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Les échos de Valclair
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14 octobre 2010

D'un mauvais film et de quelques autres

J’ai vu le week-end dernier « Amore » de Luca Guadanino. J’y allais en me disant : ça ne sera sans doute pas l’œuvre de l’année mais j’ai envie ce soir d’un film plein de mouvement, romanesque et avec de belles images, ça devrait le faire... Ben non, ça ne l’a pas fait et pourtant je suis plutôt bon public. Ce ne devrait pas être la peine de s’y arrêter alors. Sauf qu’en même temps, comme pour un mauvais livre, la seule façon d’y trouver un certain intérêt, est de s’interroger sur pourquoi c’est à ce point raté. Car à priori le récit n’est pas inintéressant, les tensions sociales et familiales qui sont évoquées ont du sens, l’embrasement amoureux qui permet à une femme, fut-ce au prix d’un drame, de s’évader du cocon dans lequel elle étouffe est fortement romanesque, l’actrice qui joue cette femme, Tilda Swinton, est absolument excellente, tout à tour impériale, fiévreuse, défaite. Le film est ambitieux, trop certainement, et c’est ce qui le tue. On pense à Visconti devant cette grande famille en cours de décomposition qui évolue dans de somptueux décors. On pense à Pascale Ferran et à son superbe « Lady Chatterley » quand se noue une idylle qui bouscule les situations de classe des personnages. Certaines scènes dans la première partie du film sont réussies grâce à Tilda Swinton qui exprime magnifiquement le basculement dans la passion, la mise à mal de tous les repères et carcans qu’elles s’étaient construits dans ce monde qui n’est pas le sien. Mais ensuite ça se gâte irrémédiablement. Le manque de distance du réalisateur, son académisme, la lourdeur de ces procédés, la musique pompeuse se font de plus en plus pesants. Le ridicule pointe son nez avec une scène d’amour bucolique : ce qui était magnifique et sensuel poème panthéiste chez Pascale Ferran est ramené ici à une imagerie niaise. Et ça ne fait ensuite qu’empirer en basculant dans un mélodrame boursouflé qui à défaut de faire pleurer peut faire rire (jaune). Une scène qui se veut tragique et qui n’est que ridicule et c’est tout le film alors qui se déconstruit et même ce qu’on avait trouvé pas mal au début en est rétrospectivement atteint. Dommage. N’est pas Visconti, ni non plus Pascale Ferran, qui veut !

Je profite de ce coup d’œil cinéma pour faire mon petit mémento de derniers films vus, juste pour ne pas les oublier totalement:

« Happy few » : pas mal, sur l’ouverture amoureuse, sur la partage et la non jalousie, sur la légèreté des débuts mais aussi la pesanteur des normes qui rendent si improbable un déploiement harmonieux et sans douleur de ce qui pourtant devrait être possible à des êtres adultes et suffisamment construits au fond d’eux-mêmes.

 « Des hommes et des dieux » : C’est bien certes, mais j’ai ressenti une légère déception tout de même en regard d’une critique trop élogieuse. Certaines scènes passent mal, les discours du prieur sont un peu agaçants (quoique ce soit sans doute à peu près le ton et les paroles réellement dites mais décidément ce ton catho-cucu m’exaspère !). Londsdale par contre est excellent (comme toujours) et la scène de festivité profane est magnifique, chacun des visages scruté au plus près est extraordinairement parlant.

 « The housemaid » : très bon, ici tout est bien rendu, la dureté des rapports sociaux et personnels, la violence implacable des puissants, le droit de cuissage du maître et l’ambigüité de certains des rapports qui se nouent ensuite. La rugosité des rapports sociaux est montrée ici de façon tout aussi terrifiante mais infiniment plus subtile et convaincante que dans « Amore ». Je me suis demandé quel était le sens de la longue scène d’introduction qui parait sans rapport avec le reste du film. J’ai pensé à postériori que la jeune fille que l’on voit se suicider pourrait être la fille du couple qui, marquée par la culpabilité sociale, déciderait ainsi d’expier le mal fait à la servante en reproduisant son geste quelques années plus tard. On peut penser, comme on peut ne pas le penser. Le film laisse une certaine liberté. Contrairement à « Amore » où tout est fléché à gros traits.

Il y en aurait tant d’autres films à voir. Il y a presque trop qui sortent, comme il y a trop de livres. Ils n’ont pas le temps de s’installer qu’ils ont déjà balayé par les nouveautés. Je voudrais voir « Benda Bilili » et « Un homme qui crie », des films de la petite mais vaillante cinématographie africaine qu’il serait bon de soutenir, comme je voudrais voir « Entre nos mains » mais je me fais souvent happer d’abord par les grosses machines médiatisées et après il est trop tard, ils ont disparu des écrans.

