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Les échos de Valclair
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7 mai 2009

Mémoire des lieux

Lors d’un récent week-end j’étais en région lyonnaise où j’ai participé à une Fête du Livre. J’y ai vu le film « En remontant la rue Vilin » en présence de Robert Bober son réalisateur,

Ce documentaire est une enquête sur les lieux de l’enfance de Perec, dans une petite rue de Belleville qui n’existe plus aujourd’hui. En s’appuyant sur des photos retrouvées et sur des textes de Perec, Bober restitue la rue à différents moments de son évolution. Il articule son récit avec la biographie de Perec, fait le lien entre son enfance de petit garçon juif confronté ensuite à l’holocauste et ce goût de l’accumulation des traces qu’il aura toujours ensuite comme pour conjurer la « Disparition ». La mémoire des lieux c’est aussi la mémoire des êtres.

J’ai repensé à ce film et j’ai eu envie d’écrire ce billet pendant notre promenade le week-end dernier dans le quartier Stalingrad, puis d’autres émotions m’en ont détourné. J’ai vu les pâtés de maison prêts à être démolis. Nul bien sûr ne se plaindra de la disparition de cet habitat insalubre. Et en même temps j’ai pensé : tout ce qui va être détruit, il faudrait en garder trace. J’ai toujours eu une certaine fascination pour la mémoire des lieux.

Même indépendamment de démolition d’ensemble comme ce fut le cas rue Vilin ou le sera à Stalingrad, l’aspect des villes change insensiblement, tel immeuble vétuste remplacé par une construction moderne, tel échoppe devenant un appartement, telle devanture remplacée par telle autre. On assiste passivement à ces changements et puis vingt ans après le paysage que l’on a devant soi est très différent et on serait bien incapable de pouvoir décrire tout ce qu’il y avait à la place.

Evidemment, ayant ainsi Robert Bober « sous la main », je n’ai pas manqué de l’interroger sur un autre quartier que je connais très bien pour y habiter depuis vingt ans, quartier qui fut le sien durant son enfance à la fin des années 30, ce quartier que j’avais essayé de retrouver dans son épaisseur de passé après avoir lu « Berg et Beck ». J’ai pu échanger un petit moment avec lui en privé, nous avons évoqué nos visions du quartier à travers le temps, nous avons parlé par exemple de la marchande de journaux du coin de la place, qui était encore là à mon arrivée, elle faisait le lien entre la rue de Bober enfant et la rue où mes propres enfants ont grandi. J’aime ces continuités…

J’ai d’ailleurs vu le soir un spectacle théâtral basé sur ce récit de Bober et présenté par la compagnie Narration : les spectateurs, pas plus d’une quarantaine, sont installés sur des bancs autour d’une vaste table dans un espace qui évoque une collectivité, 4 chaises entre les bancs restent vides, deux acteurs, un homme, une femme, viennent tour à tour s’y poser, lisant des extraits du texte, évoquant la vie de la petite communauté de la maison d’enfants où Bober, jeune éducateur, a travaillé au lendemain de la guerres et quelques unes des histoires des adolescents qui se retrouvaient là, essayant de réapprendre à vivre après la Shoah. L’extrême proximité entre les acteurs et les spectateurs rend l’expérience intensément émotive et en fait un peu plus qu’un spectacle, un moment fort de partage qui se prolonge dans l’échange qui suit avec l’équipe du théâtre.

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