Dans les affres de l'hésitation
Mon association favorite va
traiter au printemps au cours d’une Table ronde du thème « intime, privé,
public ». Sur un thème pareil à côté d’historien, d’écrivain ou de psy, il
me semble qu’une parole de blogueur a toute sa place. Qui, plus que nous, est
confronté à ces questions dans sa pratique ?
Et pour présenter cette
parole je me dis que je suis la bonne personne moi qui ne cesse de m’interroger
là dessus depuis bientôt six ans que j’écris en ligne (Oui, six ans ! ça
aussi c’est un motif de panique !) .
Si je ne le faisais pas et
me contentais d’assister à cette Table ronde en spectateur, je le vivrais très
mal, j’aurais l’impression de passer à côté d’une occasion d’évoquer des
questions sur lesquelles j’ai beaucoup réfléchi, dans lesquelles je me suis
émotionnellement, affectivement beaucoup investi, et donc sur lesquelles j’ai à
cœur de faire partager mon expérience et mes questionnements.
Donc je le ferai. Mais sous
quelle forme ? J’ai au moins quatre options :
A) Je peux parler avec mon
nom d’état civil comme un observateur extérieur, évoquant les diverses
problématiques que l’on rencontre sur la question chez les blogueurs, citant
Valclair parmi d’autres.
B) Je peux parler avec mon
nom d’état civil et décrire mon expérience de blogueur mais sans jamais citer
le nom du blog, laissant à ceux que ça intéresse le soin d’aller farfouiller
pour trouver.
C) Je peux parler au nom de
Valclair sans qu’apparaisse publiquement dans les annonces puis dans les
comptes-rendus mon nom d’état civil.
D) Je peux parler avec mon
nom d’état civil et annoncer que je présenterai l’expérience d’écriture de mon
avatar Valclair.
La version A, je connais, je
l’ai déjà pratiquée ici ou là pour des présentations de l’écriture en ligne. Mais
il s’agissait de présentations générales, dans lesquelles j’avais beaucoup
moins besoin de m’impliquer personnellement que vis à vis de ce qui fait le
sujet de cette table ronde. Et puis j’en ai un peu marre de ces présentations
toute extérieure du « spécialiste » des blogs, je m’y sens en
porte-à-faux, j’ai envie de m’assumer publiquement en tant que blogueur.
La version D est celle qui
serait la plus claire, assumant dans toutes ses conséquences la renonciation à
l’anonymat. Mais je n’ai pas très envie que n’importe qui, membres éloignés de
ma famille, vagues relations personnelles ou, surtout, professionnelles,
s’aventurant à taper mon nom sur google voit surgir côte à côte mes deux
incarnations.
Alors ce sont les versions B
et C qui tiennent la corde, je ne cesse d’osciller entre elles avec, de temps en
temps, des envies de retrait vers A ou même vers la renonciation à participer à
cette Table ronde ou au contraire des envies de m’assumer jusqu’au bout avec D.
Je sais que je me suis
laissé entraîner dans la dynamique progressive du délitement de mon anonymat.
Je n’ai rien fait contre. D’un côté c’est bien et ça correspond à l’un de mes
souhaits : me sentir unifié. Maintenant ça m’impose d’aller plus loin. Je
le souhaite et en même temps je le crains.
Je veux pouvoir garder mon
écriture telle quelle, ne pas raboter ses angles parce que j’aurais non pas
plus de lecteurs mais, potentiellement, des catégories de lecteurs différentes,
entretenant avec ma personne réelle des types et des niveaux de relation plus
diversifiés. Et je sais que le risque existe pour avoir constaté cette
évolution chez certains, chez Coumarine par exemple. Mais y
parviendrais-je ? Déjà plusieurs fois je me suis senti mal à l’aise sur ma
ligne de crête entre trop dire et ne pas assez dire et forcément ça ne va pas
s’arranger en allant dans le sens de la transparence.
Alors par moment je me dis
que je fais totalement fausse route à vouloir assumer cette unité ? Est-ce
qu’il ne faudrait pas cloisonner au contraire un maximum, accepter d’être
plusieurs, jouer Gary ici et Ajar là, tenter de construire l’unité pour soi
seul mais, dans ce qui est donné à lire, accepter d’être plusieurs.
Et me disant cela je tire
plus loin la pelote des interrogations…
Vers des questions
vertigineuses et qui me font mal.
Je suis où, moi, vraiment,
dans tout ça ?
Pourquoi tenir
journal ? Est-ce que ce n’est pas retourner le couteau dans la plaie de la
fuite du temps en s’imaginant le retenir et en constatant à chaque mot écrit
l’inanité de ce fantasme ? Et puis est-ce que ce n’est pas commenter la
vie plutôt que la vivre ?
Et est-ce que la place que
j’ai laissé prendre à ce thème de l’écriture personnelle dans ma vie n’est pas
disproportionnée, que ce soit dans l’investissement associatif ou dans mes
écritures ?
Est-ce que je ne reproduis
pas en ce moment le même style de surinvestissement qui d’autres fois dans ma
vie m’ont mené à de brusques et déprimants décrochages lorsque j’étais arrivé
au bout d’un cycle ?
Est-ce que ces
surinvestissements ne sont pas de simples cache-misère de la difficulté à vivre
tout simplement dans l’ici et maintenant ?
Bon j’arrête parce que là je
vais finir par flipper grave !
Quand je disais que dévider
la pelote menait loin et douloureux ! Ça ne m’empêchera pas de me décider
pour cette fichue Table ronde comme de continuer à vivre, à rire aussi, as
usual…