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Les échos de Valclair
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8 octobre 2009

Là-bas

Me voici donc en région toulousaine pendant trois jours, pour m’occuper de la maison brûlée.

Ces jours ici me font un joli moment parenthèse. Mes démarches ne sont pas pesantes. Le choc douloureux au moment du sinistre et les anxiétés qui ont suivi sont dépassées, le deuil de ce qui a été perdu est fait, je suis désormais dans le projet, je suis dans la reconstruction est c’est diablement porteur. C’est un peu plus que « à quelquechose malheur est bon », ce serait plutôt « ce sinistre, finalement, c’est une bénédiction ».

En tout cas quel brusque et bienfaisant sentiment de coupure avec mon quotidien. Je l’ai un peu payé dans les jours qui précèdent, j’ai dû concentrer mon activité de cinq jours de travail sur trois, mais ensuite dès que j’ai été installé dans ma couchette dans le train de nuit filant vers le sud, j’ai tout de suite été porté ailleurs, je n’ai plus le moins du monde pensé au boulot, et plus guère à Paris pas plus qu’à ma blogosphère.

La journée a été intense. Je l’ai passée toute entière avec l’architecte, nous avons analysé ensemble les devis des divers corps de métier. Les choses se présentent plutôt bien. La quasi totalité de ce que nous voulons faire tient dans l’enveloppe allouée par l’assurance. Dans quelques mois j’aurai une maison qui sans perdre le charme de son ancienneté sera aux normes de confort actuel, conforme aux façons d’habiter qui sont les nôtres aujourd'hui et qui répondra à la plupart des envies que j’ai pu formuler. Ce ne sera plus la maison des mes grands-parents, ce deviendra véritablement la mienne. Le passé n’est pas renié mais absorbé, intégré, dépassé. Si nous faisons de cette maison notre résidence principale comme j’en ai le projet, nous n’aurons plus ce sentiment d’entrer dans un lieu modelé par d’autres, figé dans les formes dans lesquelles ils l’avaient laissé.

Même si l’essentiel du projet est arrêté il nous reste à nous prononcer sur diverses options ce que je verrai avec Constance et avec mon père dès mon retour à Paris. Puis il faudra rentrer dans de nombreux détails de décoration et d’aménagement dans de prochains voyages ici au cours de l’hiver et du printemps.

Je loge chez ma cousine. J’ai hésité un peu, sachant que j’aurais goûté après mes diverses tâches la tranquillité et ma solitude dans la grande maison vide. Mais outre que ma présence fait plaisir à ma cousine, je trouve aussi un certain agrément au babil avec elle, je trouve bien agréable le confort de son appartement, les douches chaudes et le fait de mettre les pieds sous la table et de ne rien avoir à faire pour les repas, toute tentative de ma part pour l’aider en quoi que ce soit se révélant voué à l’échec.

Cette cousine est d’une extrême gentillesse et d’un dévouement qui confine au sacrifice. Pendant dix ans elle n’a pas bougé de chez elle soignant un mari, épousé sur le tard, et victime quelques mois après leur mariage d’un accident cérébral qui l’a laissé aphasique et paralysé pendant dix ans. Puis, celui ci décédé, c’est sa mère qui est devenu impotente et avec laquelle elle passe à la maison de retraite proche tous les après-midi sans exception .

Sa vie tourne quasi exclusivement autour de ce qu’elle pense devoir à ses malades aimés. Je l’admire et la plains tout en me demandant s’il n’y a pas aussi quelquechose d’un peu pathologique dans son dévouement, si elle n’aurait pas pu, sans manquer à ses devoirs, s’organiser un peu différemment, pendre au moins quelques temps de vacances et d’éloignement dans sa vie de garde malade.

Lorsqu’elle est chez elle la télévision est sa compagne obligée qui est allumée de façon quasi continue. Même lorsqu’elle ne regarde pas vraiment, les programmes, les pubs sont présents en fond sonore. Cette omniprésence m’est pour le moins pénible. J’ai vaguement tenté de lui suggérer d’étreindre pendant les repas puisque j’étais là et que nous causions mais en vain, tout au plus l’a-t-elle baissée pour que le son ne gêne pas trop notre conversation.

Une autre chose me frappe : il n’y a pas ici, dans cet appartement pourtant relativement cossu, la moindre bibliothèque. Cette femme n’est pas inculte, elle a été à l’école jusqu’au baccalauréat, elle a passé ensuite le concours des impôts et a été fonctionnaire de nombreuses années avant de se marier à la cinquantaine, elle provient d’un milieu de petite bourgeoisie provinciale où il y avait des livres (à vrai dire peut-être était-ce surtout des livres pour la parade. Étaient-ils lus ?). Tous les ans elle faisait un voyage culturel avant d’être rivé sur place par ses malades et elle avait été active aussi dans la vie associative et municipale locale. Je ne la vois jamais avec un livre à la main, je ne la vois jamais lire, à part la Dépêche qu’elle parcourt et quelques magazines vaguement glamour. Ça me paraît stupéfiant. C’est, il me semble, comme si elle rajoutait d’elle-même aux mauvais tours que la vie lui a fait une amputation supplémentaire. Bien sûr ce n’est que mon regard de grand lecteur et il me faut bien concevoir que l’on puisse voir les choses différemment mais tout de même, moi, cette absence aussi radicale du moindre livre, ça me rend triste pour elle.

J’ai laissé la télé et ma cousine, prétextant que j’avais encore à travailler sur mes devis. Je me suis mis à écrire avec un certain plaisir. Pas d’internet ici et je n’ai pas même apporté mon ordinateur, je fais glisser le stylo sur le papier de mon carnet. Je vais me relire puis je vais me glisser entre mes draps et rejoindre avec un intense plaisir et jusqu’à ce que mes yeux se ferment, la belle Gabrielle et la maison du Mesnil, surgie d’entre les mots d’Anne Marie Garat.

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Commentaires
V
Mais tu viendras m'y voir, chère B.!<br /> Toi et d'autres...<br /> Il y aura une chambre qui t'y attendra.
B
oh oui la vie parisienne te va comme un gant! mais pourtant je t'imagine tellement plus épanoui là-bas , si "loin"...! (mais le tgv fait des merveilles)<br /> et puis toulouse est tellement active, tu y trouverais ton bonheur!<br /> <br /> j'espère que tu finiras par y habiter: tu y sembles toujours tellement serein...<br /> (pourtant nos rencontres me manqueraient, néanmoins je te souhaite ce départ...)
V
Et oui, j'envisage! A vrai dire j'envisageais depuis longtemps, la différence c'est que maintenant je m'y vois.<br /> Si je ne m'abuse ça m'éloignerait encore un peu plus de l'invisible Alain, mais bon...
A
tu envisages donc d'aller vivre là-bas définitivement ?<br /> j'avais plutôt le sentiment que la vie parisienne te collait pas mal à la peau...
Les échos de Valclair
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