je revois le film
et parviens en général mieux à l’apprécier. Il y a parfois des chroniques de ce
type que j’ai commencé en me disant « bof ! » mais que j’ai
terminé en écrivant « finalement pas si mal ! », j’ai boosté mon
plaisir en en cherchant les raisons. L’ennui c’est que pour que ça marche, il
faut que je fasse l’exercice dans une proximité temporelle suffisante tant que
la vision est encore fraîche et précise.
Je me contente donc pour
aujourd'hui de noter les derniers films vus sans approfondir comme je l’aurais
aimé. Je ne le fais peut-être que par obsession de la trace, peut-être
serait-il plus sage de laisser l’oubli faire son œuvre…
« L’Heure zéro »:
un film détente comme on dit. Bof qu’en restera-t-il ? Pas grand chose. Le
plaisir d’une atmosphère sans doute et de personnages à la Agatha Christie mais
le trait est souvent forcé, certains personnages surjouent ca qui affaiblit
l’ensemble (pas François Morel qui est très bon, le film est meilleur dans la
deuxième partie quand il est à l’écran).
« Le Rêve de
Cassandre » : c’est un Woody Allen très sombre. Allen comme toujours
est très habile, il construit de façon parfaite ses histoires aux mécaniques
complexes et au personnages très sombres. Le cynisme implacable de l’oncle fait
sourire avant de conduire tout en douceur à la tragédie. Le jeu du chat et de
la souris entre l’homme à assassiner et les deux frères qui le poursuivent est
mené en un époustouflant ballet. Et pourtant de tout ça il ne restera pas grand
chose, parce que l’émotion n’est pas vraiment présente, c’est un jeu brillant
que l’on regarde avec plaisir mais à distance.
« Les Promesses de l’ombre » : ce dernier opus de
Cronenberg m’a plutôt déçu, il est moins original que d’autres, il gratte moins
fort sur ces questions qui mettent mal à l’aise, récurrentes chez Cronenberg,
celle des faux semblants, de la dépersonnalisation, du corps devenu matériau et
des frontières de ce qui est proprement humain et de ce qui ne l’est pas. Ces
thématiques sont toujours présentes mais sur un mode mineur. Certaines scènes
sont hyper violentes. J’ai vraiment dû fermer les yeux pendant la scène au hammam, ce dont je ne suis pas coutumier. Ce n’est pas une violence esthétisée
comme elle l’est chez Tarantino par exemple, ce qui la met à distance. Je sais
que Cronenberg insiste beaucoup sur la nécessité de montrer cette violence,
brute, sans apprêt. Peut-être. Mais n’est-ce pas trop ? Je ne crois pas
qu’expliciter avec trop d’insistance donne plus de force, au contraire.
« De l’autre
côté » : c’est un très beau film sur l’exil, sur les exils croisés
plutôt, sur les doubles cultures, les contradictions douloureuses qu’elles
créent mais aussi sur la richesse qu’elles portent. Plus largement c’est un
film sur l’accueil de l’autre, sur le pardon, sur comment s’assumer comme
humain. Hanna Schygulla, vieillie, alourdie, y est magistrale, la scène, où,
dans la chambre d’hôtel, elle se laisse aller à son deuil est d’une force
absolue. C’est un film qui est loin d’être gai mais dont on sort plutôt rasséréné
parce que la vie continue et parce que les barrières finalement s’estompent,
qu’un avenir commun peut se construire à partir des origines différentes.
Pendant ce film je ne pouvais manquer d’avoir une pensée pour une certaine
blogueuse qui, j’imagine, a dû le voir et qui sûrement devrait avoir
quelquechose à nous en dire, qu’en pense-tu, chère Ada ?
« Faut que ça
danse » : c’est une comédie brillante où l’on rit beaucoup mais où le
burlesque se frotte au tragique. La bouffonnerie côtoie avec élégance tout
autant les ombres de la Shoah que celle du vieillissement inévitable et de la
mort qui approche. Marielle, absolument formidable est le passeur inspiré du
film, il se joue admirablement à lui-même une comédie échevelée parce qu’il a
compris que c’était la seule solution possible face au désespoir. Parfois un
film repose en grande partie sur les acteurs. Sans rien enlever des mérites de
la réalisatrice, c’est le cas ici. Marielle colle formidablement à ce
personnage improbable. J’aime un peu moins les scènes de cauchemar que je
trouve un peu appuyées mais pour tout le reste il a une présence extraordinaire
à la fois drôle et émouvante.
« My blueberry
nights » : c’est une jolie romance à la Won Kar Wai, qui parle de la
solitude des villes et qui parle d’amour, le tout porté par la musique et par
le mouvement de l’errance dans une Amérique dépersonnalisée. La première partie
à New-York crée le climat, fait lentement entrer dans l’ambiance de douceur
moelleuse des fins de nuits des bars à solitaires, la seconde avec le flic
alcoolo est plus faible et passe mal, la troisième électrisée par Natalie
Portman en joueuse impériale réanime le film, ravive l’intérêt et peut conduire
sans encombre à voir enfin, par la grâce d’une jolie construction
cinématographique, ce qu’on avait seulement supposé, ce fameux baiser, donné
mais non vraiment reçu, ce baiser qui n’était encore qu’un fantôme de baiser
laissé comme en suspens. A la fin du film seulement, une fois le voyage
initiatique accompli, ce baiser va enfin pouvoir se mettre à vivre, du moins
c’est ce qu’on peut supposer, lorsque se rallument les lumières. C’est une très
jolie idée. J’ai bien aimé mais c’est aussi parce que j’étais au moment où je
l’ai vu parfaitement dans le climat mental propice à accueillir ce film.
C’est évident, les trois derniers films cités ici pèsent et pèseront bien plus dans les traces que je garderai que les trois premiers !