Faire du lien
En allant au bureau chaque
matin, je suis amené à traverser un carrefour à proximité d’une école au moment
de l’entrée des enfants. Pour assurer la sécurité de la traversée la Mairie a
mis en place des agents de sécurité. Certains font ça de façon mécanique et
distante, le visage fermé, le regard au loin, il ne s’agit que d’arrêter des
voitures et éventuellement de pousser un coup de gueule sur des piétons
indisciplinés. Mais il y a souvent une petite dame formidable. Elle est souriante,
elle échange éventuellement quelques mots avec des parents, elle parle aux
enfants aussi avec gentillesse, fait des commentaires montrant qu’elle les a
repérés au fil du temps, qu’elle les connaît comme des individus, chacun d’eux
particulier et précieux, certains en passant lui font la bise. On a le
sentiment que par ce seul fait d’être concernée par les autres et de le montrer
elle crée, de façon certes infinitésimale, du lien social entre les gens.
Car c’est étonnant de voir
combien sa simple présence chaleureuse fait que les gens se regardent,
s’adressent des sourires. Moi même je me sentirais gêné de passer devant elle
le visage fermé, avec cet air soucieux et pressé qu’on affiche trop souvent.
Alors je lui souris et je la salue. Et ça me fait du bien, ça suffit à
m’alléger (un peu !), à rendre mon pas plus allègre, ça m’aide à rentrer
dans ma journée avec plus de positivité.
Si tout le monde en faisait
autant dans nos villes où la tendance est à la déshumanisation, au « je
suis dans ma bulle et je passe sans t’accorder un sourire, sans t’accorder un
regard », ça ne changerait pas la face du monde mais tout de même ça ne
serait pas si mal.
Dimanche j’ai assisté à une
présentation et lectures de textes de Roger Vailland dans un café proche de la
Bastille où je m’étais trouvé entraîné par l’invitation que Fuligineuse en
avait laissé sur son Sablier. C’était un moment sympathique et intéressant,
dans un lieu suffisamment petit pour que les participants auditeurs ou lecteurs
se sentent en proximité. Cette soirée inaugure une série de rencontres
littéraires du même type. Ce qui m’a frappé justement c’est que le patron du
café et la personne qui lance ces rencontres ont insisté sur cette idée que
créer et entretenir du lien, à travers cette médiation des textes et de
l’échange qu’on pouvait avoir autour d’eux, était justement un des fondements
de leur initiative et que c’était aussi leur façon à eux, toute modeste qu’elle
soit, de faire de la politique.
Et je me souviens aussi que
c’est sur ce thème que Samantdi nous avait adressé ses vœux pour 2008 :
cultivons les liens, plutôt que les différences, favorisons tout ce qui
rapproche.
Le sourire de cette modeste
agente de sécurité en fait partie, merci à elle.