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Les échos de Valclair
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25 juillet 2009

Exhumations

Ce coup-ci je crois bien qu’on en a fini ! Enfin fini pour ce qui est débarras et tri. Pour le reste au contraire tout commence… Nous avons eu la réunion avec les assurances, nous avons signé le montant de l’indemnisation finalement négociée sur des chiffres qui sont proches de ceux proposés par notre expert en liaison avec notre architecte, donc de ce point de vue, ça ne se présente pas trop mal.

Hier on a achevé de ranger la « cave » et « l’atelier », enfin ce que l’on appelle la « cave » parce que c’est là que mon grand père conservait son vin et ce qu’on appelle « l’atelier », parce qu’il stockait là des outils, un établi et tout son matériel de jardinage. En fait il s’agit au fonds du jardin d’une sorte de vaste appentis sans fenêtre, divisé en deux pièces, qui ont surtout servi de lieu où accumuler les choses dont on ne voulait pas dans la maison principale. Ranger a donc consisté principalement à repérer tout ce qu’il y avait, à séparer ce qui est à garder de ce qui est à faire débarrasser au moment où l’on fera aussi réhabiliter un minimum cet espace. Il y a là tout un bric à brac dépareillé, des sommiers et des matelas, des échelles en bois d’autrefois difficiles à manipuler tant elles sont lourdes, du mobilier démantibulé, des planches, des tôles, des tuiles cassées, des caisses de vaisselle venant de générations antérieures : certaines étaient là sans avoir été déballées depuis que mes grands parents s’étaient installés ici après leur retraite au début des années 70 ! Le tout bien sûr est sous d’impressionnantes couches de poussière qui nous saisissent à la gorge lorsqu’on manipule, au point parfois de nous faire perdre la respiration et nous faire sortir pour aller aspirer un bol d’air à l’extérieur.

De cet océan de saletés on a exhumé quelques éléments intéressants. Oh ce n’était pas la cave aux trésors, pleine de surprises ! Il y a certes les services de vaisselle mais eux nous savions de tout temps qu’ils étaient là.

Mais j’ai trouvé des bassines en cuivre dont, pour le coup, j’ignorais l’existence. L’une d’elle est d’une taille impressionnante, avec des crochets pour la suspendre dans une cheminée: Je me suis dit qu’on devait faire là-dedans des tonnes de confitures mais ma cousine m’a dit que plus vraisemblablement cet ustensile géant servait au moment où l’on « faisait le cochon ».

Sur une malle cloutée, très abîmée par ailleurs, j’ai été ému par la plaque en cuivre vissée sur le couvercle :

Léon B… , négociant à R…, Tarn.

Léon B. c’était le grand père de ma grand mère, un homme qu’elle vénérait, celui qui l’a élevée me disait-elle, parce que, petite fille à la santé fragile, elle supportait mieux la campagne que Toulouse où ses parents s’étaient installés. Cet homme était le premier de la lignée à avoir quitté le travail de la terre en montant un atelier et un magasin de chaudronnerie qui s’était bien développé, installé sur la place centrale d’un petit bourg tarnais à une soixantaine de kilomètres d’ici et à portée de carriole des métairies qu’il acquerrait alentour. Ma grand mère aimait beaucoup me parler de ses grands parents de R. Je me souviens de cette anecdote qu’elle adorait particulièrement : Mr de B…, qui habitait un petit château à l’écart du bourg appréciait manifestement la conversation du chaudronnier. Lorsqu’il arrivait le grand père sortait une chaise devant l’atelier pour le nobliau, il le faisait asseoir et, délaissant ses ouvriers, venait discuter avec lui, le charmait en lui racontant notamment les derniers bons mots de sa petite fille si vive et si intelligente. Quand l’homme partait, Léon se tournait vers l’enfant et lui disait : « hé, hé, ma Cécilou, tu vois, ils descendent et nous, nous montons », pensant sans doute à telle pièce de terre de l’aristocrate qu’il prévoyait de faire tomber bientôt dans son escarcelle.

J’ai trouvé aussi dans une valise toute défoncée des sacs de jute, de longs sacs oblongs, qui ont l’air d’une solidité à toute épreuve. Sur certains d’entre eux, il y a un nom en gros caractères, Louis C…, propriétaire, suivi d’un numéro. D’après ma cousine ces sacs devaient servir à porter du grain ou de la farine. Je connais le nom de ce Louis C. aussi. Si je ne me trompe, c’était un arrière grand père de mon grand père ! Quelqu’un qui a dû vivre dans la première moitié du 19° siècle ! Les sacs n’ont pas bougé, ils semblent comme neufs, ni usés, ni dévorés par les mites. C’est impressionnant ! J’en garderai au moins un ou deux, pour mémoire !

Il y a quelquechose de l’histoire qui se dit dans ces objets, quelquechose de mon histoire familiale mais aussi plus généralement de l’histoire de ce petit pays rural à la fin du 19° siècle et dans la première partie du 20°. J’ai toujours regretté de ne pas avoir interviewé et enregistré ma grand mère alors que j’ai souvent eu envie de le faire. C’était une merveilleuse conteuse, elle aurait été une source extraordinaire. (Je l’ai fait un petit peu mais pas assez et trop tard avec mon grand-père qui lui a survécu plusieurs années mais il n’avait pas sa faconde ni son goût de raconter).

Et puis j’ai trouvé aussi une trace plus récente mais encore bien plus émouvante pour moi. Accroché à un clou, au-dessus des bâches, des pelles et des râteaux, une petite carte portant l’écriture de mon grand père : « Cèdre bleu, planté en 1974, 8 août 1987, circonférence : 0,85m ». Mon grand père est mort assez peu de temps après. J’ai été ému de trouver cette marque du souci et manifestement du plaisir qu’il avait de la belle croissance de son arbre, ce fameux cèdre qui nous encombre maintenant et qu’on a hésité à faire abattre. Finalement on s’est contenté de faire couper les branches basses et d’étêter le sommet. Alors je me suis précipité à la recherche d’un mètre ruban : à la hauteur de mes épaules, le tronc en 2009 fait un mètre quatre vingt, je te le dis, mon vieux papi…

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Commentaires
L
J aime beaucoup le récit de tes découvertes d objets qui sont restés si longtemps cachées. Une ènorme bassine en cuivre " pour le cochon", certes, mais dans les régions de montagnes, elle servait aussi a l élaboration du fromage. Des vieux sacs pour le transport des grains,et des caisses de vaisselle. Tout cela me fait réver.<br /> Bonne soirée Latil
Les échos de Valclair
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