"Paris, je t'aime"
C’est le moment de le dire.
Il me faut le dire. Car vraiment, Paris, là, j’ai plutôt envie de le
fuir ! Mais je l’aime bien aussi chacun le sait et c’est une des raisons
pour lesquelles j’ai été heureux de ce « Paris je t’aime » que j’ai
été voir au cinéma mk2 bibliothèque .
C’était le plaisir aussi
naturellement de renouer avec une vraie sortie, d’aller dans une salle obscure,
de m’immerger dans la boîte à rêve, ce plaisir que ne peuvent offrir les films
vus à la télévision et dont je me suis contenté tous ces jours-ci. Et de
profiter de surcroît de la fraîcheur de la climatisation.
J’étais méfiant à l’égard de
ce projet cinématographique pourtant. Cela me paraissait artificiel. Qu’est ce
que ça pouvait donner une telle commande ? Y aurait-il le moindre élément
d’unité ? Est-ce que ça n’allait pas apparaître comme une série de
vignettes posées arbitrairement sur chaque quartier ? Comment accéder en
si peu de temps à autant de mondes et de personnages (cinq minutes pour chaque
film), comment éviter que tout ça ne se collisionne très vite dans la tête en
un magma indiscernable ? Les quartiers de Paris ne sont pas des
personnages, dans certains cas ils ne sont pas même véritablement le décor, le
lien entre le film et eux est, disons, ténu, mais il n’empêche ce sont tout de
même bien eux qui font le liant, qui donnent leur unité au projet.
Et ça marche.
Naturellement tous les films ne se valent pas, certains s’oublient vite et se
perdent déjà dans la mémoire mais il y a beaucoup de bons, bien plus que les
trois seuls auxquels le critique très négatif du Monde condescendait à accorder
un certain intérêt. Personnellement j’ai beaucoup aimé la joyeuse et ironique
brutalité de « Tuileries » des Frères Coen, le regard doux de Walter
Salles sur la condition de celles qui gardent les enfants de autres, la jolie
variation des mimes dans « Tour Eiffel », le récit très émouvant et
d’une grande acuité sociale de « Place des Fêtes », la belle histoire
d’amour de « Faubourg Saint Denis » entre le jeune aveugle et
l’apprentie actrice, l’ambiance à la Cassavetes de « Quartier
latin ». Et puis, terminant l’ensemble ce qui n’est sans doute pas un
hasard, j’ai adoré ce bijou de tendresse et d’émotion qu’est cette déambulation
de la postière solitaire de Denver entre Tour Montparnasse et Parc Montsouris,
Paris ici est vraiment un personnage, c’est celui auquel cette touriste pas
comme les autres vient rendre visite, avec sa touchante naïveté et sa volonté
inentamée de bonheur, c’est enfin le vieux rêve réalisé.
C’est assez
fascinant de voir la variété des styles de cinéma concentrée en si peu de
temps. Et aussi de se rendre compte de ce que l’on peut faire en un temps bref,
en cinq minutes il y a de quoi construire des personnages, une ambiance, créer
une émotion et même dans beaucoup de cas dérouler une véritable histoire. Tout
comme on peut le faire d’ailleurs dans l’écriture avec des nouvelles.
Il y a au final quelquechose
de jubilatoire dans cette succession de moments de cinéma. Cela s’exprime
d’ailleurs bien dans le générique de fin ou se mêlent dans une sarabande
heureuse tous les personnages sortis des cadres de leurs histoires et qui
semblent venir attester du plaisir qu’ils ont eu à ce jeu cinématographique.
Après le film, nous nous
sommes promenés un peu avant de reprendre la voiture. J’ai traversé la dalle de
la Bibliothèque pour aller jusqu’à la passerelle inaugurée il y a quelques
jours et qui relie désormais pour piétons et cyclistes deux beaux lieux
relativement neufs de Paris, la Grande Bibliothèque et les jardins de Bercy,
permettant de survoler les quais, voies rapides et encombrées, et d’éviter leur
laborieuse traversée. J’attendais beaucoup ce moment. Voilà, on y est ! Ce
projet dont la conception, la réalisation s’est étirée sur de longues années et
bien le voici terminé ! Signe aussi que le temps passe…
La passerelle sent encore le
bois neuf, c’était très jouissif de la fouler du pied tout en aspirant cette
odeur presque de forêt. En dessous il y a les aménagements de Paris-plage, mais
relativement déserté à cette heure et dans cette partie. Je me suis avancé
jusque vers le milieu de la passerelle, mais ça tirait beaucoup, je n’ai pas pu
l’inaugurer comme je l’imaginais par une grande ballade entre les deux rives,
ce sera pour une autre fois, je suis bien obligé d’y aller en douceur, j’ai eu
mal à la jambe en rentrant, ça tire…