Films d'avril
« Deux sœurs pour un
roi » est un film historique qui se laisse voir avec plaisir. J’aime
l’histoire et suis toujours assez bon public pour les reconstitutions qui me
font voyager dans le temps, passant sans trop de mal sur les faiblesses
éventuelles, ici une certaine grandiloquence, une façon de filmer assez
académique, de très bonnes actrices féminines (superbe Scarlett Johanson et
Natalie Portman) mais des acteurs masculins nettement moins convaincants. En
voyant ce film j’ai repensé à La Reine Margot de Chéreau qui traite d’un sujet
analogue, les nœuds de vipères familiaux et les luttes du pouvoir dans l’Europe
au tournant de la renaissance et de l’âge moderne. Il n’y a pas photo. Le film
de Chéreau, outre la somptuosité de beaucoup de ses images (pas seulement
jolies comme elles ont tendance à l’être ici), avait un souffle quasi
shakespearien lui conférant une bien plus grande force dramatique.
« Les toilettes du
Pape » montre à la frontière du Brésil et de l’Uruguay un pauvre
contrebandier Bepo qui, à l’occasion de la visite de Jean-Paul II dans sa
région reculée, pense avoir trouvé une idée lumineuse et rémunératrice en
construisant des toilettes où pourront se soulager contre menue monnaie les
masses de pèlerins qui ne manqueront pas d’affluer dans la petite ville à
l’occasion de l’événement. Mais la foule n’est pas au rendez vous et l’affaire
tourne au fiasco. Pour lui comme pour des centaines d’autres habitants de la
ville qui ont investi leurs économies pour accueillir les pèlerins. Le film se
base sur des faits réels et intercale entre ses séquences des documents
d’archives montrant la visite effective du pape. Il montre, sans se vouloir une
charge mais avec cruauté, la distance incommensurable entre les discours de charité
et de partage du christianisme et la réalité. L’aurait-il voulu, comment le
pape aurait-il pu, dans la brève bulle de temps consacré à son passage, dans la
bulle d’espace aussi de sa papamobile ou des officiels et hiérarques qui
l’entourent, faire quelquechose pour ces pauvres gens. Il pouvait prier
peut-être pour leur âme collective et lointaine, certainement pas agir contre
leurs misère bien concrète.
« My father, my
lord » montre la vie quotidienne dans une famille juive ultra-orthodoxe de
Jérusalem et le drame auquel elle aboutit. C’est un film lent, silencieux,
contemplatif mais qui sait créer progressivement une atmosphère intensément
dramatique et profondément poignante. Ce n’est pas une dénonciation mais un
témoignage venu de l’intérieur sur un certain mode de vie, sur les aberrations
auxquelles conduisent le fanatisme religieux, les observances jusqu’à
l’absurde. Il y a de la tendresse, de l’amour dans cette famille là. Le
réalisateur a été élevé dans ce milieu, son film sans forcer la note montre son
caractère mortifère: la drame final n’est qu’un aboutissement, la symbolisation
extrême du refus du jaillissement spontané de la vie étouffée par l’observation
de la Loi que manifestait déjà la superbe séquence de l’éloignement du nid. Un
film de plus qui me pousse à crier : à bas la calotte, à bas toutes les
calottes.
« Les
citronniers » est un autre film israélien pas bien gai non plus mais
néanmoins beaucoup plus tonique. Il relate le combat d’une femme palestinienne,
Salma, pour défendre son oliveraie que les services de sécurité veulent faire
arracher parce que des terroristes pourrait s’y cacher pour attaquer la maison
où vient de s’installer un ministre israélien. Il montre de façon très concrète
et sans manichéisme le hiatus entre les sociétés palestiniennes et israéliennes
et les absurdités auxquels conduit cet interminable conflit. C’est, de ce point
de vue, presque un documentaire comme l’était aussi du même réalisateur, la
Fiancée syrienne, film que j’avais beaucoup apprécié. La femme palestinienne,
superbement interprétée par Hiam Abbas, d’une inébranlable détermination,
drapée dans sa dignité de façon presque hiératique (qu’atténue cependant la
tendresse d’une idylle amorcée mais qui ne s’accomplira pas), me fait penser je
ne sais pourquoi à de grandes figures de la tragédie antique.
Ce film là montre aussi à travers la solidarité silencieuse qui se noue entre Salma et la femme du ministre israélien combien les femmes, par leur courage, par leur ténacité, par leur approche souvent plus concrète de la vie, moins engoncée dans les idéologies et les pouvoirs peuvent apparaître comme l’avenir de l’homme. C’est ce qui rend ce film tonique, lui confère un zeste d’espérance. La femme et de la fille dans les « Toilettes du Pape » sont aussi porteuses de bien plus de force et de positivité que le brave mais velléitaire Bepo qui oscille entre ses enthousiasmes, son activisme aventureux et ses découragements alcoolisés. Et l’on sent dans « My father, my lord », que c’est d’Esther, la mère, déchirée dans sa chair, plus encore que le père, que pourrait venir la révolte contre des règles absurdes. Toutes ces femmes là, avec leurs différences et leurs contradictions, pourraient entrer dans la magnifique galerie de portraits que Titouan Lamazou a construit dans ses Femmes du Monde, cette magnifique exposition qui m’a fortement marqué et à laquelle je repense souvent. J’ai vu que cette expo était prolongée jusqu’au mois d’août, courez-y si vous ne l’avez pas encore vue...
PS: le jour où je comprendrais (ou que quelqu'un m'expliquera) comment il se fait que parfois canalblog refuse obstinément de centrer les photos, j'aurais fait un grand progrès en tant que canalbloguien!