Croquis
Ecrit hier soir dans le train qui nous ramenait vers Paris et mis en ligne cet après-midi avant de me préparer et de partir participer aux festivités de Noël en famille…
Je lis avec intérêt et plaisir « Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage », un récit autobiographique de Maya Angelou qui évoque une enfance de petite fille noire dans le sud des Etats Unis à la fin des années 30.
Mais outre la lecture, ce que j’aime aussi dans les voyages en train c’est cette disponibilité qu’ils offrent, à l’observation des spectacles du monde et des gens, à la rêverie, aux glissements de l’imagination…
J’ai laissé mon livre un moment et je pose sur mon carnet deux images de ce jour…
Tout à l’heure au café proche de la gare Matabiau où nous nous sommes posés entre arrivée du car et départ du train. En face de moi, à trois tables de distance, une femme seule, petite quarantaine, qui comme nous fait un arrêt buffet en attendant son train. Elle n’est pas spécialement belle mais elle a quelquechose dans le regard qui m’accroche, une sorte de langueur, un fond de tristesse. Elle mange son entrecôte, boit son quart de vin, déguste son café, elle paraît à la fois tout à fait là et très loin. Une ou deux fois son regard croise le mien, puis il se perd au loin. A un moment elle amorce un sourire, mais un sourire triste, je ne sais pourquoi j’ai l’impression qu’elle pense à une chanson et qu’elle est en train de la chanter intérieurement, d’ailleurs elle dodeline un peu de la tête. Un moment encore, puis elle paye et s’en va, j’accompagne un moment du regard sa silhouette qui s’éloigne.
Dans le train maintenant, en diagonale de moi, de l’autre côté du couloir, une jeune femme, d’origine antillaise vraisemblablement, peau café au lait, coiffure tressée, baladeur aux oreilles, un livre devant elle. Elle lit, elle écoute sa musique, elle répond sur son portable à plusieurs reprises, bref une jeune femme tout à fait « normale ». Mais par moments elle semble s’échapper. Elle met un doigt ou deux dans sa bouche, elle ramène devant son visage une écharpe de laine qui a l’air d’être une sorte de doudou, elle la déplace sans cesse se faisant de brèves caresses sur le nez, sur les lèvres, sur le menton. On a l’impression qu’elle lui sert aussi à masquer pour l’extérieur les doigts dans la bouche qui ne sont pas de son âge. Cela dure des minutes entières, elle est alors absorbée dans la musique, elle la ponctue de la main ou de la tête. Elle n’a plus vingt-cinq ans, elle en a six ou huit ou dix. Il y a quelquechose de fascinant à observer le basculement entre la jeune adulte et la petite fille happée dans le cocon de sa paisible activité auto-érotique.
J’aime à m’arrêter sur des spectacles minuscules de ce genre. Naturellement je les oublie très vite. En les notant je les approfondis et aussi je les fixe un tant soit peu. En recroisant ces lignes plus tard un petit quelquechose reviendra du moment vécu, même si l’image elle-même et le ressenti sans doute ne se retrouveront pas. C’est un peu comme avec les rêves qu’on prend le temps de transcrire, on en retrouve un squelette, on ne retrouve pas le rêve même.
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Et puis aussi, c'est le moment qui veut ça mais ma pensée est sincère, bonnes, excellentes Fêtes, à toutes celles, tous ceux qui passeront par ici...