"Le secret"
Hier
je me suis fait une petite soirée télé, ce qui est plutôt rare chez moi, même
plus que rare, exceptionnel, entre les livres et les promenades internautiques
il ne me reste plus de temps pour cet autre écran.
J’ai
regardé un peu Pivot. C’était Pivot dernière, c’est le départ irrémédiable à la
« retraite ». Le regarder c’était passer un dernier moment avec lui,
une forme d’hommage. On dira ce qu’on voudra sur la perversité de la médiatisation
de la culture (passer chez Pivot ou n’être pas, sentiment parfois de rester à
la surface, dans la superficialité d’une œuvre, jeux de paraître avec renvois
d’ascenceur obligés parfois agaçants entre les différents invités) il n’empêche
que ce type est (était) un excellent interwiever, par sa culture, son humour et
par sa capacité surtout à créer de l’empathie. Du temps d’Apostrophes, je le
regardais assez régulièrement en y prenant le plus souvent un vif plaisir. J’ai
apprécié particulièrement les émissions seul à seul avec certains auteurs
importants, lorsqu’il allait les débusquer jusque dans leurs propres lieux, je
me souviens entre autre des interviews de Cohen, de Nabokov, de Soljenytsine,
de Yourcenar... Depuis la fin d’Apostrophes je n’avais pratiquement plus suivi
ses émissions mais là j’ai eu envie de le regarder un moment une dernière fois.
Ensuite
j’ai zappé vers « Le secret », un film autour de Mazarine Pingeot, la
fille de Mitterrand. Au-delà de l’aspect people de la personne et de la
mitterandolatrie médiatique du moment, je me sens assez fasciné par cette
enfance tellement particulière et je m’interroge toujours sur comment même
était-ce matériellement possible, comment vivre continûment cette espèce de
double vie sans se trahir, quels sont les mécanismes psychologiques qu’il a
fallu mettre en oeuvre pour supporter et se construire dans cette situation
schizophrénique, à la fois dans le monde (et le plus haut monde) et totalement
coupée du monde, comment arriver à porter ce secret quand on est enfant et
surtout adolescent. J’avais lu son livre « Bouche cousue » avec un
peu d’agacement d’abord (par prévention à priori ? parce que le style
décousu m’agaçait ?) et beaucoup d’intérêt ensuite à mesure que la
personnalité fracturée de Mazarine se construisait et émergeait des pièces du
puzzle. Le documentaire m’a un peu déçu, il est peut-être un peu trop pétri de
bons sentiments et de regards extasiés, mais comme le livre, il me semble qu’il
devient meilleur sur la fin, il commence à toucher à l’essentiel. D’ailleurs
les films disent presque toujours moins que les livres. Encore qu’il disent
aussi par d’autres moyens, les attitudes corporelles, le visage changeant,
cette bouche, cette machoire puissante qui en rappelle une autre (machoire trop
puissante dans son visage auquel par moments elle donne un aspect disgrâcieux),
cette facilité à user des mots et par moments ce léger défaut d’élocution…
Et
puis tiens, encore un livre et un film (et une personne ?) qui se
construisent en parallèle avec une autre création, un enfant qui pousse en soi…
Me revoici sur un autre « Journal de la création », je repense à
Nancy Huston.