Pages vives, pages mortes
J’ai été amené ces derniers jours à refaire un tirage de mon texte « Traces ».
Du coup je l’ai relu attentivement, en traquant les coquilles, fautes de frappe ou fautes d’orthographe. Je l’ai relu (quasi) en entier, en continu, ce que finalement je n’avais jamais fait.
Mes ressentis de lecture ont été très contrastés. Pour certaines pages j’ai lu sans difficulté et même avec du plaisir, me disant ici ou là « tiens c’est pas mal tourné tout ça quand même ! ». Pour d’autres je me suis senti mal à l’aise, gêné d’avoir écrit ce que j’avais écrit, ne parvenant pas d’ailleurs à tout relire. J’ai finalement sauté certains passages en me disant « tant pis pour les coquilles ! ».
Je me suis interrogé sur la cause de différences aussi spectaculaires de ressentis.
Tous ces textes pourtant ont été écrits en réaction au malaise qui était le mien dans ces années là, à la fois affectif et professionnel, appelons ça la crise de la mi-vie.
Certaines pages ne sont que réflexion froide, tentatives de conscientiser un état et une histoire, vague substitut à une démarche thérapeutique que je n’ai jamais entrepris. Ce sont ces pages là qui me sont quasi insupportables.
D’autres, s’appuyant pourtant sur le même malaise, se sont voulues plus créatives, à partir de l’évocation de souvenirs, de la remise en mouvement de ceux-ci et avec l’effort explicite pour trouver une forme qui convienne, qui produise un résultat plaisant pour le lecteur (même si, à l’époque, je n’avais nulle intention de le faire lire à quiconque).
Aux première ne sont associées que le souvenir du malaise du moment où je les écrivais. Aux secondes sont associées aussi le souvenir du plaisir de l’écriture, de l’acte de création. Et ça change tout. Les premières me paraissent des pages mortes, les secondes sont des pages vives, vivantes, encore fécondes.
Quand je me suis finalement décidé à déposer ces textes à l’APA, sans en rien changer, leur donnant ainsi quelques lecteurs extérieurs, j’ai ressenti de la gêne à l’idée que des regards extérieurs puissent se poser sur certaines pages que je trouvais trop impudiques ou trop explicites sur mes névroses sous-jacentes. Or à cette relecture ce ne sont pas ces pages là qui m’ont le plus gêné, mais bien les pages mortes, écrites comme de simples constats, comme un pensum, sans être portées aussi par le goût et le plaisir de les écrire.
Ainsi ce qui sauve un texte relu longtemps après c’est bien la volonté vivante de création que l’on ressent derrière les mots, cet effort pour transcender le contenu par la forme sans perdre pourtant l’authenticité, bref l’effort de création en lui même.
Ecrivons des pages vives !