"Le vieux jardin"
Il n’a pas manqué à ce long
week-end sa part de sinistrose. La pluie si présente y a sans doute beaucoup
contribué même si pourtant je sais aussi aimer la pluie. Beaucoup trop de
mollesse en moi, d’incapacité à me mettre à ce que je voulais faire, temps qui
file, qu’on laisse filer en passant à côté de l’essentiel...
Mais j’ai vu « Le vieux
jardin », un film superbe qui a éclairé en partie mes journées. Enfin il
les a éclairées mais a contribué aussi peut-être à ma mélancolie par ce qu’il
portait en lui de douloureux.
C’est une histoire qui parle
du passé et du présent, de ce qui a été et de ce qui aurait pu être. Elle parle
de vies marquées par l’histoire, par ses soubresauts dans lesquels les humains
sont pris, bousculés comme des fétus de paille sur la vague. Les meilleurs ne
sont pas les derniers à s’engager dans les fausses pistes et les impasses de
l’histoire.
Un révolutionnaire
pourchassé est accueilli par une jeune femme qui le cache dans la montagne, ils
y vivent une brève et forte histoire d’amour, mais l’homme repart, il est
arrêté, torturé, la violence de la répression est montrée sans fard, elle tente
de vivre et lui garde une fidélité au-delà des aléas de la vie, elle ne le
reverra plus, emportée par la maladie avant sa sortie de prison mais elle
laisse des traces, ses peintures, son journal, la fille surtout qu’elle a eue de
lui.
Il y a un contraste
magnifique entre les scènes lumineuses dans la montagne, dans ce lieu
parenthèse, à l’écart, et la dureté, les violences de la ville et de la prison.
La jeune femme incarne une présence de vie qui fait paraître pâle à côté
l’engagement militant de l’homme. Elle tente de le retenir et sait qu’elle ne
le retiendra pas. Le regret n’est pas de mise. Cela a été, c’est tout. Il n’est
pas certain qu’un choix différent aurait été meilleur. Le film n’est en aucun
cas une apologie du désengagement et de la fuite des responsabilités. Nul n’est
jugé.
Le film est efficacement
construit. Il navigue sans cesse entre deux époques, celle où l’homme vieilli
sorti de prison va sur les traces de son passé et celle de ce passé lui-même.
Le jeu des flash-back est toujours limpide, les signes qui les marquent sont
clairs, évidents, les glissements au travers du temps se font avec fluidité. L’émotion
est constamment présente, de façon même un peu mélo, mais tout ça au final
passe très bien, pourquoi faudrait-il refuser l’émotion…
L’actrice est magnifique de
beauté, de douceur sensuelle mais de force et de résolution aussi, montrant une
fois encore que l’avenir de l’homme, très certainement, est du côté des femmes.
Ce film a en commun avec
d’autres vus récemment comme par exemple « Une jeunesse chinoise »
d’être réalisé par des quadras ou quinquas qui portent depuis la société
d’aujourd'hui leur regard sur le temps de leur jeunesse, sur la grandeur de ses
engagements mais aussi sur la perversité de certains errements et sur les
drames individuels qu’ils ont générés. Celui-ci, même s’il part d’une situation
bien précise, très éloignée de la nôtre, m’a paru porter le message le plus
fort, le plus universel.
Ce n’est pas mon histoire. Mais c’est plus ou moins ma génération. Celle qui est au temps des regards rétrospectifs et de ce qu’il portent avec eux d’irrémédiable douleur même s'ils devraient, aussi, porter de la sérénité.