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Les échos de Valclair
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1 mai 2008

Films d'avril

« Deux sœurs pour un roi » est un film historique qui se laisse voir avec plaisir. J’aime l’histoire et suis toujours assez bon public pour les reconstitutions qui me font voyager dans le temps, passant sans trop de mal sur les faiblesses éventuelles, ici une certaine grandiloquence, une façon de filmer assez académique, de très bonnes actrices féminines (superbe Scarlett Johanson et Natalie Portman) mais des acteurs masculins nettement moins convaincants. En voyant ce film j’ai repensé à La Reine Margot de Chéreau qui traite d’un sujet analogue, les nœuds de vipères familiaux et les luttes du pouvoir dans l’Europe au tournant de la renaissance et de l’âge moderne. Il n’y a pas photo. Le film de Chéreau, outre la somptuosité de beaucoup de ses images (pas seulement jolies comme elles ont tendance à l’être ici), avait un souffle quasi shakespearien lui conférant une bien plus grande force dramatique.

« Les toilettes du Pape » montre à la frontière du Brésil et de l’Uruguay un pauvre contrebandier Bepo qui, à l’occasion de la visite de Jean-Paul II dans sa région reculée, pense avoir trouvé une idée lumineuse et rémunératrice en construisant des toilettes où pourront se soulager contre menue monnaie les masses de pèlerins qui ne manqueront pas d’affluer dans la petite ville à l’occasion de l’événement. Mais la foule n’est pas au rendez vous et l’affaire tourne au fiasco. Pour lui comme pour des centaines d’autres habitants de la ville qui ont investi leurs économies pour accueillir les pèlerins. Le film se base sur des faits réels et intercale entre ses séquences des documents d’archives montrant la visite effective du pape. Il montre, sans se vouloir une charge mais avec cruauté, la distance incommensurable entre les discours de charité et de partage du christianisme et la réalité. L’aurait-il voulu, comment le pape aurait-il pu, dans la brève bulle de temps consacré à son passage, dans la bulle d’espace aussi de sa papamobile ou des officiels et hiérarques qui l’entourent, faire quelquechose pour ces pauvres gens. Il pouvait prier peut-être pour leur âme collective et lointaine, certainement pas agir contre leurs misère bien concrète.

« My father, my lord » montre la vie quotidienne dans une famille juive ultra-orthodoxe de Jérusalem et le drame auquel elle aboutit. C’est un film lent, silencieux, contemplatif mais qui sait créer progressivement une atmosphère intensément dramatique et profondément poignante. Ce n’est pas une dénonciation mais un témoignage venu de l’intérieur sur un certain mode de vie, sur les aberrations auxquelles conduisent le fanatisme religieux, les observances jusqu’à l’absurde. Il y a de la tendresse, de l’amour dans cette famille là. Le réalisateur a été élevé dans ce milieu, son film sans forcer la note montre son caractère mortifère: la drame final n’est qu’un aboutissement, la symbolisation extrême du refus du jaillissement spontané de la vie étouffée par l’observation de la Loi que manifestait déjà la superbe séquence de l’éloignement du nid. Un film de plus qui me pousse à crier : à bas la calotte, à bas toutes les calottes.

« Les citronniers » est un autre film israélien pas bien gai non plus mais néanmoins beaucoup plus tonique. Il relate le combat d’une femme palestinienne, Salma, pour défendre son oliveraie que les services de sécurité veulent faire arracher parce que des terroristes pourrait s’y cacher pour attaquer la maison où vient de s’installer un ministre israélien. Il montre de façon très concrète et sans manichéisme le hiatus entre les sociétés palestiniennes et israéliennes et les absurdités auxquels conduit cet interminable conflit. C’est, de ce point de vue, presque un documentaire comme l’était aussi du même réalisateur, la Fiancée syrienne, film que j’avais beaucoup apprécié. La femme palestinienne, superbement interprétée par Hiam Abbas, d’une inébranlable détermination, drapée dans sa dignité de façon presque hiératique (qu’atténue cependant la tendresse d’une idylle amorcée mais qui ne s’accomplira pas), me fait penser je ne sais pourquoi à de grandes figures de la tragédie antique.

Ce film là montre aussi à travers la solidarité silencieuse qui se noue entre Salma et la femme du ministre israélien combien les femmes, par leur courage, par leur ténacité, par leur approche souvent plus concrète de la vie, moins engoncée dans les idéologies et les pouvoirs peuvent apparaître comme l’avenir de l’homme. C’est ce qui rend ce film tonique, lui confère un zeste d’espérance. La femme et de la fille dans les « Toilettes du Pape » sont aussi porteuses de bien plus de force et de positivité que le brave mais velléitaire Bepo qui oscille entre ses enthousiasmes, son activisme aventureux et ses découragements alcoolisés. Et l’on sent dans « My father, my lord », que c’est d’Esther, la mère, déchirée dans sa chair, plus encore que le père, que pourrait venir la révolte contre des règles absurdes. Toutes ces femmes là, avec leurs différences et leurs contradictions, pourraient entrer dans la magnifique galerie de portraits que Titouan Lamazou a construit dans ses Femmes du Monde, cette magnifique exposition qui m’a fortement marqué et à laquelle je repense souvent. J’ai vu que cette expo était prolongée jusqu’au mois d’août, courez-y si vous ne l’avez pas encore vue...


Citronniers_1

citronniers_3

PS: le jour où je comprendrais (ou que quelqu'un m'expliquera) comment il se fait que parfois canalblog refuse obstinément de centrer les photos, j'aurais fait un grand progrès en tant que canalbloguien!

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Commentaires
D
Bonjour Valclair, je suis contente de constater que vous avez vu et aimé les mêmes fims que moi (ma critique sur les citronniers est en train de se faire). C'est des films très différents et qui ont tous leur qualité.
A
Ah tiens moi aussi je veux vor Les citronniers et My Father, my lord. Toi aussi tu me donnes envie... :-)<br /> Mais j'ai passé mon temps cette semaine à voir des films turcs. Il y en a deux qui passent toujours en ce moment, Yumurta et Des temps et des Vents. Bon allez faut que je prenne le temps d'en parler apèrs avoir fait la concession de Spiderwick à ma fille...
Les échos de Valclair
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