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Les échos de Valclair
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14 décembre 2008

Dans les affres de l'hésitation

Mon association favorite va traiter au printemps au cours d’une Table ronde du thème « intime, privé, public ». Sur un thème pareil à côté d’historien, d’écrivain ou de psy, il me semble qu’une parole de blogueur a toute sa place. Qui, plus que nous, est confronté à ces questions dans sa pratique ?

Et pour présenter cette parole je me dis que je suis la bonne personne moi qui ne cesse de m’interroger là dessus depuis bientôt six ans que j’écris en ligne (Oui, six ans ! ça aussi c’est un motif de panique !) .

Si je ne le faisais pas et me contentais d’assister à cette Table ronde en spectateur, je le vivrais très mal, j’aurais l’impression de passer à côté d’une occasion d’évoquer des questions sur lesquelles j’ai beaucoup réfléchi, dans lesquelles je me suis émotionnellement, affectivement beaucoup investi, et donc sur lesquelles j’ai à cœur de faire partager mon expérience et mes questionnements.

Donc je le ferai. Mais sous quelle forme ? J’ai au moins quatre options :

A) Je peux parler avec mon nom d’état civil comme un observateur extérieur, évoquant les diverses problématiques que l’on rencontre sur la question chez les blogueurs, citant Valclair parmi d’autres.

B) Je peux parler avec mon nom d’état civil et décrire mon expérience de blogueur mais sans jamais citer le nom du blog, laissant à ceux que ça intéresse le soin d’aller farfouiller pour trouver.

C) Je peux parler au nom de Valclair sans qu’apparaisse publiquement dans les annonces puis dans les comptes-rendus mon nom d’état civil.

D) Je peux parler avec mon nom d’état civil et annoncer que je présenterai l’expérience d’écriture de mon avatar Valclair.

La version A, je connais, je l’ai déjà pratiquée ici ou pour des présentations de l’écriture en ligne. Mais il s’agissait de présentations générales, dans lesquelles j’avais beaucoup moins besoin de m’impliquer personnellement que vis à vis de ce qui fait le sujet de cette table ronde. Et puis j’en ai un peu marre de ces présentations toute extérieure du « spécialiste » des blogs, je m’y sens en porte-à-faux, j’ai envie de m’assumer publiquement en tant que blogueur.

La version D est celle qui serait la plus claire, assumant dans toutes ses conséquences la renonciation à l’anonymat. Mais je n’ai pas très envie que n’importe qui, membres éloignés de ma famille, vagues relations personnelles ou, surtout, professionnelles, s’aventurant à taper mon nom sur google voit surgir côte à côte mes deux incarnations.

Alors ce sont les versions B et C qui tiennent la corde, je ne cesse d’osciller entre elles avec, de temps en temps, des envies de retrait vers A ou même vers la renonciation à participer à cette Table ronde ou au contraire des envies de m’assumer jusqu’au bout avec D.

Je sais que je me suis laissé entraîner dans la dynamique progressive du délitement de mon anonymat. Je n’ai rien fait contre. D’un côté c’est bien et ça correspond à l’un de mes souhaits : me sentir unifié. Maintenant ça m’impose d’aller plus loin. Je le souhaite et en même temps je le crains.

Je veux pouvoir garder mon écriture telle quelle, ne pas raboter ses angles parce que j’aurais non pas plus de lecteurs mais, potentiellement, des catégories de lecteurs différentes, entretenant avec ma personne réelle des types et des niveaux de relation plus diversifiés. Et je sais que le risque existe pour avoir constaté cette évolution chez certains, chez Coumarine par exemple. Mais y parviendrais-je ? Déjà plusieurs fois je me suis senti mal à l’aise sur ma ligne de crête entre trop dire et ne pas assez dire et forcément ça ne va pas s’arranger en allant dans le sens de la transparence.

Alors par moment je me dis que je fais totalement fausse route à vouloir assumer cette unité ? Est-ce qu’il ne faudrait pas cloisonner au contraire un maximum, accepter d’être plusieurs, jouer Gary ici et Ajar là, tenter de construire l’unité pour soi seul mais, dans ce qui est donné à lire, accepter d’être plusieurs.

Et me disant cela je tire plus loin la pelote des interrogations…

Vers des questions vertigineuses et qui me font mal.

Je suis où, moi, vraiment, dans tout ça ?

Pourquoi tenir journal ? Est-ce que ce n’est pas retourner le couteau dans la plaie de la fuite du temps en s’imaginant le retenir et en constatant à chaque mot écrit l’inanité de ce fantasme ? Et puis est-ce que ce n’est pas commenter la vie plutôt que la vivre ?

Et est-ce que la place que j’ai laissé prendre à ce thème de l’écriture personnelle dans ma vie n’est pas disproportionnée, que ce soit dans l’investissement associatif ou dans mes écritures ?

Est-ce que je ne reproduis pas en ce moment le même style de surinvestissement qui d’autres fois dans ma vie m’ont mené à de brusques et déprimants décrochages lorsque j’étais arrivé au bout d’un cycle ?

Est-ce que ces surinvestissements ne sont pas de simples cache-misère de la difficulté à vivre tout simplement dans l’ici et maintenant ?

