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Les échos de Valclair
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29 novembre 2008

Retour de lecture

Comme le savent mes vieux lecteurs (enfin, mes anciens lecteurs) j’ai au milieu des années 90 rédigé un texte autobiographique qui a longtemps dormi dans mes tiroirs et que j’ai finalement déposé tout récemment, non sans avoir beaucoup hésité, à l’Association pour l’autobiographie.

Les textes envoyés, en plus d’être archivés, sont lus par des lecteurs bénévoles qui rédigent des échos dont l’ensemble, publié en volumes constitue un catalogue du fonds progressivement accumulé, une lucarne ouverte sur ces milliers de petits bouts d’humanité ordinaire incroyablement divers et souvent émouvants qui aboutissent sur les rayonnages de cette association et peuvent être ensuite consultés par des chercheurs ou de simples amateurs de lectures de vie.

J’ai donc reçu à la fin de la semaine dernière l’écho concernant mon récent dépôt.

Aïe, aïe, aïe ! Je ne me suis pas retrouvé, mais alors pas du tout, dans ce qui était écrit !

Le sentiment de n’avoir pas été lu et perçu de la façon dont on pensait devoir l’être est très désagréable. Déposer un texte c’est inévitablement attendre une forme de reconnaissance. Il ne s’agit pas que le rédacteur de l’écho s’extasie ou dise que « tout ceci est beau » , que « tout ceci est intéressant » mais au moins qu’il donne le sentiment d’avoir rencontré quelqu’un en nous lisant, d’avoir partagé un petit quelque chose avec nous. C’est ce qu’à l’APA, on appelle la lecture en sympathie. Or il n’y a rien dans ce commentaire qui vibre un tant soit peu, rien qui me laisse entendre que mon lecteur ait pu ressentir de l’émotion en me lisant, rien qui soit une forme de « je vous ai compris ».

J’ai l’impression pourtant que la personne qui a fait l’écho a lu scrupuleusement et avec attention mon texte ce qui me questionne d’autant plus. Aucun des faits qu’il mentionne dans son résumé n’est inexact. Simplement son compte-rendu est platement chronologique et factuel comme si l’essentiel de ce texte était les étapes de ma vie, comme si ce texte était d’abord une histoire de vie. Mais ces textes ne prennent sens qu’à la lumière de la démarche dans laquelle ils ont été écrits. C’est cet aspect, fondamental, que mon lecteur me semble avoir complètement manqué.

J’ai écrit ces textes hors de toute perspective de les donner à lire dans une période où j’étais en plein doute personnel et existentiel, encore un peu plus que je ne le suis en général (le doute existentiel, je crains fort que ce ne soit assez consubstantiel à l’animal Valclair !). J’ai cherché à interroger ce que je ressentais comme des impasses de mon parcours et pour cela je me suis aventuré dans le passé, j’ai cherché à faire remonter sous forme de fragments des souvenirs d’enfance ou d’adolescence, intégrant aussi bien des images heureuses que douloureuses. Ce ne sont pas pour autant des textes de premier jet ou des textes défouloirs. Ils sont assez élaborés, le plaisir d’écrire, de chercher les formes qui diraient le mieux possible ce que je ressentais et mettais à jour, était l’un des moteurs qui a entretenu mon écriture.

Mais du coup je m’interroge. Est-ce que ces textes étaient transmissibles et lisibles sous cette forme ? Suis-je tombé par hasard sur un « mauvais » lecteur ou est-ce que la lecture qu’il en a faite et le compte-rendu qu’il a produit auraient été à peu de choses près celui de la majorité des lecteurs ?

Aurait-il fallu alors ne pas donner ces textes, ne les considérer que comme un matériau pour un travail ultérieur destiné cette fois à être donné à la lecture ? J’ai bien pensé à refaire quelque chose, à reprendre intégralement certains des fragments, à en reformuler certains autres, à en éliminer carrément un certain nombre, à développer les aspects présentant un intérêt documentaire comme ceux où je donne mes souvenirs de Mai 68 ou qui évoquent la vie d’engagement militant quasi professionnel des années qui ont suivi, à compléter enfin tous ces textes par d’autres qui donneraient mon regard d’aujourd’hui et traiteraient aussi de parties de ma vie que je n’ai pas même abordées dans ces documents.

