Facebook, suite...
J’ai ouvert il y a déjà un certain temps un compte facebook . Je n’ai pas encore décidé ce que j’en ferai, si j’en fais quelque chose. Pour l’instant, j’observe, je fais, chaque jour ou presque ma petite promenade mais sans m’y attarder plus que cela…
Il est évident que facebook est un instrument puissant de communication et d’échange comme le montre à plus d’un titre l’actualité récente (les révolutions arabes, le maintien d’un lien d’information dans les situations de catastrophe, la construction de contenus en réseau). Mais malgré tout je reste très réticent. Peut-être aurait-on besoin d’autres outils de web 2 ne présentant pas les tares particulières de celui-ci mais l’ennui c’est que pour le moment c’est bien facebook qui par sa diffusion occupe une position de quasi monopole.
Je suis très gêné car j’ai l’impression que l’on n’y contrôle rien véritablement. La plate-forme impose son interface. J’ai constaté récemment que la façon de présenter les profils avait changé. C’était optionnel pendant un moment et puis un beau matin les millions d’utilisateurs se sont tous retrouvés basculés dans le nouveau profil. Bien sûr on dépose les informations qu’on veut mais une fois qu’elles sont déposées c’est facebook, à quelques options près, qui gère la façon dont elles s’affichent. Il y a toute une mécanique pour générer des sollicitations : sollicitations de contacter de nouveaux amis, sollicitations pour participer à un évènement ou pour s’inscrire à un jeu plus ou moins débile, sollicitations à ne pas oublier les anniversaires des « amis » qui naturellement pour la majorité ne sont pas plus amis que ça. Evidemment il suffit de ne pas répondre à ces sollicitations. Il n’empêche que cet esprit, cet interventionnisme facebookien m’agace au plus haut point. Je n’ai rien à faire que x ait son anniversaire le 23 mars, encore moins qu’il ait 38 ans ou 72 ans, j’en suis presque gêné comme si je pénétrais par effraction douce dans l’intimité de la personne. C’est très différent d’un blog où c’est l’auteur qui choisit de donner l’information et de la présenter comme il le souhaite. Facebook au contraire nous concocte automatiquement un message à partir des informations déposées par la personne.
Par ailleurs j’ai toujours un peu de mal à comprendre comment ça marche. La logique d’affichage ne me parait pas toujours la même. On se demande selon quelles règles les éléments apparaissent « à la une ». Parfois on ferme et puis on rouvre à quelques minutes d’intervalle et ce ne sont pas les même messages qui s’affichent sans qu’on comprenne pourquoi. Il semble y avoir un côté aléatoire. Tout, de toute façon, défile très vite, sans autoriser aucune profondeur temporelle. Si un billet ou un lien intéresse il faut s’en saisir dans l’instant, inutile de compter le retrouver deux jours après. Et encore j’ai limité à un tout petit nombre ma liste d’amis, je n’ai pas cherché à l’étendre après la première série créée au moment où je me suis inscrit.
Je me dis que je pourrais faire sur facebook quelques interventions pour informer de mes propres découvertes ou coups de cœur ou d’évènements auxquels je participe ou que je soutiens. Mais là je retrouve les difficultés de la personne clivée, d’un côté il y a facebook avec mon nom d’état civil et de l’autre il y a le blog de Valclair. Il y aurait sens à avoir une synergie entre les deux puisqu’aussi bien mes deux incarnations partagent des terrains d’intérêt commun. Mais cela je ne veux pas le faire, je veux laisser Valclair à l’écart de ceux, famille, amis, relations, qui me connaissent uniquement sous mon nom d’état civil.
Une grande partie des inscrits sur facebook semblent assez passifs (comme je le suis moi-même). Dans ce cas facebook sert, quand on va y jeter un œil, à glaner des infos sur ceux qui sont plus actifs que nous. Ainsi ai-je par ce biais de loin en loin et sans qu’ils aient besoin de rédiger des mails quelques informations de mes fils à l’étranger et de deux amies américaines et quelques états d’âme ou actions du jour de quelques autres relations propulsées au rang « d’amis ». Mais de fait l’essentiel des messages que je vois apparaître sur mon mur proviennent de trois personnes seulement qui sont elles des facebookiens très actifs (François Bon, Christine Genin et Gilda). Elles en font un outil de veille, d’information, de communication voire même de création sur leur sujet d’intérêt, la vie du web littéraire (et de twitter aussi je pense mais là je n’ai pas été voir). Et c’est vrai que je vois passer par leurs liens quantité de choses intéressantes. Ainsi je lis avec plaisir la série « Autobiographie des objets » de François Bon (qui en plus fait écho avec le dernier numéro de la revue de l’APA). C’est par facebook aussi que j’ai découvert le recueil d’articles du même François Bon « Après le livre » et que je l’ai acheté en ligne (mais, quant à moi, il m’a fallu l’imprimer de la plus classique et anti-écologique façon pour pouvoir le lire vraiment !). Je croise par leur intermédiaire quantité d’auteurs, de blogs, d’expériences de création qui attestent des effets du surgissement du numérique dans le champ de la littérature et qui posent, au-delà même de la littérature, quantité de questions sur ce que le numérique modifie de nos vies et de nos rapports au monde. Tout ça est passionnant…
Mais c’est là aussi où, pour moi, le bat blesse. Je n’ai pas la capacité à entrer vraiment en lecture. Je ne fais que passer, je ne fais que croiser. La multiplicité même me donne le tournis et crée de la frustration. Au fond c’est un peu cette même réaction de désagréable vertige devant l’abondance qui m’a conduit à cesser d’aller au Salon du Livre (sauf à y aller dans un but précis, pour y suivre un débat ou y rencontrer un auteur particulier).
Je reste pantois devant l’activité éditoriale sur facebook des trois personnes que j’ai citées. Je les imagine devant ces flux d’information et de textes, dans une sorte de qui-vive qui me parait épuisant, en connexion quasi permanente, par leurs ordinateurs, leurs liseuses, leurs téléphones portables, toujours reliées (ou presque), toujours arrimées (ou presque) au réseau, lisant, appréciant, prêt à dégainer un bref commentaire, copiant le lien et le publiant, commentant le commentaire, tout en faisant évidemment aussi bien d’autres choses. C’est un fonctionnement multitâche dont je me sens incapable et qu’au demeurant je crois ne pas souhaiter.
Parfois il m’arrive de ressentir mon blog lui-même, le simple fait d’être présent sur internet, comme déjà une excessive immersion dans une perturbante agitation, comme une source de dispersion mentale, d’où mon besoin parfois de la coupure totale, de la déconnexion radicale. Que dire alors du réseau, de ce clignotement permanent de petites lumières attirantes.
Il me semble que j’ai besoin pour appréhender un texte vraiment en profondeur, en intimité, d’être en état de concentration, de me mettre dans un échange unique, particulier, précieux avec lui, donc à le border de solitude et de silence. Je ne peux à la fois être dans le texte lui-même et dans ce qui l’entoure, le commente, le prolonge, le relie à mille autres sollicitations d’internet.
Lutter contre la dispersion mentale, être vraiment dans ce que je fais à l’instant où je le fais, me parait de plus en plus nécessaire et quasi organiquement incompatible avec le multitâche. C’est aussi un des enseignements que je tire de ma modeste et limitée pratique du yoga, un de ceux en tout cas dont je fais un certain usage dans ma vie concrète et quotidienne.
Ma réflexion, à ce que je vois, m’a porté bien au-delà de facebook et de ses usages !