A l'approche
J’arrive dans une vaste
salle de réunion où se pressent déjà de nombreuses personnes. On me dit :
« ça va être à toi dans une demi heure ». Bon sang, mais c’est bien
sûr, c’est aujourd'hui que j’interviens, que je présente mon blog ! J’ai
totalement oublié, je n’ai rien préparé. Je sors précipitamment, il y a du
soleil, il fait bon, il y a un jardin public pas loin, je vais aller m’y mettre
au calme, essayer de rassembler mes idées, les griffonner sur le petit carnet
que j’ai avec moi. Des gamins jouent. Ils dispersent mon attention. Certains
même viennent me parler, je ne veux pas, ne peux pas les chasser. Mais les
idées me fuient, l’heure tourne, l’angoisse m’envahit…
Là dessus je me réveille…
Voilà au moins un rêve qui
n’est pas bien difficile à interpréter ! La perspective de mon
intervention du 14 mars me remue manifestement sérieusement. Il n’y a pas de
risques que j’oublie de la préparer. Bien sûr l’anxiété ne vient pas du seul
fait de devoir parler en public, chose à laquelle je suis assez accoutumé (mais
qui néanmoins chaque fois me stresse un peu même si je sais qu’ensuite en
général je passe plutôt bien). Elle vient surtout du fait de parler
publiquement de mon blog, de faire ce coming out, de porter ce nouveau coup
violent à mon anonymat. Je sais si bien que le sujet est délicat pour moi que,
contrairement à mon habitude, je vais cette fois rédiger complètement mon
intervention, pour avoir sous les yeux le support auquel me rattacher si je me
sentais déstabilisé.
Finalement au moment de ce
nouveau passage, je retrouve à peu près le même type d’émotion qu’à chacune des
étapes de ma blogovie : Lorsque j’ai fait le premier clic de la première
mise en ligne, lorsque j’ai ouvert le premier mail qu’on m’a adressé, lorsque
je suis entré presque tremblant dans un café où pour la première fois je
rencontrais « en vrai » quelqu’un du blogomonde, à chaque fois j’ai
ressenti ce pincement au cœur, mélange d’anxiété et d’excitation, qui me saisit
là encore, me surprend par moments lorsque je m’y attends le moins :
« mais bon sang qu’est-ce que tu fais là mon pauvre gars, qu’est ce que
c’est que cette folie d’aller étaler tes histoires ? »
Il y aura la tribune et les
autres intervenants, il y aura surtout la salle en face de moi. Je sais que j’aurai
une écoute plutôt amicale, que je susciterai une curiosité plutôt bienveillante
mais mâtinée chez certains d’un peu d’incompréhension, voire de malaise face à
une pratique que d’aucuns jugent malsaine ou exhibitionniste. Je sais qu’il y
aura sûrement aussi quelques uns de mes blogamis qui connaissent pour eux mêmes
ces interrogations sur les mouvantes frontières du dicible et de l’indicible
dans l’expression publique sur internet et leur présence forcément concernée et
empathique me sera un secours. Peut-être aussi y aura-t-il des
lecteurs/lectrices bien connus dans les mots, inconnus de visu, qui écouteront
silencieusement ? Je ne pourrai sûrement m’empêcher balayant la salle de
me dire : tiens cette tête inconnue, est-ce que ce pourrait être celle-ci ou
celle là…
J’ai sacrifié mon après-midi
de vendredi, mon joli moment de liberté, de promenades rêveuses ou de salles
obscures pour, outre écrire ces mots, commencer à rédiger mon topo. Ça vient
sans trop de difficulté. Je voudrais avoir bouclé ça à la fin du week-end pour
m’en sentir libéré car la semaine qui s’annonce sera plus que chargée au
boulot.
Hier j’ai eu très froid,
alors ce matin j’avais ressorti l’écharpe car le col de mon manteau reste
désespérément béant suite à la perte d’un bouton (petit clin d’œil privé). Sur
le chemin du bureau, sous un soleil bienvenu, j’ai arraché l’écharpe et l’ai
fourré dans ma poche et ça m’a fait du bien de sentir comme un air de printemps
quoique l’air soit très vif encore. Et cette légèreté du temps a contribué tout
le jour à la légèreté de mon humeur, a éloigné l’anxiété sous-jacente, matrice
de mon rêve de ce matin.