Mais outre que je n’ai pas bien envie de me tourner de nouveau vers le passé, ni de me lancer dans un nouveau travail d’écriture autobiographique, (il n’y a qu’à voir la façon dont j’ai calé sur « les ricochets des blogueurs ») j’aurais crains à faire cela de perdre une part de la spontanéité de ces textes, de ce qu’ils disent de ma conscience, de mon vécu au moment où je les ai écrits.

Il n’y a aucune conséquence pratique négative à cette lecture décevante sinon celle de m’avoir dépitée sur le moment. Je ne donnerai pas mon accord et cet écho ne sera donc tout simplement pas publié. J’ai peaufiné et repeaufiné le courrier que j’ai adressé à l’auteur en tentant, tout en essayant de ne pas être blessant à son égard, d’expliciter ce que, de mon point de vue, il avait raté. J’attends sa réponse avec assez d’impatience. Mon courrier sera lu dans le groupe de lecture qui a accueilli mon texte et contribuera peut-être à faire discuter et réfléchir dans ce groupe. Peut-être d’autres membres du groupe liront-ils mon texte et le percevront-ils différemment. Je ne demande pas pour autant que l’écho soit refait. Ce n’est évidemment pas à l’auteur de dicter ou de susciter une orientation de lecture, mais j’ai voulu tout de même essayer de donner des clés pour que l’enjeu de ce texte soit mieux perçu par ceux entre les mains desquels il sera passé.

Il y a dans ces textes des pages que je n’aime pas du tout, par l’image qu’elles donnent de moi, ou tout simplement par le ressenti de périodes difficiles qu’elles font remonter. Mais il y a aussi des pages que j’aime beaucoup. L’un dans l’autre elles forment un tout. Il y a au total là-dedans une expérience humaine qui me paraissait partageable. Là c’est tombé à côté. Ce n’est pas bien grave même si sur le moment ça m’est très désagréable. Peut-être plus tard demanderais-je à d’autres lecteurs de l’association, plus expérimentés ou surtout que je sentirais plus susceptibles d’entrer « en sympathie » avec ce texte de faire un autre écho, pour l’instant je me contente de ce que mon texte soit simplement silencieusement conservé.

Drôle d’expérience néanmoins et qui questionne soudain avec force sur ce qu’en profondeur, sans forcément en être conscient, on attend lorsqu’on écrit et lorsqu’on fait ce geste, pas si anodin, de donner à lire, question qu’on ne se pose guère mais qui vaut aussi naturellement pour tout ce que nous déversons quotidiennement dans nos blogs.

