Visages
Je regarde très rarement les
informations à la télévision, j’appréhende la vie du monde extérieur avant tout
par la lecture quotidienne et assez addictive d’un célèbre quotidien du soir
(oui, oui, plus addictive que les blogs !).
Vendredi soir cependant j’ai
regardé le journal télévisé. J’y ai vu des images de la rencontre d’Obama et de
Sarkozy et de la conférence de presse qui a suivi. J’ai été stupéfait par le
contraste des visages. D’un côté il y avait le sourire rayonnant d’Obama, la décontraction,
le calme qui semblait émaner de lui et de l’autre le sourire crispé, la tension
intérieure, la surmobilité du visage à la limite des tics de notre président.
Le type m’a toujours fait un peu peur. Ça ne s’améliore pas avec le stress
voire le surmenage auquel conduit l’exercice du pouvoir, surtout avec la
conception qu’il en a. On a l’impression qu’il réprime sans cesse une violence
intérieure prête à déborder à tout moment (et qui déborde parfois d’ailleurs,
voir le désormais célèbre « casse-toi, pov con »). Se dire que ce
type là a toujours à trois pas de lui la mallette du feu nucléaire ça ne
rassure pas vraiment !
Je sais bien que l’habit ne
fait pas le moine, que le sourire, l’aspect avenant et le charisme naturel ne
suffisent pas à faire une bonne politique de même qu’à contrario le
volontarisme forcené peut à côté de beaucoup de rodomontades sans effet, donner
lieu à certains résultats (voir la réactivité et le dynamisme de la présidence
française de l’Europe).
N’empêche il me semble que
ce deux visages disent tout de même quelquechose des personnalités profondes,
au-delà des habiletés ou des maladresses de communication. Comme en son temps
le sourire carnassier de Mitterrand disait aussi le sentiment qu’il avait de sa
force, sa jouissance aux jeux du pouvoir et la distance qu’il savait y mettre.
Alors voir Obama, ça me fait
du bien. L’orientation nouvelle qu’il semble donner à l’administration
américaine avec toutes les conséquences en chaîne que cela peut avoir est à peu
près la seule bonne nouvelle en ces temps de crise. Peut-on croire que la
rencontre entre sa personnalité et les circonstances, que l’ampleur de la crise
qui conduit tout de même à des prises de conscience, peuvent entraîner des
remises en cause majeures et bénéfiques ? Du mal pourrait-il sortir un
bien ?
Je n’en sais fichtre rien.
Il y a tant de forces contraires, celles que génèrent les puissances installées
et les situations acquises des maîtres du monde, mais au-delà aussi la force
des habitudes en chacun de nous, la jouissance du court terme, une avidité, un
désir prédateur peut-être anthropologiquement enracinés en l’homme.
Je ne me hasarderai plus
quant à moi à m’avancer sur le terrain de ce qu’il faudrait faire. Il y a des
choses qui me hérissent, dont je sais que je ne veux pas. Mais de là à avoir
des idées sur les solutions ! Quand je lis des tribunes contradictoires
d’économistes je suis bien incapable de me sentir en état de pencher plutôt
pour l’un que pour l’autre. Ils se sont tous (ou presque, mon fils me bassine
avec Stieglitz dont il est fan) tellement trompés et avec tellement
d’assurance !
Donc ce petit billet je le
reconnais n’est pas très politique. Simplement, tout en me retenant de tomber dans
l’illusion de l’homme providentiel, je suis heureux de suivre des yeux dans ce
ciel noir le vol de l’hirondelle Obama, et d’apaiser par son sourire les
hérissements de poil que provoquent en moi les grimaces de l’autre.