Bon j’arrête parce que là je vais finir par flipper grave !

Quand je disais que dévider la pelote menait loin et douloureux ! Ça ne m’empêchera pas de me décider pour cette fichue Table ronde comme de continuer à vivre, à rire aussi, as usual…

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Commentaires
V
Oui Pierre c'est bien parce que nos questionnements sont proches et partagés je le sais par d'autres que j'ai très envie maintenant d'en parler publiquement et d'échanger là dessus de façon plus large.<br /> <br /> C'est très juste Elsa de pointer la dimension du temps, au début le cloisonnement pour moi était total donc je ne me posais pas ces questions, ou alors de façon très théorique.<br /> <br /> Oui Nicole je pense bien que tout le monde (ou presque) peut entendre cette multiplicité de mes facettes, les apprécier ou n’y porter aucun intérêt. Mais le souci est dans le presque justement car il y a quand même des gens pour lesquels ça me gênerait qu’ils fassent le lien.<br /> <br /> Non Pivoine, ce n’est pas globalement une valse hésitation. Globalement c’est une progression vers plus de transparence. Je suis quasi convaincu que j’interviendrai dans cette réunion, j’hésite sur la modalité précise. En fait ce qui est plus intéressant (et déstabilisant) c'est ce que ces questionnements ont fait remonter sur mon rapport plus profond à l'écriture. Et toi chère Pivoine ? Tu en es où de tes hésitations ? Depuis quelques jours voici que tu nous as de nouveau fait le coup de disparaître, reviens vite…
P
Simplement, est-ce qu'il est nécessaire de continuer à vivre dans cette valse hésitation? Tout de même assez prononcée puisque tu es tout à fait actif dans l'APA - et l'on a une sortie ou une entrée de cela sur ton blog, de même qu'en parcourant l'APA, on peut arriver chez Valclair (ce qui est plutôt piquant...) Je ne dirais rien si ce n'était pas nouveau, mais cette interrogation, ce dualisme, revient, revient et revient, au point qu'on peut se demander s'il n'y a pas là un certain plaisir, un certain auto-plaisir. Mais pourquoi pas finalement ? Dans la vie, on n'a de plaisir que l'on se donne... <br /> <br /> Mais je trouve cela un peu dommage, il y a des aspects tellement intéressants dans ton journal, alors que souvent là, tu dis, oui, bof, est-ce que ça va intéresser le peuple ? Or, c'est ça souvent qui me semble intéressant, et moins tout ceci.<br /> <br /> De plus, je suis une adepte de la clarté.
N
les auditeurs sont peut-être prêts à attendre que chacun de nous est pluriel. Je peux concevoir qu'il soit dificile de lire certaines " révélations" sur un compagnon, un enfant, un parent, un ami, un collègue .... et pourtant chacun d'entre nous a plusieurs facettes selon l'interlocuteur, le groupe. Ce qui m'intéresse dans une personne c'est la multiplicité assumée lorsqu'elle parvient à respecter l'autre dans sa multiplicité et qu'elle reconnait que des facettes de l'autre lui sont cachées, inaccessibles. Il suffit aussi que deux personnalités pivotent chacune d'un petit angle pour qu'une autre rencontre ait lieu et celà est magique.
E
Plus que la possibilité de montrer différentes facettes de ma personne, le cloisonnement représente pour moi la possibilité d'écrire à l'abri des regards de ceux qui me connaissent déjà et donc plus librement. Mon blog est un espace où je n'écris pas pour plaire à ceux que j'aime, j'y écris ce qui me plaît quand il me plaît et si ça plaît à d'autres, tant mieux. Mais je suis novice en la matière et j'imagine aisément qu'après six ans on n'aboutit pas aux mêmes conclusions.
P
Mon cher Valclair, tu imagineras sans peine combien ce texte déclenche en moi une excitation quasi pavlovienne. Ces questions qui te préoccupent sont aussi les miennes depuis tellement de temps...<br /> <br /> J'ai dû me freiner pour lire ton texte suffisamment lentement sans me précipiter sur l'espace commentable.<br /> <br /> Mais m'y voila. À un moment où, dans mon long parcours d'écrivant en ligne je me sens à une croisée des chemins... sans savoir sous quel angle m'y prendre. Continuer ou cesser ? Pourquoi ? M'unifier ou scinder mes identités ?<br /> <br /> « Alors par moment je me dis que je fais totalement fausse route à vouloir assumer cette unité ? Est-ce qu’il ne faudrait pas cloisonner au contraire un maximum, accepter d’être plusieurs, jouer Gary ici et Ajar là, tenter de construire l’unité pour soi seul mais, dans ce qui est donné à lire, accepter d’être plusieurs. »<br /> <br /> Nous avons les mêmes questionnements.<br /> <br /> Dans la conjonction de l'intime, du privé et du public, je me suis trouvé en même temps que je me suis "perdu". Drôle d'aventure, expérience unique qui peut mener loin quand on s'y implique beaucoup. Aujourd'hui je ne sais pas trop si je suis libre d'en sortir alors que c'est aussi grâce à cette expression aux limites du moi que je me libère...<br /> <br /> Tout cela peut vite devenir vertigineux.
Les échos de Valclair
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