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Les échos de Valclair
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7 novembre 2008

Barack, en moi...

Je suis ravi de la victoire d’Obama. Evidemment !

Elle était annoncée mais il y avait toujours la crainte de la mauvaise surprise de dernière minute. Celle-ci ne s’est pas produite, la victoire au contraire a été large et portée par un mouvement d’enthousiasme extraordinaire ce qui lui donne encore plus de force.

J’ai écouté le discours de Chicago. Obama m’a impressionné par ses qualités d’orateur mais aussi par sa hauteur de ton, par l’impression qu’il donnait de calme, de détermination, de haute conscience de ses responsabilités. Il se glisse manifestement avec facilité et par le haut dans ses habits de président. Au milieu des explosions de joie ce discours c’était comme un moment de recueillement, une sorte de suspens donnant la mesure de l’événement.

Il était spectaculaire de voir les différences de public entre celui de la réception chez les battus au profil tellement WASP (white anglo saxon protestant) et celui des rassemblements derrière Obama où se mêlait des gens de toutes origines, de tous styles, de toutes conditions. Obama c’est la véritable Amérique, celle du melting pot et de cette formidable énergie sous-jacente. Le melting pot c’est la force de l’Amérique, ce par quoi elle s’est construite, de frontière en frontière, en assimilant des vagues successives d’immigrants (mais non sans au passage anéantir les populations locales indiennes, ça c’est la face sombre, qu’il faut prendre garde à ne pas oublier, l’histoire n’est jamais simple). Le melting pot c’est ce pourquoi on aime bien, on aimait bien l’Amérique même si on avait désappris de l’aimer. En tout cas ces scènes de liesse populaire faisaient plaisir à voir et étaient communicatives même à distance et au travers du petit écran.

Je ne me fais pas d’illusion. Il n’y a pas d’homme providentiel. Mais il n’empêche cette élection ce n’est pas bonnet blanc et blanc bonnet. Les hommes ont leur place à jouer dans l’histoire, les peuples certes mais les dirigeants aussi que les peuples se donnent. La qualité des hommes, leurs idées, leurs valeurs, ce n’est pas indifférent. Bref il reste, malgré tout, un espace pour le politique, au vrai sens du terme.

Obama décevra peut-être, il décevra sans doute. On sait dans quelle crise d’une ampleur sans précédent cette élection s’inscrit, une crise qui n’est pas seulement financière, ni même seulement économique, conséquence des effets pervers de la mondialisation. C’est une crise civilisationnelle et écologique beaucoup plus profonde, la crise d’une machine qui semble s’être emballée et que rien ni personne ne semble pouvoir véritablement arrêter. Il y a beaucoup d’éléments rationnels qui font penser que l’humanité a peu de chances de sortir indemne des impasses dans lesquelles elle s’est engagée. Mais à côté du pessimisme l’espérance a toujours une place. Des évènements comme celui-ci ne peuvent nous faire croire que tout va changer pour le mieux mais ils redonnent un peu plus d’éclat à cette étincelle d’espérance que nous avons tous au fond du cœur sans quoi plus rien de nos vies ne serait possible.

Les discours négatifs de l’ultra-gauche me hérissent. Prétendre que l’arrivée d’Obama c’est changer pour que rien ne change me paraît un sommet d’imbécillité. Aller jusqu’à réduire l’élection d’Obama a une sorte de manipulation à laquelle aurait procédé les vrais maîtres du monde c’est avoir une vision d’un manichéisme étroit éloigné de la complexité du monde. Je ne supporte plus et depuis un bon bout de temps ces discours de l’ultra-gauche mais là ils me deviennent carrément odieux. Les candidatures dites hors système comme celle de Ralph Nader ont contribué à l’élection de Bush en 2000 comme en 2004 (et d’ailleurs, pas le peine d’aller si loin, c’est ça aussi qui a propulsé Le Pen au second tour en 2002).

Et puis quoi, j’ai envie, simplement envie, de me laisser emporter un petit peu par l’émotion et par l’espérance. Il y a suffisamment peu de bonnes nouvelles dans la vie du monde pour qu’on ne boude pas notre plaisir lorsqu’elles surviennent. Ça fait du bien tout simplement.

En prenant connaissance des résultats, en voyant la joie de la foule, en écoutant le discours d’Obama j’ai été parcouru d’une onde puissante. Je n’ai pas, mais du tout la larme facile et pourtant là j’ai senti mon cœur se gonfler, j’ai senti un picotement sous mes paupières.

