Mauvaise insomnie
Je dors mal ces jours-ci.
Mes insomnies sont pesantes, mon esprit encombré d’interrogations délétères,
par moments passent des vagues d’angoisse…
Impression de me noyer dans
ce que j’ai à faire, dans ce que je me donne à faire, à lire, à écrire, à
penser, indépendamment même de mes contraintes professionnelles (qui ces
derniers temps n’étaient pas lourdes, en semi vacances je n’ai été au bureau
qu’en pointillé). Comme Sisyphe avec son rocher. J’avance et toujours de
nouvelles tâches s’imposent. Et surtout, cause majeure de mon malaise, sans que
je parvienne à aborder ce qui serait l’essentiel...
Entendu Ernaux hier soir à
la télévision. A la question : « qu’est ce qui motive votre parcours
et votre écriture ? » elle a répondu à peu près : « une
blessure, je ne sais pas laquelle, je ne cherche pas à savoir laquelle mais une
blessure à coup sûr, tout écrivain ne le devient que pour combler une
blessure ».
Typique cette nuit de
l’indétermination, mon zapping entre trois lectures, trois envies, me tenant
éveillé par cette concurrence même, par l’agitation de mon esprit auquel elle
m’entraînait :
Mon recueil
« Traces » que je crois être bien décidé cette fois à déposer à
l’Association pour l’Autobiographie. Je le survole pour la ixième fois mais
cette fois en pensant à la réaction de ceux qui liront ce texte. Il y a des
pages exutoires, des pages écrites sous le coup de la douleur, des pages
« indécentes » que j’ai du mal à donner. Mais purger mon texte de
celles-ci serait lui faire perdre son authenticité, sa cohérence, donc je m’y
refuse absolument.
« Sexus » de
Miller, lecture que j’ai entreprise dans la perspective d’une prochaine
rencontre littéraire au Café des Marcheurs, lecture qui se voudrait elle plus
décentrée de moi, lecture plaisir, lecture voyage. Mais l’érotisme solaire qui
se dégage de ce livre lui aussi me ramène à moi même, à ce qui me manque, de
façon si sensible, douloureuse même en ces temps de disette.
« L’établi » de
Robert Linhart, une relecture dans la foulée de ma lecture récente du livre de
sa fille. Remuer 68 et ses suites ne me fait pas beaucoup de bien non plus. Il
y a chez moi non pas de la nostalgie mais cette douleur toujours un peu
présente de ne pas avoir été conforme dans la suite de ma vie aux idéaux qui
avaient été les miens mais bien plus à ma pente atavique frileuse et petite
bourgeoise. Qu’ai-je fait de mes promesses ?
J’essaie dans la foulée
d’écrire quelques lignes aussi d’un billet sur le livre de Virginie Linhart, un
billet qui est dans le sas de ma pensée depuis plus jours. Je n’y parviens pas.
Il se gonfle dans mille directions, mon esprit cliquetant de tout ce que je
remue.
Comment se rendormir avec
tout ça !
L’endormissement viendra
d’un coup sur le matin pour deux brèves heures.
Première chose que je fais à
mon réveil: écrire ces mots. Est-ce bien nécessaire ? Je repense à la
phrase d’Ernaux entendue hier soir. Il fait beau ce matin, plutôt que de lire, plutôt
que d’écrire, bouger, sortir…