Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les échos de Valclair
Derniers commentaires
17 septembre 2008

Week-end (quasi) monomaniaque

J’ai été plongé le week-end dernier dans un gros travail extra professionnel que je devais absolument terminer.

Du coup je me suis enterré complètement dedans, au point de perdre de vue tout le reste.

Je ne suis par sorti au-delà de l’indispensable. Je n’ai pas écrit. Je n’ai pas lu. Je n’ai pas répondu à mes mails. Je n’ai pas été faire le tour des mes blogamis, je n’ai même pas ouvert mon propre blog pour voir si on était passé déposer des commentaires.

J’ai à peine lu en diagonale mon quotidien favori, c’est à peine si j’ai su que le pape était venu faire son show en France et que la planète financière était prise de soubresauts.

J’étais présent-absent à ceux qui m’entourent. Pourtant le fiston était là, c’était son premier retour avec beaucoup de choses à raconter, pas mal de démarches et de courses à faire aussi et je n’ai pas profité de lui autant que j’aurais voulu.

Mes vibrations affectives même se sont faites ténues, ténues, et je me suis senti sec d’âme et de cœur.

Un tel investissement extrême dans une tâche plonge dans une sorte d’état second.

Presque on ne peut plus s’en détacher. On en assez et en même temps on continue, on améliore, on peaufine au-delà du raisonnable. On va au-delà même de l’obligation que l’on s’est donné (et qui, quoiqu’il en soit, n’est que relative, il n’y aurait pas mort d’homme à ne pas l’accomplir). La tâche a beau être fastidieuse on est porté par elle, on ne pense qu’à elle. Lorsqu’on l’abandonne on y pense encore et on se hâte d’y revenir. C’est le syndrome du « j’y retourne immédiatement » de la chanson de Vian.

Sans doute est-ce aussi parce qu’on y trouve, ou du moins qu’une part de nous, y trouve son compte.

Le monde et les êtres autour de nous avec tous les questionnements auxquels ils nous obligent sans cesse s’éloignent voire s’abolissent. C’est une façon de ne plus regarder le monde, une façon de s’écarter des risques de la vie. Il ne reste plus que la bulle protectrice dans laquelle on est plongé. Et sans doute trouve-t-on une forme de jouissance à se laisser aller à cette perdition.

J’imagine que c’est un peu l’état dans lequel se trouvent les accros pathologiques aux jeux en ligne pour lesquels la réalité du monde s’efface au profit des fantômes de leur écran.

Curieusement ce moment m’a fait remonter aussi quelque chose du climat psychologique dans lequel je me suis trouvé lorsque je m’étais lancé dans une thèse.

Je l’avais commencée dans le plaisir et en maintenant un équilibre satisfaisant entre les divers pôles de ma vie. Mais peu à peu dans le mouvement même du travail, la préoccupation en était devenue presque obsessionnelle. Je consacrais de nombreuses journées  à des visites à la BN où j’explorais fébrilement un corpus de livres anciens. Il y avait une sorte d’entraînement à accumuler les données, à les indexer de façon méthodique, voire maniaque. C’est un type d’activité dans lequel un esprit légèrement obsessionnel comme le mien peut se laisser facilement absorber. Ma tête était saturée de façon de plus en plus pathologique par ma recherche. La pression montait dangereusement dans la cocotte.

Un jour qu’il faisait beau, une de ces superbes journées froides d’hiver ou brille un soleil éclatant le temps bref du jour, alors que j’étais comme à l’accoutumée de mes jeudis, jour où je m’étais organisé pour ne pas travailler du tout professionnellement, enterré dans la magnifique salle de lecture de la bibliothèque nationale, j’ai pensé au soleil qui déjà devait commencer à décroître. J’ai senti l’urgence soudain à laisser là mes fiches, à laisser là mes grimoires. Je suis sorti. J’ai été marcher dans les jardins du Palais-Royal. J’en ai fait plusieurs fois le tour, attentif à tout, puis je me suis assis sur un banc encore inondé de soleil déclinant. J’ai senti que je ne remettrais pas les pieds à la bibliothèque, j’ai senti que j’en avais fini de ma thèse.

Je m’y revois parfaitement. Je retrouve les sentiment mêlés que j’ai eu alors associant l’extrême jouissance de l’instant, l’intensité du soulagement à me débarrasser de quelquechose qui me devenait infiniment pesant, le violence de l’échec à proportion de l’intensité de mon investissement.

La situation bien sûr ces jours ci était bien différente, calée qu’elle était dans un temps forcément bref, n’empêche il n’est pas indifférent que j’ai senti remonter cette façon un peu pathologique de m’investir dans une tâche et par derrière ce souvenir d’un cuisant échec.

Fort heureusement le week-end n’a été que quasi monomaniaque !

