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Les échos de Valclair
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3 mai 2008

Mauvaise insomnie

Je dors mal ces jours-ci. Mes insomnies sont pesantes, mon esprit encombré d’interrogations délétères, par moments passent des vagues d’angoisse…

Impression de me noyer dans ce que j’ai à faire, dans ce que je me donne à faire, à lire, à écrire, à penser, indépendamment même de mes contraintes professionnelles (qui ces derniers temps n’étaient pas lourdes, en semi vacances je n’ai été au bureau qu’en pointillé). Comme Sisyphe avec son rocher. J’avance et toujours de nouvelles tâches s’imposent. Et surtout, cause majeure de mon malaise, sans que je parvienne à aborder ce qui serait l’essentiel...

Entendu Ernaux hier soir à la télévision. A la question : « qu’est ce qui motive votre parcours et votre écriture ? » elle a répondu à peu près : « une blessure, je ne sais pas laquelle, je ne cherche pas à savoir laquelle mais une blessure à coup sûr, tout écrivain ne le devient que pour combler une blessure ».

Typique cette nuit de l’indétermination, mon zapping entre trois lectures, trois envies, me tenant éveillé par cette concurrence même, par l’agitation de mon esprit auquel elle m’entraînait :

Mon recueil « Traces » que je crois être bien décidé cette fois à déposer à l’Association pour l’Autobiographie. Je le survole pour la ixième fois mais cette fois en pensant à la réaction de ceux qui liront ce texte. Il y a des pages exutoires, des pages écrites sous le coup de la douleur, des pages « indécentes » que j’ai du mal à donner. Mais purger mon texte de celles-ci serait lui faire perdre son authenticité, sa cohérence, donc je m’y refuse absolument.

« Sexus » de Miller, lecture que j’ai entreprise dans la perspective d’une prochaine rencontre littéraire au Café des Marcheurs, lecture qui se voudrait elle plus décentrée de moi, lecture plaisir, lecture voyage. Mais l’érotisme solaire qui se dégage de ce livre lui aussi me ramène à moi même, à ce qui me manque, de façon si sensible, douloureuse même en ces temps de disette.

« L’établi » de Robert Linhart, une relecture dans la foulée de ma lecture récente du livre de sa fille. Remuer 68 et ses suites ne me fait pas beaucoup de bien non plus. Il y a chez moi non pas de la nostalgie mais cette douleur toujours un peu présente de ne pas avoir été conforme dans la suite de ma vie aux idéaux qui avaient été les miens mais bien plus à ma pente atavique frileuse et petite bourgeoise. Qu’ai-je fait de mes promesses ?

J’essaie dans la foulée d’écrire quelques lignes aussi d’un billet sur le livre de Virginie Linhart, un billet qui est dans le sas de ma pensée depuis plus jours. Je n’y parviens pas. Il se gonfle dans mille directions, mon esprit cliquetant de tout ce que je remue.

Comment se rendormir avec tout ça !

L’endormissement viendra d’un coup sur le matin pour deux brèves heures.

Première chose que je fais à mon réveil: écrire ces mots. Est-ce bien nécessaire ? Je repense à la phrase d’Ernaux entendue hier soir. Il fait beau ce matin, plutôt que de lire, plutôt que d’écrire, bouger, sortir…

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Commentaires
P
Cette histoire de blessure est très évocatrice pour moi, quoique le terme en lui-même me semble donner une connotations douloureuse. Je préfèrerai le terme d'empreinte, de trace, parce que même si on ne peut s'en défaire, je crois qu'on peut aller jusqu'à en effacer la douleur. Peut-être bien par l'écriture, d'ailleurs, ou d'autres formes d'extériorisation. On peut alors parler de cicatrisation, pour une trace de blessure qui ne fait plus souffrir.<br /> <br /> Merci pour le partage de tes ressentis, et notamment de ta perception de ce que tu es quatre décennies après 68...<br /> Je n'avais pas ces engagements à cet âge là, un peu trop jeune pour cela.
V
C'est compliqué cette histoire de la blessure comme facteur de création: sans doute pas élément nécessaire et suffisant mais élément en tout cas grandement accélérateur, outre ce qu'en disait Ernaux je pensais à cela aussi en voyant l'expo Louise Bourgeois <br /> Merci de ces commentaires dont je ne sais pas vraiment si je les partage mais qui me font penser.
T
J'ai vu aussi Annie Ernaux dans Esprits libres mais des fois vaut mieux ne pas savoir nos blessures cela fait un peu moins mal. Merci pour la réponse du livre sur son père sur le blog de Dasola. Bon dimanche
G
« une blessure, je ne sais pas laquelle, je ne cherche pas à savoir laquelle mais une blessure à coup sûr,(...)» : tiens pour une fois j'ai pas d'accord avec la dame (Annie Ernaux), c'est pas si simple, on peut aussi écrire parce qu'on est goupillés pour cet effort-là.<br /> Ou bien comme l'écrit Sylvia au-dessus comme tout être humain en porte, écrire à cause de ça n'est pas un critère discriminant (sinon tout le monde serait écrivain). <br /> <br /> A bientôt donc. <br /> (moi je me replonge dans "Jours tranquilles ...")<br /> <br /> PS : Tu as sans doute bien moins dérogé à tes aspirations de jeunesse que tant d'anciens soixante-huitards désormais à des postes de directions et qui s'y comportent exactement comme ceux qu'ils combattaient alors.
S
« une blessure, je ne sais pas laquelle, je ne cherche pas à savoir laquelle mais une blessure à coup sûr,(...)». Plus j'avance en âge, plus j'ouvre les yeux, plus je réalise qu'il existe en tout être humain une blessure de ce genre. Pas la même pour tous, mais profonde chez chacun. Certains s'en servent comme d'un moteur, chez d'autres elle constitue un frein. Il me semble que le besoin de la guérir, de la comprendre ou de passer outre motive la plupart des choix d'une vie, y compris et surtout ceux d'ordre affectif. Dans un sens, une partie du défi d'une vie se résumerait peut-être à apprendre à vivre avec. Une autre serait peut-être aussi la recherche du sens de la vie? Bon, je n'affirme rien, je ne suis spécialiste en rien, mais c'est ce qu'il me semble. Non, ce n'est pas négatif, et ce n'est pas morose non plus. Je pense qu'on peut aussi être le plus heureux possible en prenant conscience de cela.
Les échos de Valclair
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