Des politicards pisse-froid peuvent tenter de me démontrer par toute les manières que je m’exalte pour pas grand chose. Outre que je pense qu’ils ont tort, je ne veux pas même les écouter parce que j’ai envie de jouir de mon émotion et de mon contentement.

Je sais bien, le vieux Trotsky disait, citant Spinoza « ne pas rire, ne pas pleurer, mais comprendre ». Comprendre oui mais rire et pleurer aussi. Je m’autorise la jouissance de l’émotion.

J’aurais voulu conserver intacte la trace qu’elle a fait en moi, ce sentiment d’alacrité, ce contentement, cette joie. J’aurais voulu me faire accompagner d’elle tandis que j’ai pris ensuite le fil de la journée, des obligations, des habitudes sous la petite pluie froide de l’automne. J’aurais voulu comme Samantdi, ne pas « désourire » de la journée.

Mais j’ai du mal pour ma part.

Mon contentement est précieux mais fragile, évanescent. Mon sourire à moi trop vite s’éteint.

Je me demande : d’où cela vient-il ? pourquoi cette réserve en moi ?

Ce ne sont pas des raisons rationnelles. J’ai dit que j’avais de l’espoir mais que je ne me faisais pas d’illusions excessives. Donc ce n’est pas crainte de déchanter. Quoique les souvenirs de nos joies de mai 1981 et de leur lent effilochement puisse jouer quand même.

Est-ce juste une tournure d’esprit ? Est-ce un signe de ce que j’appelle « ma ligne grise » ?

Ou bien est-ce un émoussement progressif de ma capacité d’enthousiasme ? Est-ce que, bien banalement, ce serait ça aussi, vieillir ?

De tout cela un peu, sans doute…

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Commentaires
V
Voire un peu mieux. La conjonction d'une nouvelle orientation portée par Obama et de la crise peut peut-être conduire à des remises en cause plus importantes. Clinton était à quelques nuances près resté dans la ligne des "reaganomics". L'analogie serait plutôt avec l'ère Roosevelt. Mais de toute façon ce ne sont qu'analogies approximatives, l'histoire forcément sera différente, les hommes comme la situation ne sont pas les mêmes.<br /> Content de te voir repasser par ici cher Jean!
N
Je pense que Barack Obama sera probablement un nouveau Bill Clinton. Ce qui n'est pas si mal, comparé à Bush, évidemment...
V
Mais enfin,Qiq, outre que ce n'est pas bonnet blanc et blanc bonnet, Nader n'avait strictement aucune chance d'être élu ni même de peser un tant soit peu sauf à contribuer à faire passer le pire comme ça a pu être le cas en 2000 où c'était très serré et où le détournement de quelques voix a suffi à nous faire rentrer dans l'ère Bush!
Q
Oserai-je dire que Mc Cain et Obama c'est blanc bonnet et bonnet blanc (cf J. Duclos) ? <br /> Alors, pourquoi pas Ralph Nader - d'ascendance arabe? Lui au moins a un vrai programme de gauche!
V
Mais oui, je sais bien ce n'est pas que la vieillerie. Il y a des « vieux » admirables d'implication collective, d'énergie et d'enthousiasme, mais je ne peux cependant éliminer qu'il y ait une part aussi d’usure tout à fait naturelle et qui ne doit pas être vue forcément négativement non plus. C’est le temps de la réflexion mieux assurée, de la capacité plus grande de mise à distance, pensons aux sociétés traditionnelles et au rôle qu’y jouent les aînés, les sages… Cela dit je vous rassure je ne me sens pas « vieux » non plus ! Je me dis juste que le vieillissement est un facteur parmi d’autres et un facteur de bonification aussi sur d’autres terrains comme on dit que les bouteilles se bonifient avec les années.<br /> <br /> Pour répondre plus spécifiquement à Ségo cette rupture de tonalité dans mon billet en est à vrai dire son vrai et intime sujet. Tout le monde ou presque se réjouit de la victoire d’Obama et chacun peut en donner ses raisons insistant plus ou moins sur tel ou tel aspect. Moi j’ai commencé mon billet à la lecture de celui de Samantdi, à sa façon de ne pas « désourire » et me suis interrogé sur le pourquoi de mes réactions différentes c’est à dire une brève bouffée d’émotion très intense mais non prolongée dans une joie intérieure durable. D'où le titre de mon billet d'ailleurs.<br /> <br /> Cela dit je vous rassure je continue à être très, très content et cet événement atténue sans doute en moi la morosité que portent d’autres éléments de mon présent.
Les échos de Valclair
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