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Commentaires
T
Voilà un sujet qui interpelle... je rejoins Alainx dans son acceptation de la réception de l'autre. Une fois que tu as livré ton texte, il ne t'appartient plus, chacun en fera la lecture qui lui conviendra, qu'elle soit empathique ou non. Je crois que ça fait partie du jeu et aussi d'accepter que très peu "entreront" dans ce que tu as voulu exprimer. <br /> L'expérience - et tu le dis - me semble formatrice.<br /> Je t'embrasse, bien fort.
F
Tu as raison un seul lecteur c'est trop peu.<br /> Je comprends ta frustration, mais je pense qu'il a été sincère, il n'est pas "rentré" dans ton texte.<br /> Cela m'arrive avec certains livres, même si pourtant au départ, je pensais y trouver mon bonheur !
V
Deux trois choses en réponse à vos intéressants commentaires :<br /> <br /> Dans l’ensemble les gens sont satisfaits des échos parce que le plus souvent les textes sont vraiment lus dans cet esprit de « sympathie » (qui ne veut pas dire pour autant louange ou approbation aveugle). Ce n’est pas une note critique et il n’y a pas non plus de « jugement » (là-dessus je te rassure Pierre). C’est drôle parce que je viens de lire aujourd’hui même sur le site de l’APA la façon dont une personne approche les textes. Je crois qu’une lecture faite vraiment dans cet esprit là ça garantit un écho qui pour l’essentiel atteindra son but. http://activites.sitapa.org/tables-rondes/lireviedesautres.php<br /> <br /> L’écho complète l’archivage car l’archivage, Pierre, n’a de sens que si le texte archivé à des moyens d’être trouvé par qui pourrait s’y intéresser. L’écho a aussi cette fonction d’être une sorte de notice dans le catalogue du fonds.<br /> <br /> Cela dit le plus important et vous le dites tous d’une façon ou d’une autre est qu'il faut apprendre, accepter cette possibilité d'être mal compris. Donc en ce sens je trouve que l'expérience, passé le désagrément ressenti, est plutôt positive, elle oblige à se détacher en partie de ce qu'on écrit ou plus exactement à accepter qu'à partir du moment on on publie (rend public) l'écrit acquiert une vie propre et ça c'est aussi pleinement valable pour tout ce qu'on écrit dans nos blogs. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas bloguer ou pour ne pas publier n’est-ce pas (j’ai bien envie moi de lire un jour la fameuse autobiographie de Monsieur AlainX !)
P
Je ne sais pas ce qui est coutumier à l'APA, mais l'intérêt, je trouve, serait d'avoir plusieurs échos. Plusieurs angles de lecture. L'un sous forme de résumé; l'autre sous forme de commentaire (que semble avoir voulu exprimer l'auteur? Que ressent le lecteur à lire cela?)<br /> <br /> Visiblement, ton commentateur s'est limité au résumé. <br /> <br /> Evidemment que cela allait moins t'intéresser, puisqu'un résumé de ta propre vie, tu peux le faire toi-même ! <br /> <br /> Ceci dit, pour tous ces écrits concernant le passé, c'est curieux comme ils ont mauvaise presse dans la conscience des "gens" et finalement dans la nôtre. Parler de soi ne semble pas toujours très normal, mais alors, parler du passé... "Quelle perte de temps!" <br /> <br /> Chaque fois que j'écris sur un passé proche, j'entends: tourne la page, pense à autre chose, aime-toi et l'on t'aimera (??? Est-ce ne pas s'aimer que de se pencher sur ceux que l'on a aimés et qui ont joué un rôle dans notre vie ???) <br /> <br /> Bref, du commentaire facile et qui influence...<br /> <br /> Mais pour en revenir à toi, c'est clair qu'il faudrait plusieurs avis.
A
il est normal que l'on écrive avec le souhait d'être compris du lecteur. Compris dans ses intentions et dans ce que l'on désire dire.<br /> <br /> Mais, quand bien même le lecteur serait dans un courant de sympathie, et sauf à brosser systématiquement dans le sens du poil, il y a loin de la coupe aux lèvres, loin entre le désir d'être compris et le fait de l'être effectivement.<br /> <br /> Lorsque l'on publie "à l'externe", on fait quasiment toujours l'expérience de ces incompréhensions-là. En tout cas, j'en ai fait plusieurs fois l'expérience moi-même.<br /> <br /> Il n'est pas évident d'apprendre à détacher totalement "l'écrit" de soi-même.... surtout lorsqu'il y a beaucoup de soi dans l'écrit...<br /> <br /> il m'est souvent revenu aux oreilles des choses que j'ai soi-disant écrites ou dites dans des conférences ( par exemple), mais où je ne me reconnaissais absolument pas...<br /> Pendant tout un temps je me rebellais !!<br /> peu à peu, j'ai essayé d'apprendre cette terrible ascèse du détachement et de l'incompréhension par autrui...<br /> Ou alors, il faudrait se taire à jamais...<br /> <br /> je ne dis pas que j'y suis arrivé. Au point d'ailleurs que je ne suis pas loin de renoncer à toute publication autobiographique me concernant, alors que j'en ai le projet et que j'ai déjà beaucoup écrit en ce sens.<br /> et lire cette entrée, n'a rien d'un encouragement à poursuivre !<br /> <br /> ou alors, ce sera "post-mortem"...<br /> car, après moi le déluge !! ....
Les échos de Valclair
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