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Les échos de Valclair
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4 mai 2008

Louise Bourgeois

J’ai passé hier finalement une excellente journée. Comme si j’avais soldé dans mon écriture matinale les ombres de ma nuit d’insomnie. Comme quoi écrire sert aussi à aller mieux et n’est pas que cautère sur jambe de bois ou substitut à l’affrontement des problèmes.

J’ai enfourché mon vélo et filé vers Beaubourg pour visiter l’exposition Louise Bourgeois. J’y allais pour voir, connaissant l’importance de l’œuvre de la dame mais ne m’attendant pas à priori à être séduit.

Or cette exposition est magnifique, à la fois plastiquement très belle et profondément émouvante par ce que l’artiste dit d’elle au travers son travail.

Son inspiration trouve sa source dans l’enfance, « qui n’a jamais perdu sa magie ni son drame ». Elle s’appuie sur une écriture intime poursuivie toute sa vie à travers entre autres des journaux tenus avec régularité depuis l’âge de douze ans. Son œuvre est construction d’elle même. Elle est sublimation des traumatismes issus de l’enfance, façon de solder ses haines familiales, voire préservation contre la folie : « art is a guaranty of sanity ».

Regardez cette magnifique « figure d’après nature », animal fabuleux, sorte de griffon sans tête associant symboles masculin et féminin, à la tête décapitée. Elle est explicitement l’image du père haï. « Mon père m’a détruit, écrit-elle, pourquoi ne le détruirais-je pas ? ».

Elle utilise les matériaux les plus divers, le bois, le métal, la pierre et (notamment de très beaux marbres, ce « sucre des pierres ») mais aussi le tissu et a réalisé de nombreux dessins et aquarelles dans lesquels s’invitent des mots ou des phrases issus de ses journaux intimes. Elle parvient à insuffler à ce qui est dur (la pierre) du tendre, du mou, conférant à tout ce qu’elle touche un côté profondément organique et souvent à fortes connotations sexuelles.

Dans certaines compositions elle mêle des éléments hétérogènes et très parlants qui confèrent à l’œuvre un caractère quasi narratif : ainsi dans sa série cellule, dans laquelle elle bourre un espace construit d’objets symboliques en lien avec son histoire familiale. Ou encore dans « the reticent child » qui évoque à travers plusieurs petites figures en tissu placé devant un miroir déformant son rapport le plus intime avec l’un de ses enfants tardant à naître, elle se représente elle-même enceinte puis parturiente. Les miroirs sont nombreux, dans lesquels le visiteur se trouve lui-même reflété et par ce biais, rapproché, intégré dans le décor, intégré dans l’oeuvre.

Elle joue des brouillages de l’identité sexuelle. Voyez « cumuls » cet amoncellement de formes arrondies d’un marbre si soyeux qu’on aurait envie de les caresser. Ces rondeurs est-ce que ce sont des seins, est-ce que ce sont des sexes d’homme décalottés ? J’aime qu’elle donne aux phallus un côté quasi féminin en les arrondissant, en les adoucissant : voyez « Fillette », phallus incontestable pourtant, le nom est un clin d’œil ironique mais qui n’est certainement pas gratuit.

Je suis resté longtemps dans l’expo, m’en imprégnant…

Puis j’ai longuement déambulé dans le quartier photographiant, musardant, profitant du soleil, de la douceur, des musiciens, des passants… C’est le privilège d’une promenade solitaire que de pouvoir régler sa direction et son pas en totale liberté, exactement au rythme que l’on veut…


louise_bourgeois_portant_fillette

                                                    Louise Bourgeois portant "Fillette"


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Commentaires
V
Bienvenue Henriette pour ce premier passage ici.<br /> Et jolies découvertes chez vous, fleurs, céramiques, déco, le tout mâtiné d'un joli brin d'humour
H
C'est une vieille dame parfaitement indigne qui fait la nique. Et c'est si bon !<br /> J'ai beaucoup apprécié l'expo, des choses m'ont dérangée - heureusement car elles sont aussi proposées par Bourgeois pour ça - et d'autres ont trouvé un véritable écho en moi.<br /> Je voudrais être comme elle dans mon vieil âge, avec un grand atelier, avec un assistant jeune et dévoué à gentillement persécuter, avec des expos pour faire mon intéressante.<br /> Avez-vous vu ce formidable documentaire qui la montre travaillant avec son Jerry ? Savoureux !
V
Ah oui, Fuli, on aurait pu se croiser.<br /> J'aime bien ce que tu écris toi sur ton blog, insistant sur la part d'humour. C'est ce qui fait sans doute que je n'ai pas été dérangé ou mis mal à l'aise comme je le craignais. (peut-être est-ce cette crainte qui ne me donnait très envie à priori de voir cette expo; j'aurais eu bien tort!) <br /> C'est le sens aussi de la photo que j'ai choisie pour illustrer le billet, elle est vraiment délicieuse cette vieille dame avec son sourire mutin et sa "fillette" sous le bras.
F
Ca alors ! Moi aussi j'ai visité cette expo samedi 3 mai et je viens de publier ma note ce matin ! Tu en parles très bien.
C
J'ai vu cette expo à Londres :j'ai été subjuguée.Ce que j'ai préféré: les cellules surtout celle intitulée:"Precious liquids".J'espère avoir l'occasion de venir la revoir à Paris parce que à Londres ,mon anglais étant ce qu'il est, j'ai l'impression de n'avoir pas bien tout capté!<br /> En plus là bas je me suis fait rappelée à la consigne(à l'ordre) de "ne pas toucher".Or moi j'ai besoin de toucher pour mieux apprécier!
Les échos de Valclair
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