Car il y a eu aussi une lucarne, par laquelle j’ai pu m’échapper, une sortie incontournable et dont d’ailleurs je n’aurais surtout pas voulu me priver.

Nous avions convenu que nous raccompagnerions le fiston en voiture à son école afin de porter différents objets nécessaires à son installation. On a chargé la voiture jusqu’à la gueule, emportant vaisselle, balais, serpillière, tapis de bain, corbeille à papier, bouquins, vélo, oreiller, manteaux d’hiver, guitare, sans oublier le déguisement de Robin des Bois (à la confection duquel il a consacré avec sa mère une partie de son week-end) pour une soirée costumée prévue au cours des festivités d’intégration.

Il faisait un temps splendide. On a décidé de l’accompagner assez tôt dans l’après-midi et d’en profiter pour nous promener. Après avoir débarqué tous les impedimenta dans sa chambre on est parti faire le tour des terres de l’école.

On est tout près de zones très urbanisées, y compris de villes nouvelles, et pourtant on a le sentiment d’être dans une campagne profonde, loin de tout. L’école occupe un vallon d’où on ne perçoit aucun signe d’urbanisation. Les portables, du moins dans la chambre du fiston qui est en rez de chaussée, ne passent pas !

Le domaine est vaste et entièrement clos d’un mur (quelque peu effondré par endroits quand même). On a marché une bonne heure et demi sans faire tout à fait le tour de la propriété. Des zones cultivées alternent avec des friches, des bois peu entretenus, un lambeau de forêt avec de belles allées. Des enclos sont occupés, ici, par des vaches, là, par des moutons. Une petite rivière court avec vivacité tout au long du vallon. Les bâtiments sont regroupés à l’entrée de la propriété, le château Louis XIII, les bâtiments administratifs, les bâtiments d’étude et les labos construits au 19° et au 20° siècle, la résidence universitaire moderne et bien conçue. Divers monuments, statues, monuments aux morts, ponctuent le parc, commémorant des évènements ou de grands anciens. On a croisé peu de monde dès qu’on s’est éloigné des bâtiments, juste quelques étudiants promeneurs puis un couple faisant son jogging qui nous dépasse. Sacré beau lieu ! Ils ont de quoi se balader, nos gars, et de jolis endroits où aller conter fleurette à la demoiselle de leurs pensées.

Ça me fait tout drôle de voir le fiston dans une telle école, dans un tel cadre. Lui qui est urbain jusqu’au bout des ongles. Lui qui avait eu un haut cœur mémorable lorsque il était entré pour la première fois dans une étable, choquant un peu le vieux paysan chez qui nous étions en visite et qui était si ravi de montrer ses bêtes au petit gars de la ville. Lui qui avait poussé de hauts cris lorsque, alors qu’il était en seconde, j’avais vaguement envisagé une mutation en province : aller dans un trou, jamais !

L’orientation suit des chemins bien imprévisibles. Je ne sais ce qu’il fera de son diplôme, dans quel secteur il aboutira finalement, mais il semble ravi en tout cas de se retrouver dans ce lieu bucolique, ravi du lien fort que l’école garde avec le monde agricole et du stage « ouvrier » qu’il va devoir effectuer dans les prochaines semaines dans une exploitation agricole.


016


021

Publicité
Commentaires
V
Je le reconnais, qiq, c'était un peu moins "show" qu'avec le précédent. Et il y a du fonds dans la conférence des Bernardins que j'ai parcourue depuis. Mais un fonds que je ne partage pas.
Q
Benoît XVI n'est pas venu faire un show en France.<br /> Dommage que vous n'ayez pas écouté ou lu sa conférence aux Bernardins, mais elle est à votre disposition sur de nombreux sites. ça pourrait vous changer un peu de l'ordinaire...
V
Extra professionnel certes, donc effectivement choisi par moi, assumé par moi.<br /> Mais pas pour autant pour moi au sens où le serait une expression personnelle ou créative...<br /> C'est une distinction importante, Pivoine.
P
"Extra-professionnel" (je relis mieux) donc, quelque chose pour toi... Et la course vers l'école de ton fils et la promenade. Toi et tes enfants. N'est-ce pas une grande partie de l'essentiel ? Il y a donc malgré tout un équilibre respecté !
P
Mais Boris Vian -que tu cites- et c'est piquant je trouve, a aussi chanté "Le déserteur", une bien belle chanson (belle pour des raisons philosophiques, naturellement)...<br /> <br /> ***<br /> <br /> Sinon, très intéressée parce que tu écris sur les études de ton fils. J'en sais un peu plus sur les cours du mien. En tout cas, chapeau pour l'enseignement des langues en Finlande et dans son université Erasmus ! Ca a l'air fabuleux !
Les échos de Valclair
Publicité
Publicité