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Les échos de Valclair
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2 novembre 2005

Pour saluer Guingouin

J’ai lu l’autre jour la nécrologie de Georges Guingouin dans le Monde.

Qui c’est celui-là ? J’imagine que c’est un nom qui ne dit rien à la plupart de ceux qui me lisent. C’est un type pour lequel j’ai eu beaucoup de respect au temps de ma jeunesse militante. Jeune instituteur communiste, résistant de la première heure, préfet rouge des maquis du Limousin, libérateur de Limoges puis maire de la ville, il a suivi la ligne qui lui semblait juste et non les oukases du parti. Il s’est donc trouvé en conflit brutal avec celui-ci et à l’époque ça ne rigolait pas quand on s’opposait. Le parti n’étant pas au pouvoir n’a pu mener exactement le type de procès qu’organisaient à Moscou ou à Prague Staline et ses sbires mais enfin il a réussi à monter en s’alliant avec d’anciens vichystes et des notabilités locales un joli complot l’accusant d’avoir organisé les débordements, vengeances privées et affaires de droit commun qui ont accompagné la libération. Au point que Guingouin a été mis en examen, traîné dans la boue, emprisonné et qu’il a même été victime d’une tentative d’assassinat dans sa cellule. L’instruction durera cinq ans avant qu’il ne bénéficie d’un non-lieu et puisse reprendre son métier d’instituteur, blanchi par la justice, pas par le parti qui attendra 1998 pour le réhabiliter. Mais Guingouin gardera toujours pour lui sa conscience.

Pour nous, jeunes militants des années 70, alors même qu’il ne militait plus et bien qu’il vint d’une autre paroisse que la nôtre, il était un exemple des vertus communistes non dévoyées, une référence de haute stature morale.

Tout ça est désormais bien loin pour moi. Je ne milite plus depuis très longtemps, en réalité je n’ai milité que quelques années seulement mais des années qui comptent, celles là il me semble qu’elles s’étirent, s’étirent, occupent de l’espace bien plus que les années qui ont suivi et qui ont coulé si vite.

J’ai fait mon deuil mais il peut y avoir parfois un peu de nostalgie, justement à des moments comme celui-ci, lorsque des figures comme Guingouin s’éteignent.

Je ne suis pas tombé comme beaucoup de mes anciens camarades dans la politique de pouvoir et n’ai trouvé aucun engagement collectif de substitution. J’ai vaguement essayé par moments. Sans vraie conviction. Alors je me suis tourné vers mon petit boulot, ma petite famille, mon petit ego. Certains diront que c’est la vérité sociale qui revient, que je n’ai fait que retrouver les comportements naturels du petit-bourgeois que je suis, que j’ai toujours été. Peut-être. Pourtant je suis sérieusement scandalisé par ce que je vois autour de moi, par la façon dont le monde évolue, profondément atteint, et même très inquiet sur l’avenir, j’y pense parfois pour mes fils, je n’en parle pas beaucoup ici, la catégorie « vie du monde » que j’avais prévu en ouvrant ce blog n’avait pas encore d’entrée, il est significatif que la première soit justement consacrée à évoquer un mort et des combats d’un autre temps.

Les raisons d’indignation, de révolte, d’engagement ne manqueraient pas mais je ne peux plus, je ne veux plus. Il m’arrive de m’en culpabiliser en me disant « je n’arrête pas d’écouter les petits gargouillis de mon ego, je passe mon temps à écrire là-dessus, je ferai mieux d’être un peu plus tourné vers les autres ». Mais non ça ne sert à rien cette culpabilisation. C’est là où j’en suis, c’est tout. Il faut seulement que j’essaie de rester honnête avec moi-même, clair dans mes relations aux autres, ceux qui m’entourent, à la maison, dans mon travail et un peu plus loin. Essayer d’avoir de l’harmonie en soi, d’en créer autour de soi. Ce n’est déjà pas si facile.

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Commentaires
L
Ton texte touche quelque chose de profond en moi. Cette impression de ne pas m'engager assez dans des luttes qui en vaillent la peine. J'ai autrefois touché, de-ci de-là à des domaines qui me semblaient importants à défendre et puis j'ai senti que c'était soit à fond, soit autre chose. Comme je n'avais pas la force pour me lancer à fond j'ai préféré le faire pour des choses qui semblaient à ma portée. Plus infimes.<br /> Je pense que l'engagement social, ou politique, demandent des convictions, une détermination, un militantisme... qui ne sont pas à la portée de tous.<br /> Et pourtant j'ai la même inquiétude que toi face à l'avenir de mes enfants.
A
J'ai beaucoup aimé cette entrée. Disons que j'aime ton humilité foncière, lorsque, à travers elle, tu laisses voir l'homme de valeur que tu es.<br /> A propos des engagements, il ne faut pas non plus minimiser ceux qui en ont pris en raison de leur "ego" et de leurs propres interets, existent bel et bien ...<br /> Le militantisme n'est pas une vertu ! C'est simplement un sens à sa vie...<br /> En ce domaine une "mère de famille" de 5 enfants qui "reste à la maison" est tout aussi militante à mes yeux, dès lors qu'elle donne du sens à cet engagement là.<br /> <br /> Cela dit, je comprends ce que tu dis par ailleurs : les combats "d'un autre temps". J'ai beaucoup donné (comme on dit) toute une longue période de ma vie, de l'engagement associatif au politique en passant par le syndical. Ca s'est fait... comme ça... au gré des circonstances de la vie et de ce qu'il me semblait que j'avais à faire. Mais un jour "on passe à autre chose", à une autre forme, sans doute plus humble et quotidienne...<br /> C'est peut être mieux que le sarkozisme effrené !!!
M
A travers tes lignes je retrouve les échos du Valclair que je préfère : celui qui se laisse entrevoir derrière les menus plaisirs et déplaiisiers du quotidien
S
Je crois que c'est une question importante que tu soulèves là et qui me taraude aussi. Je l'ai résolue par l'engagement associatif, mais par défaut du politique, par défaut de trouver un parti politique assez enthousiasmant pour que je m'y inscrive et y milite.<br /> <br /> Le sens d'une vie humaine (surtout si on lui enlève toute dimension métaphysique) ne se trouve-t-il pas dans l'engagement qui permet de rejoindre les autres et de faire avancer les choses, même modestement? Et qui permet aussi de se transcender?<br /> <br /> Je pose la question, évidemment chacun apporte sa propre réponse... Je pense que toi comme moi avons été influencés par nos anciens, et en particulier l'engagement dans la Résistance, les grands combats sociaux... Moi je me sens pétrie de ces luttes et souvent bien malheureuse de voir ce qu'elles sont devenues (je me souviens en particulier avoir partagé nombre de tes analyses sur les mouvements de grève dans notre domaine professionnel)<br /> <br /> Allez, sur ce je vais corriger quelques copies, à la dernière minute !
Les échos de Valclair
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