Ricochet 2000: Dépression
Voici ma contribution 2000 aux « Petits cailloux et ricochets » des blogueurs . Je l’ai mis sur le site des ricochets jeudi, jour de publication hebdomadaire que je me suis fixé. Mais j’ai eu un peu plus de mal à le mettre ici, en ce lieu plus exposé. J’ai hésité, reporté, comme saisi d’une pudeur. Je me sens là aux limites de ce que je m’autorise à dire publiquement. Je me demande parfois si je ne laisse pas entraîner trop loin par ces fichus ricochets !
Difficile ricochet :
car je dois parler d’autrui et ne peut m’empêcher de me dire : De quel
droit est-ce que je le fais, comment puis-je m’y autoriser…
Je le fais pourtant
car partant d’elle c’est à moi que j’aboutis.
Après déjà une alerte
sérieuse l’été précédent pendant des vacances qui avaient pourtant plus que
d’autres tout pour être très belles, la dépression latente de Constance est
devenue manifeste cette année là, paralysante, porteuse de souffrances
violentes et de moments de complète prostration.
Elle est parvenue toutefois
à continuer son travail, elle donnait le change en se caparaçonnant dans ses
obligations, dans son sens du devoir pour s’écrouler en pleurs et en douleurs
chaque soir dès le retour à la maison ou pendant les week-end… Elle n’a dû
prendre en tout et pour tout qu’une à deux semaines d’arrêt pendant cette
période si noire.
Après qu’elle ait pendant
des semaines et des semaines refusé de même envisager de se soigner, j’ai
réussi à l’amener chez son médecin qui lui a fait accepter de prendre quelques
médicaments puis un peu plus tard après plusieurs tentatives infructueuses,
après plusieurs rendez-vous pris qu’elle a fui à la dernière minute, j’ai
réussi à la conduire chez un psy qu’elle disait ne pas vouloir voir…
Mais elle l’a vu finalement
et, à son corps défendant d’abord, un processus a commencé, régulier,
métronomique, deux fois par semaine et qui a duré, qui dure encore, avec la
même personne…
Moi je suis sorti du jeu. Je
l’y avais conduite, je l’avais aidé à amorcer le processus, j’avais amené la
malade, c’était bien suffisant. D’ailleurs quoique la situation fut difficile,
pénible à vivre, je me sentais en effet plutôt solide, bien ancré dans mes
baskets et dans le réel. Comme si j’avais charge d’âme et qu’il me fallait être
fort pour deux. Comme si face à la déliquescence manifeste de l’une, je devais
être un pilier sur qui compter. J’avais à tenter de tenir la tête de quelqu’un
hors de l’eau, il n’était donc pas question que je cède à ma ligne grise, à mes
habituelles interrogations existentielles, à mes mini et récurrents coup de
déprime... Etrange jeu systémique !
Le processus engagé par
Constance a eu des effets, les crises douloureuses, se sont espacées puis ont
disparu, enfin presque disparu. Mais le malaise est là, toujours, permanent, en
arrière fond. Il n’y a pas eu réévaluation, reconstruction, nouveau départ. Les
crises reviennent s’inviter par moments, spécialement dans certains moments de
temps libre, dans ceux qui ne sont pas consacrés à une activité précise,
organisée, balisée, des moments qui pourraient être, devraient être
d’épanouissement, de projet, de convivialité légère.
Tout ça n’est pas très gai.
Et surtout je viens en écrivant ces ricochets de réaliser le temps depuis
lequel ça dure. On m’aurait posé la question, j’aurais sans trop réfléchir
répondu : Oh, longtemps, ça doit bien durer depuis trois ou quatre ans… Tu
parles ! Sept années presque ! Sept ans ! J’en ai le vertige.
Rien, au fond, n’a changé.
Comme toujours j’ai laissé
couler, couler les choses, couler le temps, suivant ma plus grande pente, la
pente de la passivité. Je n’ai pas regardé vraiment au fond de ce miroir que
pourtant je ne cesse de me tendre. Je n’en ai pas profité pour tenter de mettre
en jeu une dynamique partagée ou pour me remettre en cause en vérité et en
action, au delà de la litanie finalement facile de mes mots écrans, qu’ils
soient adressés à moi seul ou jusqu’aux confins inconnus de la toile…
Sept ans !