Sur le chemin du bureau
Ce matin je me suis senti
bien sur le chemin du bureau.
Comme souvent d’ailleurs.
J’ai vingt bonnes minutes de
marche en empruntant des petites rues tranquilles. C’est un moment de sas,
propice à la rêverie, aux pensées non corsetées, à la perception aussi d’images
ou d’ambiances qui peuvent surgir à l’improviste.
A cette saison le jour se
lève pendant mon parcours et il y a donc aussi ce simple plaisir de la nuit qui
s’efface, du ciel qui rosit devant soi. C’est une belle journée froide qui
s’annonce aujourd'hui encore, qui donne des envies de grands espaces, de marche
en forêt, de paysages de neige.
Souvent à mon réveil ce sont
plutôt les pensées grises, les pensées ternes qui m’assaillent, une sorte de
découragement ou plutôt d’inappétence à l’idée de la journée qui commence. Mais
dès que je me trouve dans la rue, porté par les mouvements de la marche,
vivifié par le pincement du froid sur mon visage ou par toute autre impression
que le monde extérieur voudra bien faire venir à moi, je me sens mieux et la
machine est lancée…
En fait j’aime bien aussi le
démarrage de mes journées au bureau. J’aime cette demi heure ou un peu plus que
je passe seul dans le service avant que les choses ne commencent vraiment. Je
démarre dans la tranquillité ce que j’ai à faire, j’ai l’esprit clair, je me
sens tonique et je travaille en général vite et bien. J’ai un fort sentiment de
liberté. Je me sens dans une sorte d’autre chez moi, qui serait pour moi seul,
sans les contraintes qu’introduit la famille à la maison, sans les contraintes
qu’introduiront bientôt mes collègues puis toute l’activité qui ne dépend pas
de nous, les coups de téléphone, les visiteurs. Non que j’utilise pour moi
cette liberté. Je ne profite pas du moment pour écrire ou pour zapper sur
internet, non je rentre d’emblée dans mes tâches, mais j’y rentre de moi-même,
sur mon tempo. C’est après souvent que cela devient plus difficile lorsque je
suis confronté à la part de mes activités qui m’ennuie, ou à de la langue de
bois administrative ou à des tensions et conflits aux causes picrocolines ou
tout simplement parce que ressort le fond de lassitude profonde que j’ai désormais
à l’égard de mon métier.
Je suis resté toute la
journée sur place, sans réunion extérieure ni rendez-vous. C’était très calme
mais pas vraiment palpitant, c’est un euphémisme. J’ai bien avancé sur
certaines tâches administratives que je dois boucler avant les congés, c’est
tant mieux, mais quel ennui. J’ai déjeuné sur place et ne suis sorti qu’un bref
moment à midi, juste histoire de faire quelques pas. J’ai ressenti alors plus
fortement le crève-cœur d’être là et l’après-midi a été languissante. Je me
suis senti plombé par une sacrée envie de dormir, tiens ça serait bien une
petite salle de repos, je suis sûr qu’il y a une vertu productive à la sieste…
En tout cas j’ai zappé dans ma tête et même commencé d’écrire ces mots. J’ai vu
de ma fenêtre cette belle journée s’écouler, se consumer petit à petit, j’ai vu
le soleil qui baissait et la nuit était tombée quand j’ai quitté le bureau,
l’ambiance de la marche du retour n’était pas la même...
Mais c’est déjà ça, au moins
je sais que malgré tout je ne vais pas au bureau à reculons !
J’y vais même souvent avec
une part d’allégresse.
Il ne faut pas que je
l’oublie quand ensuite les heures s’étirent plus laborieusement comme elles
l’ont fait aujourd'hui…