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Les échos de Valclair
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19 janvier 2009

"Théâtre intime"

J’ai profité des temps morts de mon voyage dans le sud pour achever la lecture de « Théâtre intime » de Jérôme Garcin.

C’est un livre très intéressant. Jérôme Garcin est le mari d’Anne-Marie Philippe, actrice et fille du mythique Gérard Philippe. L’auteur raconte comment lui-même, jeune littéraire mais issu d’une dynastie de grands médecins de bonne bourgeoisie bien pensante, s’est agrégé à ce monde si différent du sien. Il évoque ce que c’est qu’être mari d’actrice et décrit le monde du théâtre du point de vue des coulisses, de celui qui y est tout en n’y étant pas vraiment. Mais il éclaire aussi le rapport particulier de sa femme à son métier et aux rôles qu’elle a interprétés, sa façon de gérer l’encombrant héritage qui est le sien, le père mythique qu’elle a à peine connu, la mère, Anne Philippe, très présente au contraire, intraitable gardienne du temple. Le livre fourmille d’informations sur la vie théâtrale du 20° siècle, remontant, en s’appuyant sur les souvenirs d’Anne Philippe, au temps glorieux du début du TNP et du Festival d’Avignon. Chaque chapitre évoque un lieu et la tranche de temps pendant laquelle ce lieu a compté : les lieux de vie ou de vacances de Garcin enfant ou adolescent ; les diverses résidences des Philippe, à Ramatuelle ou en bord de Seine, à Paris rue de Tournon ; des espaces de théâtre, le palais des Papes en Avignon, des salles parisiennes emblématiques ou les salles polyvalentes des tournées dans la province profonde. Certains de ces lieux ne persistent que dans la mémoire de l’écrivain mais il en est d’autres qu’il retrouve non sans nostalgie au cours de pèlerinages qu’il effectue ici ou là avec ses propres enfants. Enfin les chevaux et l’art de la monte, passion venue de sa propre famille et dans laquelle son épouse s’engouffre à son tour spécialement après avoir pris une certaine distance avec sa profession de comédienne tiennent aussi une grande place.

J’ai donc bien aimé ce livre et j’en conseille la lecture. Et pourtant littérairement ce n’est pas un grand livre. Par moments je me suis senti un peu agacé par son style. Pourquoi donc ? Qu’est-ce qui cloche ? Pourtant c’est bien écrit, dans une langue claire, parfaitement fluide, agréable à lire. J’ai envie de dire que c’est presque trop bien écrit, d’une écriture trop léchée, trop apprêtée, c’est une écriture de bon élève, une écriture de khâgneux, qui assène ses références culturelles et la richesse de son vocabulaire, qui se plait à des successions d’énumérations bien venues et bien balancées. Mais c’est une prose sans magie. C’est écrit avant tout avec la tête, un peu avec le cœur, beaucoup moins avec les tripes.

Je me sens d’autant plus à l’aise pour dire ça,(et peut-être est-ce pour cela justement que j’ai autant remarqué cet aspect), qu’il me semble que personnellement j’écris un peu de la même façon, certes avec moins de métier, moins de culture et de façon plus laborieuse. Mais il y a de ça.

Je m’interroge toujours sur la source de cette alchimie qui fait que chez certains à l’écriture minimaliste les mots les plus simples acquièrent une telle puissance d’évocation, je pense à Duras par exemple ou de façon très différente à Modiano. Ou je pense à d’autres aussi dont l’écriture est d’emblée sensuelle, charnue, dont on croque les mots. Ou à d’autres encore chez lesquels surgissent on ne sait d’où des fulgurances de plumes des rapprochements imprévus, des métaphores inattendues. Bref je pense à ceux qui ont, au-delà du bien écrire, ce petit plus, essentiel, qui fait la littérature.

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Commentaires
V
Mais quand même il est très intéressant ce bouquin, il vaut le coup d'être lu comme des tas d'autres qui n'ont rien d'exceptionnel du point de vue littéraire.<br /> <br /> En analysant ce bouquin je ne le dévalorise pas comme je ne me dévalorise pas moi-même. Et bien sûr il y a du sentiment et même des tripes chez lui comme chez moi. Mais avec une expression très contrôlée, très analytique, on n'a pas l'impression que ce qui vient du fond de soi puisse s'exprimer de façon très spontanée, directement dans la coulée du style. Enfin c'est comme ça que je ressens cette espèce de parenté que j'ai cru déceler dans nos façons d'écrire .<br /> <br /> Quant à la précision, le terme juste, Val, comment je fais pour le trouver: ben justement souvent je cherche mes mots, je les choisis entre plusieurs, ce n'est pas forcément celui du premier jet, et c'est la contrepartie, celle-la positive, de ce que je perds en spontanéité.<br /> <br /> Merci de vos commentaires à toutes deux qui m'ont donné l'occasion d'essayer de préciser ma pensée.
V
Bonsoir Valclair<br /> <br /> Je suis du même avis que Ada d'une certaine manière. J'ai été surprise que vous pensiez cela de votre écriture. Je ne la vois pas comme ça du tout. <br /> Certes vous écrivez clair et vos idées sont très bien énoncées, mais j'avais plutôt le sentiment que cela vous était naturel. Du moins que le vocabulaire, ainsi que les tournures vous venaient plutôt naturellement. <br /> Je trouve que vous y mettez tout de même beaucoup de cœur (ou de tripes? Quelle est la différence?). <br /> <br /> Ce que je me suis dit souvent, c'est : "Comment fait-il pour être aussi précis?". Le terme juste, dans le mille!
A
Voilà qui est déculpabilisant pour la feignante que je suis, si tu suggères que le travail ne suffit pas ! <br /> <br /> C'est marrant quand même la représentation que tu as de ta propre écriture. Certes tes textes son travaillés (pas "apprêtés") mais de là à dire qu'il n'y a que raison dedans, tu y vas fort. <br /> <br /> Et puis de ce que tu en avais dit avant même d'aborder le style, je n'aurais pas lu ce bouquin.
Les échos de Valclair
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