Allez, une dernière chose, qui est un coup de gueule ! Au MK2 Bibliothèque il y avait jusque là une vraie librairie, pas très grande mais dans laquelle il faisait bon flâner en attendant son film plus une boutique de cd et une autre de bd et d’affiches et objets autour du cinéma. Tout ça a été remplacé par une sorte de mini souk chicos et prétentieux qui vend trois bouquins, trois cd, trois vêtements, trois parfums, trois produits alimentaires de luxe. Derrière l’apparence, le vide. Ce n’est pas bien important en soi mais tellement symptomatique de notre société ! ça me rend ce lieu, où il y a les plus agréables salles de cinéma de Paris, bien moins sympathique et idem quant au père Marin Karmitz dont je persistais à penser, en dépit de ses positions et initiatives récentes, qu’il gardait quelque chose de ses débuts alors que sa boîte est devenue une petite major de la production et de la distribution cinématographique pas plus recommandable que les autres.


amore

Tout de même, mais uniquement pour Tilda Swinton!

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Commentaires
V
Ah ça je n'en reviens pas, Dasola, tu n'as jamais mis les pieds au MK2 bibli toi qui va tant au cinéma! Ce sont (je crois) les salles qui offrent le meilleur confort de vision de Paris et le confort de vision c'est important pour qui aime le cinéma: grands écrans, salles suffisamment en pente pour qu'on ne puisse être gêné par le spectateur devant, espace confortable entre les sièges.<br /> Et puis j'aime bien après le confinement de la salle obscure, le grand espace de l'esplanade, la présence du ciel...<br /> Bon c'était la minute publicitaire mais c'est pour les salles, le reste vient d'être massacré et est devenu nul! cf la fin de mon billet et le com de Christine.<br /> <br /> Merci de vos compléments, Pivoine et Nuages.
D
Bonsoir Valclair. Amore, j'ai failli m'endormir avant la fin. J'ai trouvé le film pompeux et pas bien filmé et le lifting de Marisa Berenson fait peur. C'est un film éthéré. The Housemaid: je dois rédiger un billet. Très bien sauf les 5 dernières minutes avec la torche vivante. Cela casse l'ambiance de cruauté chic. Des hommes et des dieux: le film est à voir pour le sujet, Michael Lonsdale, pour les premières sèquences et la dernière avec les moines qui disparaissent dans la nuit et le brouillard. Je n'ai jamais encore mis les pieds au MK2 Bibliothèque. Bonne soirée.
P
Je ne dirais pas pour autant que c'est un mauvais film. Disons qu'il ne tient pas ses promesses ou que dans le genre, on a déjà fait nettement mieux. Mais à notre époque de n'importe quoi (comme cinéma) c'est une oeuvre qui tient...
P
Je n'ai pas encore vu "des hommes et des dieux", mais je pense que ce qui manque à "Amore", c'est la gradation du sentiment entre les deux protagonistes. Ou alors, c'est téléphoné. Bon, c'est téléphoné en partie quand on a lu les critiques et qu'on connaît déjà le sujet du film. <br /> <br /> J'ai aimé les scènes montrant Milan sous la neige et le repas de noël. Je trouve que la scène d'amour (dans la nature) est plutôt belle, mais je me demande vraiment si c'est réaliste (si quelque chose comme cela existe dans la réalité veux-je dire...) Il ne me semble pas non plus que je pourrais m'en aller tranquillement rejoindre l'homme que j'aime si j'avais perdu mon fils. J'aime bien ce type de cinéma, mais en effet, il est difficile de surclasser Visconti ou Carlos Saura (dans "Cria cuervos") ou Vittorio de Sica dans "Le jardin des Finzi Contini" (auquel j'ai aussi pensé hier, pendant que je regardais le film - au cinéma de Louvain-la-Neuve). <br /> <br /> Le plus curieux est qu'une réalisatrice française, Marion Sarraut, a tourné un téléfilm sur le même thème, "l'ami de mon fils" - qu'on n'a jamais rediffusé - avec Mireille Darc. Il est donc extrêmement difficile de renouveler ce thème au cinéma, sans compter que la littérature aussi l'a abondamment exploité.<br /> <br /> Mais j'aime beaucoup Tilda Swinton et je paierais cher pour avoir le tiers du quart de sa garde-robe... o;))) (surtout sa robe rouge/corail).
N
Je partage votre avis à tous sur "Des hommes et des dieux". Un bon film, sans soute, mais sans surprise. C'était exactement ce à quoi je m'attendais.<br /> Autant l'action sociale et médicale de ces moines est admirable, autant le langage chrétien un peu cucul et surtout la propension au martyre, au sacrifice inutile, sont agaçants.<br /> Certains passages, notamment quand la caméra passe en revue les visages des moines, avec une musique symphonique envahissante, sont assez pesants.<br /> Par contre, d'autres séquences sont justes et crédibles, comme les rencontres mouvementées avec les terroristes islamistes, la fête au village, la scène de vaisselle dans la cuisine, avec un accrochage très drôle entre frère Luc (Michael Lonsdale) et un autre moine...
Les échos de Valclair
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